[Test] Soulstice « Une ode à Claymore et Berserk »
04 oct. 2022Sur une certaine plateforme de streaming bien connue, la série Claymore a fait sa réapparition. Cela est peut-être un signe du destin, mais c'est l'occasion pour le jeu Soulstice de profiter de cette aubaine afin de faire l’éloge de Claymore et de Berserk de la plus belle des manières, dans une aventure à la direction artistique des plus inspirées.
Testé sur PC Steam.
Soulstice est un jeu d'action-aventure à la sauce Girls Power très proche de Bayonnetta et Nier Automata. Le jeu est édité par Modus Game et développé par le jeune studio italien Reply Game Studios qui en est à sa troisième production. Pour démarquer son bébé, Fabio Pagetti directeur créatif de Soulstice, joue clairement sur son univers inspiré de Claymore, avec un rendu technique et artistique de toute beauté. Au programme, action démentielle, Spectres bien sombres et vision esthétique de l’apocalypse à une époque médiévale.
L’intrigue de Soulstice se déroule dans le royaume sacré de Keidas. L’équilibre y a été rompu lorsque de puissantes créatures des ténèbres appelées les « Spectres » ont traversé le « Voile », la frontière les séparant du monde des vivants. En quelques heures la ville a complètement été corrompue. Envoyés sur les lieux pour préparer l’arrivée des renforts, Briar et Lute sont deux sœurs réincarnées sous la forme d’une « Chimère ». Union de deux êtres, les Chimères sont les seules capables de combattre les Spectres et leurs fléaux. Pour se faire, Briar a une force et une résistance surhumaines, tandis que Lute, sa jeune sœur, est réincarnée en esprit lié à sa sœur. Lute est capable de maîtriser les pouvoirs mystiques et assure l'arrière garde de Briar.
Engagées dans l’exploration et le nettoyage de la ville dans un premier temps, les sœurs vont très vite s’engager malgré elles dans un engrenage machiavélique dont elles font partie…
Gameplay :
Dès les premiers instants manettes en mains, on ne peut s’empêcher de comparer Soulstice à Bayonneta, Nier Automata, Devil May Cry, God of War et autres… Les développeurs ont eu le bon goût de s’inspirer de toutes les meilleures productions du jeu d’action à la troisième personne pour nous concocter une recette qui réussit malgré tout à trouver quelques innovations intéressantes, mais peut-être trop nombreuses...
Comme pour ses aînés, le gameplay de Soulstice se compose d’une phase d’exploration conduisant à des combats, menant à des boss, puis des interludes scénaristiques, et recommence ce schéma durant 25 chapitres. Il y a également une grosse partie sur la gestion de son stock d'objets divers ainsi que le développement des talents pour parfaire l’attirail des sœurs. La trame principale du jeu prend son temps à se dévoiler, mais une fois dedans, il est difficile de s’arrêter tant elle est prenante et cohérente concernant le destin des deux sœurs devant le danger qui les menace.
Le chemin vers l’épicentre de l’apparition des spectres est long pour les deux sœurs, même très long si on prend en compte toutes les circonvolutions qu’elles sont amenées à emprunter. En effet, afin d’arriver à la cathédrale, il faut passer par des zones assez larges comme le port, puis des ponts, des chemins de garde, des donjons et autres. Mais il faut surtout emprunter des couloirs souterrains, des couloirs dans les différentes portes de la ville, des couloirs dans le château… bref cela fait trop de couloirs et l'on a l’impression que les level designer ont voulu nous pondre un Doom à la sauce claymore. Le manque de variété dans le level design se fait ressentir assez vite, surtout quand le joueur a l’impression de repasser par le même genre de chemin plusieurs fois…
Pour avancer, les sœurs doivent résoudre quelques énigmes dont la seule difficulté sera de trouver comment bien jongler entre le positionnement de la caméra, la couleur des cristaux à casser ou à faire apparaître, la maîtrise du saut, débloquer des monte-charges… Pour se faire, Lute a la possibilité d’activer un champ de force bleu pour l’évocation et rouge pour le bannissement de façon que Biar puisse les détruire et en récupérer le contenu. Les cristaux rouges servent à la fois de monnaie dans le jeu pour acheter des potions et de point d’expérience de manière à compléter l’arbre de talent de Briar. Les cristaux bleus pour leur part servent exclusivement à l’arbre de talent de Lute. Il est à noter que les points de vie coûtent très cher dans le jeu, il faut donc bien se préparer avant le début de chaque chapitre et encaisser le minimum de dégâts.
