Aujourd'hui, je vous propose de découvrir un ensemble d’œuvres bien particulier conservé au Musée du Louvre : L’épée du sacre, son fourreau et les éperons du Sacre du roi de France. Cet ensemble, dont l’origine remonte au Moyen Âge, est particulièrement important d’un point de vue historique puisqu’il s’agit des dernières Regalia conservées du royaume de France. Pour la première fois l'article est entièrement traduit en anglais (english below) !

Les Regalia du Royaume de France

L'épée et les éperons du Sacre font partie des Regalia du royaume de France. Les Regalia sont les insignes de la royauté et chaque pays a ses propres symboles. Les Regalia tiennent un rôle important lors de la cérémonie du Sacre et des grands événements du règne. En effet, la cérémonie du Sacre et les insignes royaux qui sont alors remis au nouveau souverain font partie de sa légitimation, notamment lors des changements dynastiques. La cérémonie du Sacre, instaurée pour la première fois en France pour Pépin le Bref vers 751 puis 754 est inspirée du Livre des Rois de l'Ancien Testament. Elle s'est progressivement complexifiée et codifiée au cours du Moyen Âge pour atteindre son apogée sous les Capétiens (XIe-XIVe siècle). Son déroulement, sa signification et les objets utilisés nous sont connus grâce aux Ordo rédigés à différentes époques, celui d'Hincmar de Reims (IXe s), de Fulrad (XIe s), de saint Louis (1226-1270) et sous Charles V (1360-1380). La cérémonie du Sacre s'est exportée dans toute l'Europe, chaque souverain l'adaptant à ses besoins et ses insignes.
Ces œuvres sont donc à la fois un témoignage de l'habileté des anciens artisans et en même temps un témoignage de l'histoire de France.


Des œuvres composites

L’épée : Largement restaurée au cours des siècles, seul le pommeau en or repoussé représentant deux oiseaux affrontés dans des entrelacs, rappelant le style scandinave, date bien du Xe siècle, c'est-à-dire de la fin de l'époque carolingienne. Les quillons d'or gravés en forme de dragons opposés composant la garde, datent, quant à eux, du XIIe siècle (il y avait des perles incrustées dans les yeux), le motif végétal qui les sépare date du IXe-Xe siècle et le dessous de la garde est décoré d'entrelacs filigranés et d'une inscription. La fusée ou poignée d'or est décorée de croisillons en forme de losanges et date du XIVe siècle. La lame en acier, non datée, ne comporte aucune marque laissant paraître un usage guerrier et confirme le statut de Regalia. L'épée est l'une des Regalia les plus importantes et les plus anciennes.

Le Fourreau : l'épée était accompagnée d'un fourreau également largement remanié entre le XIIIe et le XIXe siècle. La grande plaque d'argent doré parsemée de pierreries date du XIIIe siècle. Les dix pierres taillées en cabochons et montées dans des bâtes à gouttière sont de différentes couleurs et sont typiques de l'orfèvrerie du XIIIe siècle. Dans la gemmologie antique et médiévale, chaque pierre est associée à une vertu (sobriété pour l'améthyste, fidélité et spiritualité pour le saphir, le grenat symbolise le courage, le cristal de roche la sagesse et la clairvoyance, ...). La boucle fermoir du XIIIe siècle, assez simple, indique que l'épée était portée à gauche.
Le velours fleurdelisé, autrefois bleu azur, est une restauration du XIXe siècle. Les fleurs de lys brodées relèvent de la technique de la cannetille (sorte de petits ressorts métalliques placés au dessus du fil de broderie), il s'agit d'une technique moderne.

