The Island : Boit la tasse
10 sept. 2022Comédie musicale décalée inspirée d’Insula de Gellu Naum, The Island de Anca DAMIAN était en sélection officielle lors du festival international du film d’animation d’Annecy. D’une durée de 85 minutes, ce film psychédélique se révèle pourtant dérangeant tant sur le fond que sur la forme.
Un triste constat
The Island adapte Insula de Gellu Naum, un spectacle musical qui modernise le fameux récit de Daniel Defoe Robinson Crusoé et transporte celui-ci sur une petite île de la méditerranée où un docteur désabusé et un peu fêlé ne peut que constater les échouages quotidiens des malheureux candidats à la traversé qui se sont noyés dans la méditerranée. Il semble glisser dans une forme de folie solitaire en compagnie d’une sirène tout aussi mélancolique que lui, jusqu’au jour où il trouve vendredi échoué sur le rivage, mais toujours en vie. Il décide alors de le prendre sous son aile et de lui offrir un toit. Il lui apprend la langue ainsi que diverses activités dont la culture vivrière.
Pour sa part, la sirène et sa queue en plots de plastique bariolé montre la grande pollution de l’océan par les activités humaines.
Une dénonciation de la société moderne européenne
Immigration, danger de la traversée en méditerranée, pollution marine, décadence de la société de consommation qui s’enivre de danses et de denrées périssables, violence des gardes côtes et des camps de réfugiés, le film aborde de nombreux sujets qui méritent d’être regardés en face. Cependant le film, par sa narration décousue, empêche de réellement se plonger dans l’intrigue. Reste une juxtaposition de plans criards dont certains finissent par trouver du sens au fil du visionnage quand d’autres restent indubitablement abscons. D’autant que les faits restent présentés de manière plus ou moins superficielle. Des propos assez obscurs, en particulier sur grand-mère dont il est difficile de savoir si elle incarne la nature vengeresse ou bien une valeur familiale plus abstraite en déliquescence ou encore la personnification de la société.
La partie sur Pierre le Pirate est également pénible à dénouer. Présenté comme un pirate sanguinaire dont il est dit qu’il a violenté la sirène dans sa jeunesse, celle-ci en garde une profonde honte décrite à plusieurs reprises, ce même Pierre le Pirate est ensuite montré comme un héros sacrificiel en pleine rédemption. Toute la honte de ses actes est effacée pour être supportée par sa victime, la sirène… Merci pour l’inversion de la charge de culpabilité… Pareillement, qui sont les pirates évoqués à plusieurs reprises ? Le film pose des éléments importants dans sa narration sans répondre aux questionnements qu’il soulève.
Fil d’art ou film à voir ?
The Island est à n’en pas douter un film expérimental sur sa forme. La recherche artistique, qu’elle plaise ou non, est bien présente et confère un style unique au film. Couleurs criardes, effets de matières et de textures, modélisation 3D originale complétés par des chansons engagées et un doublage singulier concourent à faire de ce film un véritable OVNI. Sous ses oripeaux à la fois joyeux et désenchantés le film surprend à chaque instant. Les curieux ne seront pas déçus du voyage mais il est aussi fort possible de ressortir avec de nombreux questionnements non pas sur les problématiques abordées mais bien sur la réalisation du film et la finalité de son propos… Il y a quelques années, Anca Damian avait déjà proposé à Annecy un long-métrage tarabiscoté : La montagne magique qui n'avait laissé comme souvenir qu'une longueur exagérée et le sentiment d'une intense fatigue après visionnage...
The Island est un film engagé dans son propos et au parti pris graphique jusqu’auboutiste. Cependant, il se perd dans sa narration, ne va pas au bout de son propos et se permet de singuliers raccourcis irritants. C’est d’autant plus dommage que les problématiques abordées sont de première importance et méritent une véritable réflexion et non la juxtaposition de clichés réducteurs.