Une triste Histoire...
10 oct. 2010
MAIGNANT Albert (1845-1908), Audovère répudiée, ND, H/T, 1,435x1,25m
Plus proche de la scène de genre que du tableau historique par son format et sa composition. Au premier plan, occupant la majeure partie de la toile, le groupe de trois personnages se détache sur un paysage de campagne. Audovère , reine déchue , première épouse du roi franc Chilpéric Ier qui vient de la répudier après dix ans de mariage, se dresse fièrement. Elle tient son nourrisson dans ses bras, protégé par des langes et son lourd manteau bleu rebrodé. Son statut de noble dame est visible par son costume : un voile retenu par un bandeau d'or, une robe et un manteau richement brodés, des chaussures de cuir et des bijoux (agrafe de manteau, bague, ...), ...
Sa vieille nourrice l'accompagne dans son exil. Elle est vêtue d'une longue jupe marron, d'une chemise grise et d'un pardessus aux riches motifs. Elle porte de lourds paquets, derniers biens de sa maîtresse.
Selon les anciennes sources, il y a deux hypothèses concernant sa répudiation. La première serait que Chilperic Ier, son époux , jaloux du prestigieux mariage de son frère Sigebert avec la belle princesse Brunehaut aurait alors répudié épouse et maîtresses pour épouser Galswinthe (sœur de Brunehaut et fille du puissant roi Athanagild) vers 568.
La seconde hypothèse parle d'une intrigue de la redoutable Frédegonde, alors suivante d'Audovère, qui aspire à passer du statut de maîtresse du roi à celui de reine. Pour évincer la reine Audovère, elle l'a convaincue de tenir son dernier enfant au dessus des fonds baptismaux. Selon les canons de l'Eglise, Audovère, qui est la mère de l'enfant, devient alors également sa marraine, hors, il est formellement interdit au père de l'enfant et à sa marraine de coucher dans le même lit car il s'agirait d'un inceste. Le roi aurait alors répudié sa femme. L'enfant qu'Audovère tient dans ses bras est peut-être ce nouveau né, peut être Childesinde (dont l'existence est actuellement non vérifiée).
Après son renvoi, la reine se retire dans un couvent du Mans où de nombreuses années plus tard, la terrible Frédégonde, devenue reine après de nombreuses intrigues, la fit étrangler.
On remarque que sans le titre, le sujet du tableau est pratiquement impossible à deviner pour le commun des mortels. Les costumes sont effectivement datés du haut Moyen Âge mais sans faire de référence à une époque précise (les détails de la robe de la reine ne sont pas assez précis et la coiffure ne correspond pas à la mode mérovingienne).
L'attention se concentre sur le cheminement digne de cette ancienne reine déchue, séparée de ses autres enfants, de sa suite, de ses biens et de ses titres. Pour sa retraite, il n'y a ni escorte, ni char pour l'accompagner. C'est un sentiment de profonde solitude et d'abandon qui émane de cette oeuvre.