Le cœur du jeu repose sur le système de combat. Pour le rendre attractif et surprenant, les développeurs ont voulu le rendre très riche et complexe, peut-être même un peu trop complexe... En effet, durant les phases de combats, le joueur doit sans cesse faire attention à plusieurs informations et paramètres afin de mener le combat parfait. Cela étant, à la fin de chaque séquence de combat, le joueur est noté du rang fer au rang diamant, favorisant plus ou moins l'obtention de bonus et la fierté d'obtenir un scoring élevé.
En premier lieu, il convient d’effectuer des combats avec une lame rapide (bouton Y) et une arme secondaire lourde (bouton X), un marteau, un point d’acier, un arc, un fouet… En même temps, il faut faire attention aux attaques des ennemies en esquivant au moyen d’un triple dash, car il n’y a pas de garde dans le jeu et une grande majorité des attaques ennemis ne peuvent être brisées conventionnellement. Or ces esquives conduisent forcément à briser les combos. Pour pallier ce problème, les développeurs ont intégré Lute pour qu’elle protège Briar.
Ainsi, dans un second temps, lorsque le joueur voit le bouton "B" apparaître devant un ennemi, il doit appuyer dessus au bon moment pour que Lute déclenche un bouclier ou un freeze durant un court instant sur l'ennemi en question. Ce qui permet à Briar de terminer son combo ou d'esquiver.
Dans un troisième temps, le joueur doit faire attention à réaliser un maximum de combos sans temps mort prolongé, tout en utilisant astucieusement les esquives de Lute et en évitant de se faire toucher. Sans cela la jauge « d’Unité » entre Briar et Lute retombe vraiment plus vite qu’elle ne monte. Mais une fois à son paroxysme cette jauge d’Unité permet à Briar et Lute d’exécuter un combo dévastateur accompagné d’effets secondaires très bénéfiques aux sœurs. De plus, il est aussi possible de déclencher une transformation de Briar (un genre de mal force à son paroxysme façon Claymore) pour que les sœurs combattent un court instant dans un mode berserk du plus bel effet !
Cependant, il est très complexe de remplir cette jauge tant la pénalité est plus forte que le gain. Du coup, il est rare de réussir à déclencher ces fameuses furies pourtant très utiles et dévastatrices. On aurait préféré une jauge qui se remplit doucement plutôt qu’une jauge dynamique qui se décharge au moindre coup ou en l’absence de combo durant un instant.
Pour ajouter en complexité, dans un quatrième temps, le joueur doit composer avec les capacités mystiques de Lute avec les champs de force d’évocation bleue et de bannissement rouge (bouton LT et RT). En cela, certains ennemis invulnérables ne peuvent être touchés que lorsqu’ils sont dans le champ de force associé à leur couleur. De ce fait, le joueur passe son temps à jouer avec les champs de force lorsqu’il se retrouve avec des ennemis bleu et rouge en même temps, sans compter sur la présence par moment des ennemis classiques, ou alors d’ennemis qui passent d’un bout à l’autre de la carte et des bombes humaines, on se demande où les développeurs ont voulu emmener le joueur dans cette effusion de type d'ennemis simultanément.
Avec tous ces éléments à prendre en compte en même temps lors des combats et le lâcher rocambolesque du bestiaire sans retenu à certains moments, les combats s’en retrouvent forcément affectés et apparaissent très brouillons. Vous serez prévenu, mieux vaut s’échauffer les doigts avant de se lancer dans les derniers combats de Soulstice ou relever tous les « défis » qui vous attendent un peu partout dans le jeu…
Les combats sont tellement brouillons à partir du milieu du jeu que la notation allant du rang fer au rang diamant à la fin de chaque séquence de combat ne trouve plus aucune résonance, sauf si l’on est un hardcore gamer qui ne jure que par le scoring parfait à publier sur les réseaux.