Les éperons : Les éperons d'or datent du XIIe siècle avec des ajouts aux XVIe et XIXe siècles. La face extérieure est décorée d'entrelacs zoomorphes (peut-être des chiens ou des dragons stylisés) ajourés. Chaque côté de l'arc est agrémenté d'une plaquette en or avec trois grenats taillés en carré, entourés de rinceaux en filigranes. L'arrière de l'éperon est orné d'un cylindre à motif végétal rehaussé de nielle et d'une sphère ajourée à motifs fleurdelisés. La partie interne des éperons et le tissu sont modernes. Le textile est fait de fils métalliques tissés, rehaussés de perles et de cannetille. Le fermoir en or repoussé à gueule de lion, plus ancien, date également du bas Moyen Âge, la seconde partie du fermoir en or est terminée par une petite tête de lion. L’un des deux éperons est plus restauré avec une tête de lion datant du XIXe siècle

Détail du sceptre de Charles V (Louvre)


Les Regalia du Royaume de France sont

  • La couronne : symbole de royauté.
  • Le sceptre royal : toujours tenu dans la main droite, c'est un symbole de commandement.
  • La main de justice : tenue dans la main gauche, les trois doigts levés désignent la raison et la charité du roi, ils représentent la Trinité, les deux derniers doigts représentant la foi catholique.
  • L'épée : symbole de l'engagement guerrier, le roi doit défendre l'Église et le Royaume par les armes s'il le faut.
  • Les éperons : représentent l'humilité et le devoir chevaleresque. Ils rappellent au roi, que bien qu'il soit au plus haut niveau hiérarchique, il ne doit pas oublier de se comporter avec sagesse, générosité, fidélité et prouesse, ni de se comporter avec courtoisie avec les dames.
  • L'anneau : représente l'union du roi et du royaume, c'est également un symbole clérical rappelant que le roi est presque prêtre.
  • L'onction de la Sainte Ampoule (détruite à la Révolution) rappelle l'élection divine du roi. De plus, le Saint Chrême date, selon la légende rapportée par Hincmar de Reims, du baptême de Clovis (481-511). C'est également une pratique reprise de l'Ancien Testament.
  • La fleur de Lys, présente sur les armes de France, le manteau du roi, ...rappelle la trinité avec ses trois pétales. Le lys étant la fleur de la Vierge, cela signifie également que celle-ci protège le royaume. Selon d'anciennes légendes, les armes de France, bleu azur semé de trois lys d'or, dateraient de Clovis. Il y est dit que Clovis avait trois crapauds sur son écu et qu'après sa conversion ils se sont miraculeusement transformés en Lys. Cependant, ce motif n'est avéré que depuis les Capétiens (XIe s).

Les insignes guerriers tels l'épée et les éperons sont donnés au souverain au début de la cérémonie du Sacre. L'épée est ensuite tenue par le connétable pointe dressée, jusqu'à la fin des célébrations.

Bien que l'épée soit dite de Charlemagne et porte le nom de l'épée mythique du souverain : Joyeuse, elle est composée d'éléments de différentes époques et ne semble pas avoir été utilisée avant le sacre de Philippe Auguste en 1179. Elle n'est documentée que depuis le sacre de Philippe III le Hardi en 1271. Il est donc fort peu probable qu’il s’agisse de la véritable épée de Charlemagne. Joyeuse est l'une des plus anciennes Regalia qui nous soit parvenue. Entrée dans les collections du Louvre en 1793, elle a tout de même servi lors du Sacre de Charles X en 1825. C'est pour cette ultime cérémonie que les dernières restaurations ont eu lieu.

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The sword of Consecration, its furnace and the spurs of Consecration

The sword and the spurs of Consecration are part of Regalia of the kingdom of France. Regalia is the insignia of kingship and every country has its own symbols. Regalia plays a mattering role during the ceremony of Consecration and big events of the reign. In fact, the ceremony of Consecration and the royal insignia given to the new sovereign are part of its legitimization notably during dynastic changes. The ceremony of Consecration, instituted for the first time in France for Pepin le Bref (towards 751 [seven hundred fifty one] then 754) is inspired by the Book of the kings of the Bible. It progressively complexified and codified in the course of the Middle Ages to peak under the Capétiens (Xth - XIVth century). Its sequence, its signification and used objects are known thanks to a book called Ordo written in different epochs, that of Hincmar of Reims (IXth century), of Fulrad (XIe c) and under Charles V (1360-1380). The ceremony of Consecration was exported to all Europe, every sovereign adapting it to its needs and its insignia.

