Présenté dans la sélection officielle des longs métrages en compétition lors du Festival International d’Annecy, Saules aveugles, femme endormie de Pierre FOLDES a transporté les spectateurs dans le monde onirique et dérangeant de Haruki Murakami dont est adaptée l’intrigue.

Komura et sa jeune voisine discutent dans un jardin

Un homme se retrouve en plein doute après le départ soudain de son épouse Kyoko. Katagiri, un de ses collègues, vieux garçon discret, empêtré dans une affaire de recouvrement d’un prêt à une entreprise malhonnête voit apparaitre dans sa vie une grenouille géante volubile dénommée Frog qui lui promet de l’aider s’il l’aide lui-même en retour à éviter la destruction de Tokyo. Deux histoires qui s’entremêlent et tissent un rideau de solitude bien contemporain.

Komura revoit l'image de Kyoko dans un bar

Solitudes parallèles

Saules aveugles, femme endormie est avant tout un récit de solitude. Chacun des personnages qui traversent l’écran est seul. Seul socialement, seul face à ses doutes, seul face à l’inconnu. La solitude de Kyoko qui ne trouve aucun intérêt ni stimulation dans son mariage et qui étouffe physiquement et mentalement peu à peu jusqu’à devenir étrangère à son époux qu’elle connait pourtant depuis l’adolescence. Komura son époux qui peu à peu ne comprend plus celle qu’il aime depuis toujours et ne voit pas arriver la séparation qui provoque chez lui une forme de sidération.

De son côté Katagiri vit seul et n’a de contact qu’avec ses collègues dont certains le méprisent et sa sœur toujours prête à lui emprunter de l’argent. Extrêmement stressé par son travail de comptable, il est mis au pied du mur quand une société malhonnête refuse de payer son prêt à la banque. Il sent que sa santé décline.

Et c’est au fil des rencontres de chacun que cette solitude se fait de plus en plus criante mais également que les liens se tissent et que les grandes décisions sont prises. La solitude est ainsi vue à la fois comme un mal tant intime que social mais également comme une force qui pousse à l’introspection faisant avancer les personnages dans une nouvelle direction qui leur semblait jusqu’alors impossible.

Frog et Katagiri discutent autour d'une tasse de thé

L’étrange au rendez-vous

De ces situations tristes mais finalement banales naît une étrangeté, que ce soit sous la forme de Frog, la grenouille géante qui vient solliciter notre pauvre comptable médusé, mais également les rencontres que font Komura lors de son voyage à Hokkaido, la jeune voisine désabusée ou encore sa discussion avec son neveu souffrant (Saules aveugles, femme endormie) comme autant de psychothérapies. De son côté Kyoko raconte une étrange expérience mystique qu’elle a faite dans sa jeunesse lors de sa rencontre avec un homme âgé solitaire (Le Jour de ses 20 ans).

Un nouveau départ

Une chose est certaine, les quelques jours présentés font basculer la vie des trois protagonistes de manière irrémédiable. Chacun prend des décisions qui affecteront son futur comme autant de nouveaux départs. Une belle illustration que chacun peut avoir une seconde chance dans la vie de s’épanouir personnellement ou professionnellement.

Du point de vue réalisation, le film fait appel à la technique de la rotoscopie qui confère du dynamisme et une certaine vibration réaliste à l’animation, mais également à la 3D très bien intégrée et des aplats de couleurs. Cela procure au film une esthétique unique qui sied à merveille avec ce côté surréaliste du récit.

Katagiri rêve qu'il est poursuivi par un assassin

Ainsi Saules aveugles, femme endormie est un film étrange, comme suspendu, qui retranscrit à merveille l’étrangeté de la nouvelle de Murakami dont il est issu. A la réalité des personnages se greffe par lent glissement une dose de fantastique dont nul ne peut dire si elle est réelle ou juste le fruit de leur imagination. Le spectateur est transporté dans ces histoires croisées et dérive avec une certaine lenteur jusqu’à la conclusion très Murakamienne.

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