Effet pervers des niveaux composés de couloir, le sentiment d’avoir un jeu très dirigiste prend le dessus très vite. Surtout lorsqu’il y a des murs invisibles partout dans les niveaux. Par exemple, Briar a la capacité du double saut et du dash durant le saut, ce qui procure une certaine sensation de liberté tant elle est capable de sauter très haut et très loin. Or, dans le jeu, elle est incapable de sauter au travers d’une petite caisse, d’un tonneau ou pire encore de descendre les escaliers par le côté… si cela n’est pas prévu ! Du coup, l’immersion dans le jeu est très souvent entachée par cette impossibilité de franchir de minuscules obstacles. Cela est inconcevable pour un jeu réalisé en 2022 qui se veut AA…
Un autre point noir du jeu concerne la caméra au placement prédéfini. Dans un premier temps, on peut considérer ce choix comme esthétique pour accorder plus d’importance au cadrage afin d’augmenter l’intensité des scènes. Cela permet aussi de dissimuler plus facilement des objets bonus dans les niveaux. Mais lorsqu’il est demandé au joueur de réaliser des sauts de précision ou d’explorer, on se retrouve trop souvent avec un cadrage qui manque de finesse et enlève au gameplay ce qu’elle procure en immersion.
Concernant la caméra durant les combats, cette dernière est complètement dépassée par les évènements, car elle n’est pas du tout adaptée pour recevoir le système de combat trop complexe et trop riche en information du jeu. Les ennemis ont tendance à vous entourer de toute part et le système de lock fonctionnant aléatoirement n’arrange pas les choses. Il est alors préférable de passer en manuel.
En somme, malgré un arbre de talent très bien pensé, apportant beaucoup d’éléments pour varier les combats et du challenge pour le compléter, le gameplay général de Soulstice est trop répétitif à la longue. La faute à des niveaux au level design pas assez varié, l’impression d’explorer des couloirs et encore des couloirs, le système de combat brouillon très difficile à maîtriser. Heureusement pour le jeu que la trame narrative scotche le joueur à la manette et que ces principaux défauts peuvent être des atouts aux mains de hardcore gamer avides de défis.
Graphisme :
Soulstice est un jeu qui a eu l’immense honneur d'être propulsé par le financement Epic MegaGrants et tourne sur Unreal 4.27. Il n’est alors pas surprenant qu’il soit aussi beau sur PC équipé d’une bonne carte graphique GTX 10xx minimum. Testé sur un pc équipé d’un Ryzen 3950 et d’une RTX 2070 tout en ultra en 1080p, le jeu fonctionne à merveille sans aucun ralentissement à 60fps, ni de chargement de texture typique des jeux tournant sous Unreal. De ce côté, les équipes de Reply Game Studios ont fait du beau travail.
Le rendu général du jeu utilise bien toutes les dernières technologies, dont le DLSS pour optimiser la résolution d’un rendu qui sublime un jeu ombre et lumière subtil. Le raytracing est mystérieusement absent, ce qui est dommage pour les fans des dernières technologies de rendu 3D. Par contre, mention spéciale concernant l’option spécialement implémentée pour corriger différents types de daltonismes. Le fait est tellement rare qu’il faut le mentionner avec un grand M !
Dès les premières images du jeu, on est envahi par tout le travail esthétique qui trouve dans la puissance proposée par le moteur Unreal toutes les manières de s’exprimer avec sensibilité et beauté. Pour faire simple, le rendu des plans larges est impressionnant. Il est en phase avec les illustrations qui titillent la rétine. De même, les captures in game lors des plans extérieurs sont magnifiques. Un grand soin a été apporté à l’architecture des bâtiments, du set dress, au design du bestiaire, aux effets spéciaux et surtout au jeu de lumière et d'ombre qui caresse les textures avec beaucoup de finesse. Il est sans nul doute que le jeu s’est inspiré de bon nombre de productions, mais il le fait avec soin et dans la limite de ce que le studio est capable de produire.
Le character design des personnages principaux est très réussi, avec un design proche des personnages des animations Claymore et Berserk dont les développeurs se sont inspiré sans retenue. De la sorte, le rendu semi cell-shading s’harmonise très bien avec les décors réalistes pour un rendu global plein de charme.