These artifacts are therefore at the same time an evidence of the skill of the ancient artisans and all at once an evidence of the History of France.

Broadly restored in the course of the centuries, only his golden pushed back knob representing two birds confronted in traceries, a reminder of Scandinavian style, dates well from the Xth century, that is to say from the end of the Carolingian epoch. The quillons of gold engraved in the form of opposed dragons composing the hilt, dates, from the XIIth century (there were gems inlaid in eyes), the plant motive which separates them dates from the Xth century and the underside of the hilt is decorated with filigrees traceries. The handle of gold is decorated with crosspieces in the form of rhombus wich a date of the XIVth century. The not dated, steel blade includes any mark letting appear a warlike usage and confirms the status of Regalia.
The sword was accompanied with a furnace also broadly altered between the XIIIth century and the XIXth century. The big plate of gold silver interspersed with gems dates from the XIIIth century. The ten stones sharpened in cabochons and rises in bâtes are different colour and are typical of the goldsmith's art of the XIIIth century. In the ancient and medieval gemology, every stone is linked to a virtuousness (sobriety for the amethyst, fidelity and spirituality for the sapphire, the garnet represents courage, crystal of rock wisdom and perceptiveness). The clasp, rather simple, points out that the sword was carried to the left.

The velvet decorated with fleurs-de-lis, was in the past azure blue, it is a restoration of the XIXth century. The embroidered flowers of lily from the technology of the cannetille (kind of metallic spring put above the thread of embroidering), it is a modern technology.

The gold spurs date from the XIIth century with additions in XVIth and XIXth centuries. The outside face is decorated with zoomorphic traceries (perhaps stylized dogs) openwork. Every side of the arch is decorated with a golden bar with three garnets sharpened in square, encircled with «rinceaux » in filigree. The back of the spur is decorated with a cylinder with plant motive raised by « nielle » and by a sphere hemstitched in fleurdelisé motive. The internal party of the spurs and cloth is modern. Textile is made of metallic woven strings, raised by pearls and by “cannetilles ». The golden pushed clasp is a lion, more ancient, also dates from the late Middle Ages, the second party of the golden clasp is ended by a small head of lion.
The sword is one of most ancient and the most important Regalia.

Regalia of the Kingdom of France include:

  • the crowns: symbol of kingship.
  • the royal sceptre: always held in the right hand, it is a symbol of command.
  • the hand of justice: it is held in the left hand, the three raised fingers indicate reason and charity of the king, they represent Trinity, the last two fingers representing Catholic faith.
  • the sword: symbol of war, the king must defend the Church and the Kingdom by weapon if he is needed.
  • the spurs: represent humility and chivalrous duty. They remind the king, that although it is in the most of high level hierarchic, he should not forget to act with wisdom, generosity, fidelity and prowess, nor to act with politeness with the ladies.
  • the ring: represent the union of king with the kingdom, it is also a clerical symbol saying that the king is almost a priest.
  • the unction of the Holy Bulb (destroyed in Revolution) is a reminder of the divine election of the king. Besides, the “Saint Crème” dates, according to the legend brought back by Hincmar of Reims, of the christening of Clovis (481-511). It is also a practice taken back by the Old Testament.
  • the Lily flower, present on the coat of arms of France, reminds of Trinity with its three petals. The lily is the flower of the Virgin, it also means that this one protects the kingdom. According to the ancient legends, the weapon of France, blue azure seeded with three gold lily would date from Clovis. It is said there that Clovis had three toads on his ecu and that after his conversion they miraculously transformed into Lily. However, this motive is proved to be, only since the Capétiens (XIth century).

The warlike insignia, such the sword and spurs are given to the king at the beginning of the ceremony of Consecration.

Although the sword is said to be Charlemagne's one, and carries the name of the mythical sword of the king "Happy", she is composed of elements from many areas and does not seem to have been used before the consecration of Philippe Augustus in 1179. It is certificated only since the consecration of Philippe III “le Hardi” in 1271. Happy is one of the most ancient Regalia which reaches us. Entered in the collections of Louvre in 1793, it served during the Consecration of Charles X in 1825. It is for this ultimate ceremony that the last restorations took place.

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