Même les souris vont au paradis : meilleurs amis pour la mort
20 oct. 2021Présenté hors compétition lors du festival international d’animation d’Annecy, Même les souris vont au paradis de Denisa Grimmova et Jan Bubenicek est une perle rare de poésie et de sensibilité. Destiné aux enfants malgré un titre intrigant, il y a fort à parier que ce film Franco-tchèque va se faire une jolie place dans le cœur des spectateurs de tous âges lors de sa diffusion en salle dès le 27 octobre 2021.
Whizzy est une jeune souris égocentrique et bravache qui est la risée de sa famille et de ses petits camarades tant son comportement et son attitude sont en inadéquation totale. Mais voilà qu’un jour, pour montrer sa bravoure aux yeux de tous, elle décide d’arracher une touffe de poils à un renard endormi. De ce fait, il se réveille et la poursuit jusqu’à ce qu’une voiture les percute tous les deux. L’instant d’après, Whizzy se retrouve dans un monde cotonneux, entourée d’animaux dans des situations toujours plus improbables. C’est là que son périple commence et sa rencontre avec celui qui va devenir, contre toute attente, son meilleur ami.
Une adaptation au poil
Adapté du livre jeunesse (I mysi patrí do nebe) Même les souris vont au Paradis est un projet de longue haleine qui aura mis près de 10 ans à aboutir. Mêlant animation 3D et stop motion, le travail s’est réparti entre trois studios français pour la 3D et le pilotage du projet et la République Tchèque pour la conception des quelques 80 décors et marionnettes, et la prise de vue image par image. C’est également un bébé du festival car c’est lors d’une précédente édition du festival international du film d’animation d’Annecy que les réalisateurs ont séduit une partie des producteurs permettant au projet de se concrétiser.
Messages universels
Même les souris vont au Paradis est un film qui aborde le sujet de la mort avec une douceur et une bienveillance rarement atteintes. Mais les sujets principaux sont l’acceptation des différences, l’amitié et la véritable force intérieure. En effet, les deux protagonistes ne sont autres que Whizzy, une petite souris vantarde mais peureuse et Whitebelly, un jeune renard attentionné. Si sur notre plan terrestre les deux espèces sont parfaitement antagonistes, une fois arrivés au paradis où plus personne n’est la proie de personne, les protagonistes peuvent faire plus ample connaissance et nouer une solide amitié qui les pousse non seulement à surmonter tous les obstacles, mais également à se découvrir eux-mêmes et à affronter leurs peurs et leurs préjugés grâce à l’aide de psychopompes taquins.
De ce point de vue, c’est assurément Whizzy qui a le plus de chemin à parcourir avec son attitude bravache et nombriliste. Elle qui pense avoir toujours raison du bout de son petit museau voit ses croyances et son comportement remis en cause par l’attitude bienveillante et raisonnée de Whitebelly. Le jeune renard doit, pour sa part, affronter ses peurs et ses ressentiments d’une vie faite de solitude et de brimades. C’est en cheminant côte à côte et en surmontant les épreuves que le paradis leur réserve que les deux jeunes êtres peuvent parvenir à une forme de maturité bienveillante rappelant que, premièrement il ne faut pas se fier aux apparences, deuxièmement que la véritable amitié fait fi des différences pour se concentrer sur les qualités et enfin que, pour avancer, il faut regarder les choses en face et parfois se remettre en question. Autant de concepts qu’il est bon d'appréhender dès le plus jeune âge et de rappeler aux plus grands. Ainsi, il n’y a pas véritablement de grand méchant contre lequel lutter si ce n’est ses propres démons intérieurs. L’humour omniprésent permet de grandement alléger le propos et d’éviter le pathos larmoyant.
Si sur le plan du propos c’est un sans faute, sur le plan technique, c’est tout simplement grandiose. Le travail réalisé sur l’image est une leçon de photographie tout au long du film. L’animation en stop motion n’a rien à envier au studio Laïka (Les Boxtrolls (2014), Kubo et l'Armure magique (2016)), le design des personnages est vraiment attachant et l’intégration de la 3D est insoupçonnable. En somme, le film flatte la rétine du début à la fin sans jamais trahir le travail des artistes.
Ainsi, certaines ambiances, comme la fête foraine, ont un petit côté Tim Burton où la féérique sinistre y est parfaitement menée.
Le seul point irritant, n’est autre que la voix suraiguë de Whizzy qui vrille régulièrement les tympans des spectateurs. Pourtant, elle colle bien à l’idée d’un couinement strident de souris, mais elle est vraiment pénible, à voir en VF.
Même les souris vont au Paradis est donc une très belle réalisation qui porte haut l’intrication entre animation traditionnellement en stop motion et 3D. Une belle réussite que l’on doit à la passion de ses réalisateurs et à la qualité du travail réalisé par les différentes équipes malgré un ralentissement de post production dû à la crise sanitaire. Une œuvre qui nous emporte au 7e ciel, comme on aimerait en voir plus souvent.