Exceptionnelle, c’est le premier mot qui vient à l’esprit quand on voit l’exposition Trésors d’Oignies qui se tient au Musée de Cluny jusqu’au 20 octobre 2024 dans la salle d’actualités.

Gobelet dit « de sainte Marie d’Oignies » (détail) Oignies (attribué à Hugo), vers 1226-1229 Musée des Arts anciens du Namurois- Trésord’Oignies Collection Fondation Roi Baudouin N° inv. TO 13 © Numérisé par l’Atelier de l’Imagier avec le soutien de la direction du Peps

Un trésor national exceptionnel, fruit d’une longue histoire

Le trésor d’Oignies est un ensemble exceptionnel de pièces d’orfèvrerie, de reliques, de manuscrits et de peintures dont les plus anciens remontent au XIIIe siècle. Il compte parmi les sept merveilles de Belgique et est, depuis 1978, le premier trésor national considéré comme tel au royaume. Propriété de la Fondation du Roi Baudouin depuis 2010, la sélection d’œuvres présentées est rattachée à trois figures majeures du prieuré Saint-Nicolas d’Oignies : Marie d’Oignies (1177-1213), femme mystique et ascète, Jacques de Vitry (1185-1240) un de ses proches, prédicateur et théologien célèbre en son temps et grand donateur du prieuré, et l’orfèvre Hugo d’Oignies (mort en 1240), accompagné de son atelier, qui travaillait directement sur place.

Reliquaire du lait de la Vierge Atelier d’Oignies, vers 1240-1250 Musée des Arts anciens du Namurois - Trésord’Oignies Collection Fondation Roi Baudouin N° inv. TO 16

Parmi les 30 œuvres majeures réunies au sein du Musée de Cluny se trouvent le reliquaire du lait de la Vierge, en forme de colombe du Saint Esprit, le reliquaire anatomique de la côte de saint Pierre, le gobelet dit de sainte Marie d’Oignies, mais aussi les plats de reliure de l'évangéliaire d’Oignies ou encore le calice et la patène dit de Gilles de Walcourt, un autel portatif de Jacques de Vitry, une mitre en parchemin, des phylactères en argent.

Le trésor a traversé une longue histoire parfois tourmentée. Le prieuré d’Oignies est fermé à la Révolution. Le trésor reste caché dans une ferme entre 1794 et 1818. A cette date, il est confié au couvent des sœurs de Notre-Dame, à Namur. Elles s’en occupent pendant 200 ans, puis il devient la propriété de la Fondation du roi Baudouin en 2010.

Les trois figures majeures du XIIe et XIIIe siècle du prieuré d'Oignies

La trentaine d'œuvres présentées témoigne de la virtuosité de l’atelier d’orfèvrerie d’Oignies. Nombre de ces œuvres sont en rapport avec trois figures emblématiques du Prieuré d’Oignies.

Plat de reliure de l'Evangeliaire d'Oignies par Hugo d'Oignies, 1229-1234 (?), Ais de chêne, argent repoussé et doré, filigranes, nielles, émaux cloisonnés, gemmes, perles, Coll. Fondation Roi Baudouin, inv. T0 1
Hugo d’Oignies

Côté orfèvrerie, Hugues de Walcourt, aussi connu comme Hugo d’Oignies, se situe à un tournant artistique en pleine transition entre l’art roman et l’art gothique. Son art s’exprime via des riches décors représentant une nature luxuriante avec des filigranes, des granulations, mais aussi l’application de la nielle. Il travaille aussi bien l’or que l’argent et parsème ses créations de pierres fines dont certaines ont également une signification symbolique, ce qui apporte de la polychromie à ses œuvres en lieu et place de l’émail, largement répandu à la même époque. Hugo d’Oignies pratique l’estampage. Ainsi, certains motifs se retrouvent sur plusieurs œuvres, mais également le repoussé et la ciselure. Sa formation et son parcours avant 1226 ne sont pas documentés, mais il est évident qu’il est déjà expérimenté quand il travaille à Oignies. Il est inspiré par les courants du Nord de la France, mais aussi par “l’art de 1200”.

Gobelet dit « de sainte Marie d’Oignies » Oignies (attribué à Hugo), vers 1226-1229 Musée des Arts anciens du Namurois- Trésord’Oignies Collection Fondation Roi Baudouin N° inv. TO 13
Marie d’Oignies

Femme cultivée et mystique, elle s’installe dans le prieuré dès 1207. Elle ne rentre pas dans les ordres, mais prend possession d’une cellule concomitante à la chapelle, ce qui lui permet de participer à sa manière aux offices des frères. Elle pratique un ascèse stricte et se consacre à la prière. Elle entretient de bonnes relations avec Jacques de Vitry qui devient son ami et son confesseur. Elle décède en 1213 à l’âge de 36 ans et est tout de suite érigée en bienheureuse. Commence alors un culte à sa personne.

Mitre en parchemin de Jacques de Vitry (présentée jusqu'en juin) Paris (Maître du Psautier Albenga?), 1220-1229, Parchemin doré et peint, soie peinte, Coll. Fondation Roi Baudouin, Inv. T0 27
Jacques de Vitry

Jacques de Vitry est un théologien et prédicateur qui arrive au prieuré vers 1208. Dès 1211 il devient le chanoine du prieuré. Cependant, sa présence est épisodique car il fait partie des prédicateurs lors de la croisade albigeoise et la 5e croisade. Il se consacre tout de même à la rédaction de La Vie de Marie d’Oignies entre 1213 et 1216, ce qui participe à son prestige et au culte qui lui est consacré. Il décède en 1240 après une vie riche en voyages et en charges ecclésiastiques prestigieuses. Il a été évêque d’Acre en terre Sainte. Ses hautes fonctions lui ont permis de se montrer généreux avec le prieuré d’Oignies à qui il fait de nombreuses donations de métaux précieux, pierres fines et objets liturgiques.

Entrée de l'exposition

Un prêt rarissime et d’une ampleur jamais vue

C’est la première fois qu’autant d’œuvres de ce trésor national, qui en compte une cinquantaine, sont prêtées simultanément pour une exposition, qui plus est à l’étranger. En raison de travaux de rénovation de leur lieu d’exposition habituel, une trentaine de pièces d’orfèvrerie, mais également des manuscrits médiévaux, ont fait le voyage jusqu’au Musée National du Moyen Âge de Paris où ils sont exposés dans une scénographie sobre qui permet de mettre en valeur chaque œuvre tout en l’inscrivant dans cet ensemble. Carte, chronologie et reproductions numériques permettent de situer les œuvres dans leur contexte ainsi que de feuilleter les pages des manuscrits.

Merveilleux trésors d’Oignies est l’occasion unique de découvrir sous un éclairage nouveau, l’orfèvrerie rhéno-mosane du XIIIe siècle.

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