Les belles acquisitions du Musée de Cluny en 2020 malgré la pandémie !
21 janv. 2021Entre les travaux de rénovation et de mises aux normes de l’accessibilité et surtout la pandémie de Covid-19 débutée en 2020, nous n’avons pas eu l’occasion de profiter suffisamment du Musée de Cluny– musée national du Moyen Âge. Aussi, je vous propose de découvrir les 14 magnifiques acquisitions de cette année avant d’aller les voir en vrai dès la réouverture du Musée en 2022.
Dès le début de l’année 2020, un « Enfant Jésus bénissant » en bois polychrome réalisé vers 1500 a rejoint le musée (Cl. 23936) avec le soutien de la Fondation La Marck, sous l’égide de la Fondation de Luxembourg. Support de méditation et de prière, cette sculpture est représentative des pratiques de dévotion moderne qui se développent à la fin du Moyen Âge.Le corps potelé marqué de plis et de fossettes, le visage poupin, les boucles en croissant... Le style ne laisse pas de doute sur son origine malinoise. À la fin du 15e siècle, la ville de Malines, dont les armes sont visibles sur la marque de garantie du bois, devient un centre de production important pour ce type de statuettes. Cette pièce en est un exemple précoce alors que le musée de Cluny conserve déjà quatre statuettes de saints et de la Vierge un peu plus tardives. Il a été présenté lors de l’exposition La Vie quotidienne au Moyen Âge.
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Autre fait marquant de l’année 2020, un feuillet enluminé sur vélin a été acheté en vente publique le 11 octobre 2020 (Cl. 23945). Provenant du livre d’heures dit du Maître Collins (conservé à Philadelphie, Museum of art), ce feuillet de grande qualité représente une femme agenouillée près d’un autel et qui est peut-être la commanditaire de l’ouvrage. Le traitement des marges atteste l’origine du feuillet. Comme sur les autres enluminures du livre d’heures dit du Maître Collins, le décor de bordures fait écho à la scène principale. La découpe du feuillet et sa mise sous cadre eurent lieu avant 1575. L’acquisition de cette œuvre permet au musée de Cluny d’illustrer ce moment particulièrement intéressant de l’enluminure amiénoise dans les années 1440 – 1450. Elle fait également entrer cette production – jusque-là conservée uniquement à l’étranger – dans les collections publiques françaises.
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Un peu plus tardif, un livre imprimé sur vélin a été acquis en juillet 2020. Les « Heures à l’usage de Rome » (Cl. 23940) sont un des grands succès des librairies parisiennes de la fin du 15e siècle. Cette édition du 22 août 1498, imprimée par Philippe Pigouchet pour le libraire Simon Vostre, est particulièrement intéressante. Elle est agrémentée de 22 gravures sur cuivre dont le programme a été confié à Jean d’Ypres (actif vers 1490 – mort avant 1508), l’auteur des cartons des tapisseries de la Dame à la licorne conservées au musée de Cluny. Elle vient enrichir au musée le corpus d’illustrations que cet artiste a produit pour le livre imprimé, représenté avec un livre d’heures imprimé pour Thielman Kerver, un concurrent de Simon Vostre, qui commanda à Jean d’Ypres une série très proche des mêmes gravures, acquis par le musée en 2012 (Cl. 23841). Deux illustrations méritent une attention particulière : une figure représentant l’homme zodiacal ou anatomique, qui établit une analogie entre le corps humain et le cosmos et une image de Bethsabée au bain placée sur une double page face à La mort d’Urie, qui rappelle le goût du public pour les récits mythiques.
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Les collections textiles du musée de Cluny se sont également enrichies de huit pièces brodées provenant de vêtements liturgiques et datées du 15e siècle. Trois fragments brodés d’origine flamande pourraient provenir d’une croix de chasuble en forme de Y (Cl. 23943-1, Cl. 23943-2, Cl. 23943-3). Ils ont été achetés de gré à gré, tout comme trois ornements d’une dalmatique (Cl. 23944-1, Cl. 23944-2, Cl. 23944-3) d’origine espagnole ou italienne.
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Ces panneaux, entourés d’un large galon en relief aux motifs stylisés, sont brodés en or nué, une technique raffinée qui consiste à recouvrir partiellement les filés or de soies colorées pour créer le dessin ou les nuances.Si le musée de Cluny possède une très belle collection de broderies comme l’on a pu le voir dans la très belle exposition L’Art en broderie, il ne conservait jusqu’alors aucune pièce espagnole. La lacune est aujourd’hui comblée grâce à deux dons de Josiane et Daniel Fruman.
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Une bande d’orfroi représentant trois saints superposés (Cl. 23941) témoigne de la production de la péninsule de la 1ère moitié du 15e siècle. Elle ornait sans doute une chasuble. La dernière pièce est justement une chasuble, datée de la 2e moitié du 15e siècle et ornée de deux bandes d’orfroi (Cl. 23942).
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Grâce à la générosité de la société des Amis du musée de Cluny, les collections relatives à l’histoire du site des thermes gallo-romains, dans lequel est implanté le musée, s’agrandissent. La société s’est portée acquéreur en vente publique pour le musée d’un « Intérieur du palais des thermes, seul monument romain à Paris, rue de la Harpe » de Jean-Victor Nicolle (Cl. 23937). Cette aquarelle sur papier figure l’intérieur du frigidarium des thermes au tournant des années 1820. Il s’agit d’un état historique peu documenté, ce qui rend le dessin de Nicolle, un artiste rompu aux vues d’architecture, particulièrement précieux.
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Deux dons d’un grand intérêt ont enfin permis au musée de rassembler deux chapiteaux d’ébrasement de portail. Le premier, figurant le « Don des clefs à saint Pierre » (Cl. 23938), provient de la collection personnelle d’Eliane Vergnolle. Le second présente des caractéristiques proches, notamment un pan supérieur creusé pour le transformer peut-être en bénitier. Il est consacré au thème de la « Délivrance de saint Pierre » (Cl. 23939). Repéré sur le marché comme pouvant provenir du même site que le chapiteau précédent grâce au concours de Laurence Fligny, il est acquis par Christian Giacomotto, qui en a ensuite fait don au musée de Cluny. On ne connaît pas la provenance de ces chapiteaux romans, mais le programme autour de saint Pierre pourrait les associer à un site clunisien.
La qualité des œuvres acquises cette année et leur nombre montre le dynamisme du Musée de Cluny dont la variété des collections reflète toute la complexité et la virtuosité présentes au Moyen Âge. Ce sera un véritable plaisir de retrouver une partie de ces œuvres récemment acquises exposée dans les collections permanentes du musée dès sa réouverture en 2022, suite aux longs travaux de mise aux normes et la création d’un nouveau bâtiment. D’autres seront présentées au public lors d’une présentation des dernières acquisitions du musée.