[Exposition] La Mine c’est du sport à découvrir jusqu’au 4 mai 2025 au centre historique minier de Lewarde
29 juin 2024Jusqu’au 4 mai 2025, le centre historique minier de Lewarde (près de Douai), classé patrimoine mondial de l’UNESCO, présente une exposition aussi originale qu’actuelle intitulée : La mine c’est du sport.
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Sport loisir et hygiène de vie
Loin de l’image qui voit le mineur de fond et sa famille arasés par la misère, la fatigue et l’alcool, l’exposition démontre que les corons sont en fait un vivier de jeunes (et moins jeunes) sportifs aux talents indéniables.
Pour se distraire et sculpter leur corps musculeux, il est vite apparu aux différents patrons des sociétés minières (avant la nationalisation de 1946), puis aux dirigeants des houillères nationales, que proposer des pratiques sportives à leurs employés et leurs familles était primordial. A la fois hygiénistes et paternalistes, ces grands patrons avaient peur que, pendant leur « temps libre », les mineurs ne tombent dans l’oisiveté et la boisson, des ennemis mortels du productivisme ou, pire encore, se regroupent en syndicats et portent leurs revendications sociales.
Gymnases, stades et autres espaces pour des clubs sportifs ont donc vu le jour au sein des corons avec des clubs répartis par « fosses » et par compagnie (avant 1946). L’affrontement régulier de deux équipes sportives de fosses voisines était un derby très prisé le dimanche et entraînait une certaine émulation.
Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, les compagnies construisent des stades et des gymnases accessibles aussi bien aux adultes qu’aux enfants et soutiennent les clubs et associations locales. En 1933, c’est le mythique stade Bollaert qui voit le jour à Lens. De ce fait, la pratique des sports est fortement intégrée dans la culture des mineurs.
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Le trio gagnant
Si la boxe est bien représentée, c’est le vélo, le football et l’athlétisme qui tiennent le haut du pavé. Ces sports particulièrement populaires étaient pratiqués aussi bien en amateur qu’en professionnel. Leur héritage est toujours visible, que ce soit dans la célèbre course cycliste du Paris-Roubaix dite « L’Enfer du Nord » avec ses pavés glissants sous la pluie (et non, il ne pleut pas tout le temps dans le Nord, loin de là !) ou encore le Racing Club de Lens (les sang et or) qui tient une place de choix en ligue 1 de football malgré des moyens bien inférieurs à certaines équipes de plus grandes villes.
Le vélo, loisir populaire par excellence (voir l’exposition Roues Libres) est particulièrement prisé. Pratiqué dès le plus jeune âge, il permet aux familles de se retrouver pour encourager les coureurs locaux et participer aux festivités. Il est aussi aisé de suivre les courses en se plaçant le long des routes. Parmi les grands noms du cyclisme de la région on peut citer : César Marcelak (1913-2005), Edouard Klabinski (1920-1997), Joseph Rigaut (1919-2012) et le très fameux Jean Stablinski (1932-2007).
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Autre grande passion toujours d’actualité : le football ! Importé d’Angleterre dès la fin du XIXe siècle, ses règles simples et le besoin de peu de matériel en font un sport plébiscité par les enfants et les plus grands. Il est possible de jouer partout au football avec sa famille, ses voisins, ses amis ou encore ses collègues, aussi bien pendant une pause qu’à la récréation. C’est pendant l’entre-deux guerres que le football conquiert définitivement le cœur des nordistes. Les grands matchs sont l’occasion de communions collectives. La ferveur des supporteurs du nord, et du RC Lens tout particulièrement, est saluée dans toute la France. Raymond Kopaszewski (né en 1931) est l'étoile la plus brillante du football issue des mines. Il faut également compter avec les frères Bernard et Georges Lech ou encore Maryan Wisnieski comme grands joueurs découverts dans le bassin minier.
Dès 1886 se développe l’athlétisme avec des épreuves de course puis, dès 1892, de lancé et de saut. Ces disciplines qui mobilisent vitesse, force, endurance et technique sont particulièrement prisées. En effet, la défaite de 1870 a été vue comme une défaite française liée à la mauvaise condition physique des soldats. C’est aussi la période de l'essor des Jeux Olympiques sous l'égide de Pierre de Coubertin. Dans un contexte de revanche contre la Prusse, il est important de former dès le plus jeune âge des garçons puis des hommes à ces sports pour en faire de bons soldats. Le bassin minier n’échappe pas à cet engouement et de nombreux clubs voient le jour dans les différentes compagnies avec des moyens parfois importants. Plusieurs champions de niveau international voire olympique ont débuté dans les clubs des compagnies minières comme : Pierre Legrain, Michel Jazy ou encore Guy Drut qui, après une brillante carrière sportive, est devenu ministre des sports de 1995 à 1997.
Et les femmes dans tout ça ?
Bien moins présentes que leurs homologues masculins, les femmes participent dans une moindre mesure à la vie sportive des corons. Certains clubs de gymnastique, de danse, voire de basketball leur sont ouverts. Cependant, une fois mariées, elles n’ont plus vraiment de temps à consacrer à ces activités. Pourtant, si elles ne descendent plus à la mine depuis le début du XXe siècle, les femmes de mineurs sont encore nombreuses à travailler au triage du charbon ou à l'entretien du matériel (lampe de sûreté etc.) ce qui nécessite également une bonne condition physique.
Mais les liens des Jeux Olympiques et de la mine ne s’arrêtent pas là puisque la flamme olympique traverse les mers et les cieux bien à l’abri dans une lampe de sécurité de mineur qui la protège du vent, du sel, de l’humidité etc.
L’exposition La Mine c’est du sport n’est pas très grande (environ 1H30 pour tout lire et regarder) mais très bien conçue avec une contextualisation puis des focus sur différents sports et sportifs de haut niveau avec quelques objets personnels de ces derniers, ce qui est toujours émouvant.
Côté scénographie, elle est à la fois colorée (couleurs olympiques), dynamique et attrayante sans détourner l’attention du visiteur.
J’ai beaucoup apprécié cette exposition tant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, comme dit précédemment, avec sa conception et sa scénographie réussie. Sur le fond, elle montre une autre image des mineurs de fond, loin du misérabilisme. Les corons étaient des lieux vivants malgré l'âpreté du quotidien. Tout en se rappelant que les activités sportives étaient encouragées par les entreprises pour canaliser les travailleurs, la pratique du sport et son engouement politique ont participé à une vie sociale riche et conforté l’esprit de camaraderie et d'entraide des mineurs.