A découvrir jusqu’au 29 juin 2024 à la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP), l’exposition Kenzô Tange- Kengo Kuma- architectes des jeux de Tokyo s’inscrit à la fois dans la perspective des Jeux Olympiques de Paris 2024, mais également dans la tradition de l’architecture japonaise remarquable avec la mise en perspectives des bâtiments emblématiques des deux plus grands architectes japonais de leur époque autour de la thématique du sport, mais pas que.

Deux générations-Deux styles

André Bloc et Kenzô Tange, Anonyme, 1959, épreuve jet d'encre de 2024, G.Y.S.C., Courtesy Michiko Uchida

Kenzô Tange (1913-2005) est un des plus fameux architectes japonais du XXe siècle. Virtuose du béton, il a su adapter ce nouveau matériau aux besoins des architectures modernes tout en conservant la philosophie de l’architecture japonaise traditionnelle. Grand admirateur du travail de Le Corbusier, il est le plus brillant représentant de l’architecture japonaise moderne de l’après-guerre. Il a mené de nombreux projets d’architecture publique civile dont le bâtiment de la préfecture de Kanagawa, la mairie d’Imabari ou encore le célèbre Gymnase national de Yoyogi pour les Jeux Olympiques de 1964. Ce bâtiment spectaculaire, qui a accueilli les épreuves de natation et de basket-ball, se distingue par son architecture qui s’élance vers le ciel. De l’intérieur, le bâtiment est baigné par une lumière sommitale qui se reflète sur les flancs incurvés de la toiture. Ce bâtiment emblématique a été de nouveau employé lors des Jeux Olympiques de 2020 (2021) pour les épreuves de handball.

Kengo Kuma, 2014. Photo J.C. Carbonne (c)KengoKuma & Associates

Kengo Kuma (né en 1954) est sans conteste l’un des architectes japonais les plus admirés de nos jours. Il a réalisé de nombreux bâtiments de par le monde en utilisant une grande variété de matériaux, mais ceux-ci sont généralement naturels (bois, pierre, etc.). Il aime à raconter que c’est à 10 ans, quand son père l’a emmené voir une compétition au gymnase Yoyogi, que Kengo Kuma a reçu un choc esthétique et qu’il a trouvé sa voie dans l’architecture. Parmi les bâtiments publics remarquables dont il est l’auteur, nous pouvons citer : le Nakagawa-machi Bato Hiroshige Museum, la Chokkura Plaza à Takanezawa. Mais les amateurs de sport savent qu’il est également l’architecte du Stade national, réhabilité pour les jeux de Tokyo 2020 ( 2021).

Les Points de convergence

Si leur usage des matériaux est très différent, les deux architectes ont pourtant des points communs remarquables dans leur approche même de l’architecture avec la ligne, l’arche, l’avant-toit et le paysage. Cet ensemble d’éléments constitutifs de l’architecture, dont certains sont typiques de l’architecture japonaise traditionnelle, permet de mieux comprendre leur approche des bâtiments.

Maquette de la villa Seijô où résidait la famille de Kenzô Tange

Dans l’architecture japonaise traditionnelle, la ligne est particulièrement importante. L'alternance des poutres de bois entre les panneaux et les arêtes de tuiles sur les toitures permet d’animer des façades et des intérieurs sans avoir recours à une décoration trop visible. A ce titre, que ce soit la villa Seijô où résidait la famille Tange à partir des années 1950 (aujourd’hui détruite) ou la villa impériale de Katsuraen sont de parfait exemples. L’exposition sur les charpentiers japonais montrait d'ailleurs l’importance de bien choisir les essences de bois selon les usages. Dans l’architecture contemporaine, le marquage des lignes permet d'alléger la monotonie des bâtiments en béton qui forment généralement de grands volumes homogènes.

Il en va de même de l’avant-toit qui est présent dans toute l’architecture japonaise traditionnelle mais qui tendait à disparaître avec l’architecture de béton. Véritable prolongement du bâtiment sur l’extérieur, l’avant-toit est tout autant une protection contre la pluie et le soleil qu’une invitation à entrer dans le bâtiment. L'avant-toit est également un lieu de transition entre l’intérieur et l’extérieur, symboliquement entre le public et le privé. Il permet ainsi de créer une distanciation au monde et une transition douce.

Kenzô Tange, Gymnase national de Yoyogi, Ishiguro Design Model Laboratory, maquette de 1963, echelle 1/600, bois, Japan sport council. Prince Chichibu Memoriel Sport Museum and Library

L’arche, bien plus présente dans l’architecture religieuse que dans l’architecture civile traditionnelle japonaise, a été délaissée par les constructions modernes orthogonales. Cependant, elle a retrouvé ses lettres de noblesse tant au Gymnase Yoyogi pour les tribunes que pour le toit du Stade national. Elle apporte des qualités mécaniques au bâtiment, mais également une certaine légèreté toute en élégance.

Vue intérieure du pavillon du thé du Great (Bamboo) Wall, 2005. Photo : Satoshi Asakawa

Enfin, une architecture doit être liée au paysage qui l’entoure. Que ce soit le Gymnase de Yoyogi ou le Stade national, ils sont tous les deux nichés dans des parcs du centre de Tokyo. Si pour Tange, l’architecture était le point central de l'attention du lieu, pour Kuma, architecture et nature qui composent le paysage sont à placer sur un pied d’égalité. C’est pour cette raison qu’il a végétalisé les auvents du stade et qu’il utilise régulièrement des matériaux naturels. Cette inclinaison trouve toute son expression dans le pavillon du thé du Great (Bamboo) Wall situé dans une bambouseraie au pied de la Muraille de Chine.

Liens avec la France

Que ce soit Kenzô Tange ou Kengo Kuma, les deux architectes ont des liens forts avec la France où ils ont réalisé plusieurs travaux et collaborations. Kenzô Tange admirait le travail de l’architecte franco-suisse pionnier : Le Corbusier. Tange et Le Corbusier ont échangé à plusieurs reprises et plusieurs camarades de Tange ont travaillé pour Le Corbusier. Un échange entre les deux pays s’est progressivement mis en place autour de l’architecture moderne après la Seconde guerre mondiale.

Maquette de la future gare de Saint-Denis-Pleyel par Kengo Kuma

De son côté Kengo Kuma dispose de bureaux à Paris en plus de ceux à Tokyo et a remporté plusieurs concours d’architecture en France. Il est ainsi chargé de la grande et prestigieuse nouvelle station de métro Saint-Denis Pleyel. Il est aussi l’auteur du nouveau pavillon du Musée départemental Albert-Kahn inauguré en 2022. Il est également l’auteur du complexe culturel et commercial « Grand Ecran » situé place d’Italie dans le XIIIe arrondissement et du Frac Sud à Marseille.

Cette exposition autour de deux des figures centrales de l’architecture moderne japonaise illustre comment, à leur manière, Kenzô Tange et Kengo Kuma se sont appropriés les valeurs et les techniques de l’architecture moderne, souvent monumentale, et comment ils y ont intégré des éléments propres à l’architecture japonaise traditionnelle ; que ce soit d’un point de vue formel que dans sa philosophie avec le paysage qui les entoure.

Les amoureux de belles architectures seront aux anges d’autant que les nombreuses maquettes présentées au fil de l’exposition sont remarquablement réalisées. Les photographies, le plus souvent en noir et blanc, permettent de mettre en valeur les points forts et la monumentalité des architectures du gymnase et du stade national.

[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
[Exposition] Kenzô Tange-Kengo Kuma – architectes des Jeux de Tokyo jusqu’au 29 juin à la MCJP
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