Depuis plusieurs années, la Chine propose des films de qualité croissante aux festivaliers d’Annecy. 2021 a vu la sélection en compétition officielle de Jiang Ziya: The Legend of Deification de Cheng Teng et Li Wei qui narre les aventures de Jiang Jiya, un personnage particulièrement apprécié pour sa rectitude dans la culture chinoise littéraire et populaire.

Alors que l’empereur a perdu son mandat divin suite à ses excès et ceux de sa favorite Su Daji, une grande guerre éclate, opposant les dieux, les démons et les humains. Après de nombreuses batailles épiques, le sage et combatif Jiang Ziya parvient à capturer Su Daji, exposant sa véritable nature de démone renarde à neuf queues. Emmenée dans la sphère divine pour être exécutée, Su Daji montre à Jiang Ziya qu' elle est liée à une innocente âme humaine. Ne pouvant se résoudre à tuer une innocente, Jiang Ziya hésite et la démone s'enfuit. Pour cette faute, Jiang Ziya est exilé sur terre pour réfléchir à ses actes et, seulement s’il admet sa faute et s’il tue le renard à 9 queues, il pourra retrouver son statut de divinité.

Seul contre tous

Jiang Ziya est un héros un peu particulier car c’est un homme brisé et rejeté de tous alors qu’il a brillamment mené les combats contre l'ancien empereur décadent Di Xin et qu’il était l’espoir des immortels. Jiang Ziya vit au milieu des parias et des démons qu’il a vaincus dix ans plus tôt lors de la grande guerre. Chaque jour, indifférent à leur hostilité, le grand sage part à la pêche pour tenter de départager le vrai du faux et méditer sur sa peine.

Seul, il ne l’est pas vraiment puisque sa monture céleste l’accompagne partout et son ami Shen Gongbao, le dieu tigre, veille sur lui tout en le sermonnant régulièrement pour qu’il retourne au paradis.

Les routes de la vérité

C’est lorsqu’il fait la rencontre de Xiao Jiu, une jeune renarde amnésique, qu’il comprend ce qu’il doit faire. Cette toute jeune fille ressemble trait pour trait à l’âme humaine prisonnière que la renarde à neuf queues lui a montré avant de s’enfuir. Tous prétendaient que ce n’était qu’une ruse de la démone, qu’il n’y avait pas d’autre âme et que Jiang Ziya avait été mystifié. Mais refusant de croire à une tromperie, il a été chassé du plan des dieux. Xiao Jiu est la clé de l'énigme qui le ronge depuis 10 ans et il n’est pas question que quelqu’un lui cache la vérité plus longtemps. Jiang Ziya décide donc d’accompagner Xiao Jiu pour lui rendre la mémoire. Pour ce faire, ils affrontent sans cesse démons et humains corrompus qui veulent attenter à la vie de Xiao Jiu.

Jiang Ziya: The Legend of Deification est réalisé par Fengshen Cinematic Universe dans la droite lignée de Ne Zha (2019) et produit en grande partie par Beijing Enlight Pictures Co., Ltd. Il s'agit d’une libre adaptation d’un passage du célèbre roman L’Investiture des dieux de l’époque Ming (fin XVIe, début XVIIe). Cette histoire pleine de rebondissements et son héros charismatique mettent en lumière le foisonnant folklore traditionnel chinois. L’intrigue tient les spectateurs en haleine jusqu’au rebondissement final, si bien que l’on ne voit pas le temps passer mais que l’on en ressort un peu épuisé. L’ensemble se tient bien et l’on note les progrès des scénaristes par rapport à Monkey King: Hero Is Back (2015) qui était un peu plus brouillon ou encore Big fish and Begonia (2016), dont le personnage principal était particulièrement irritant.

Sur le plan technique, c’est une réussite indéniable. Le personnage principal aux faux airs de Keanu Reeves, sa monture qui en format réduit ressemble à un mignon pokemon glouton, la véritable forme de la démone Su Daji, les nombreux environnements et surtout les nombreux combats sont parfaitement animés avec une 3D style cartoon maîtrisé. Pour vous donner une idée, c’est du niveau d’une très belle cinématique de League of Legend. Le film fait dans la démesure avec des décors clinquants (je ne suis pas toujours fan) et une musique grandiloquente. Mention spéciale à la scène d’exposition en 2D à l'esthétique si particulière, une vraie merveille. J’aurais bien aimé en revoir plus souvent (pour les flashback par exemple).

Jiang Ziya: The Legend of Deification est une grande réussite chinoise qui propose un véritable cheminement intérieur et extérieur du héros en quête de vérité et d’une droiture parfaite. Avec des productions de cet acabit, le soft power chinois a de beaux jours devant lui. Dommage qu’il n’y ait pas plus de liberté artistique et que l’on se retrouve parfois à la limite de la propagande. A titre d’exemple, j'ai adoré le film Have a Nice day présenté au festival d’Annecy en 2017 malgré les protestations du gouvernement Chinois. Pour information, Lion Dance Boy, un second film chinois, était présenté en compétition, mais il s’est avéré que la copie était loin d’être terminée (notes de montage des scènes, 3D pleine de bugs, etc.) et que le film, véritable blague technique en l’état, a été retiré après 10 minutes de projection...

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