Par contre, le bât blesse lorsqu’il s’agit de l’animation des personnages ou du bestiaire. En effet, les animations sont à revoir de fond en comble. Le joueur peut passer outre la piètre qualité des animations du bestiaire, mais pas celles de Briar et de Lute. Les animations de marche et de course de Briar sont complètement ratées, ce qui est dommage pour un jeu où le joueur passe son temps à voir le personnage marcher ou courir. On a clairement l'impression de voir les animations du jeu Sword of the Berserk: Guts’ Rage sorti en 1999 sur Dreamcast dans une version plus stylisée... Lors des phases de dialogue, Briar est rigide comme un robot. Seules les animations durant les combats sauvent la donne avec de belles courbes qui mettent en valeur notre héroïne musclor. Pour sa part Lute bouge convenablement dans ses lévitations, mais elle ne comporte pas assez de phases d’animation pour véritablement apparaître vivante au côté de Briar.
Autre point marquant négativement le jeu, l’impression de tourner en rond continuellement est regrettable. Ce fait est dû au manque de variété des décors, des textures et du set dress qui s’en trouve trop limité. Même s’ils sont d’une extraordinaire beauté, les décors se ressemblent tous. Le joueur a véritablement l’impression de repasser par les mêmes endroits tellement le design des décors se ressemble plus ou moins. On en vient même au bout d’un moment à reconnaître une texture par là et un objet ou carrément un set complet qui a été recyclé.
Le dernier point qui trouble l’expérience du jeu concerne l’échelle entre les personnages et le décor. Briar semble constamment trop petite par rapport à l’architecture des lieux qu’elle visite. Même la taille des pierres des remparts est immense en comparaison avec la taille d’une pierre de taille conventionnelle. Par contre, la taille des marches d’escalier est inégale, certaines sont trop grandes, d'autres adaptées à la taille de Briar. Un détail qui, l’air de rien, mine le travail esthétique démentiel que les artistes du studio ont réalisé sur le jeu, et cela est vraiment dommage.
Durée de vie :
Le jeu se termine en ligne droite en 15 heures si vous êtes habitué à ce genre de jeu, mais il vous en faudra 25 à 30 si vous passez votre temps à explorer toutes les salles pour découvrir leurs secrets dans le but de débloquer toutes les compétences. Le jeu comporte 25 chapitres dont l’intensité et la difficulté augmentent crescendo. Il est d’ailleurs possible d’adapter les options de difficulté pour que chacun puisse s’y retrouver. Une option de combat automatique est même présente pour ceux qui voudraient parcourir le jeu pour son histoire fort intéressante.
Concernant la rejouabilité, seuls les férus de scoring seront aptes à recommencer les niveaux et les défis du jeu pour avoir le rang Platine partout. Pour l’instant, rien ne poussera le joueur à recommencer le jeu. Le futur nous dira si des dlc proposeront de quoi prolonger l’expérience avec Briar et Lute.
Concernant l’ambiance sonore du jeu, les musiques se font très discrètes, voire trop discrètes, mais font le job sans souci. On gravite ici autour de la dark fantaisie symphonique ultra glauque et malsaine, parfaitement en phase avec ce que dépeint le jeu. Les bruitages ne sont pas en reste, même si dans l’ensemble ils sont classiques.
Les doublages sont de qualités, les phases de dialogues de l’intrigue principale sont convaincantes. Seuls les commentaires de Briar et de Lute deviennent vite répétitifs lors des phases d’exploration, car ils sont trop peu variés.
Soulstice est un jeu fait par des fans pour des fans gamers avides de défis, mais également pour le casual qui souhaite découvrir un univers unique grâce aux nombreux ajustements sur la difficulté. Librement inspiré de Claymore dans sa trame, le jeu dresse pourtant sa propre identité tant la relation entre Briar et sa sœur Lute transcende à tout point de vue le scénario. Pourtant, à trop vouloir en faire, Reply Game Studios rate de peu le coche d’un excellent AA par un manque flagrant d’unité dans son gameplay trop brouillon et répétitif pour le commun des mortels. Reste que la plastique du jeu reste exceptionnelle pour un titre AA et la durée de vie plus qu’honorable pour le genre. Un titre à 39,99 qui se justifie pleinement si vous êtes à la recherche d’un bon jeu d’action ou fan de Claymore et de Berserk.
Originalité/Innovation : 7
Gameplay/Jouabilité : 8
Graphimes/Bande son : 8
Durée de vie/Prix : 9
Note : 80/100