Musée du quai Branly : The River
01 oct. 2012
Retour au qaui Branly et attention : pavé!!!
Outre ses incroyables collections provenant du monde extra européen, le musée du quai Branly, ainsi que plusieurs mécènes comme la fondation Total ou encore Pernod Ricard, s’engagent depuis près de dix ans pour la création contemporaine en accueillant en résidence des photographes non européens, des expositions temporaires comme Jardin d’amour de Yinka Shonibare ou encore Autres maîtres de l’Inde, créations contemporaines des Adivasi.
(Source de la photgraphie)
À partir de juin 2006, une première installation vidéo, l’Autre Marche de Trinh T. Minh-ha et Jean-Paul Bourdier, s’empare de la rampe d’accès aux collections. Cette oeuvre est restée en place jusqu’en juin 2009. Lui succède, en mars 2010, l’installation The River de l’artiste écossais Charles Sandison, connu du grand public depuis sa participation à la biennale de Venise en 2001. Cet artiste est habitué à travailler avec des institutions muséales et des fondations comme l’Espace Culturel Louis Vuitton en 2009 où son oeuvre Cryptozoology (2006) a été projetée lors de l’exposition Silent Writings, le Musée d’Orsay en 2008 où il intervient avec Nymphéas bleus dans le cadre de l’exposition Correspondances. La même année, dans le cadre de l’exposition Dans la nuit, des images, il projette Manifesto, Procla mación Solemne, des extraits de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne sur la façade du Grand-Palais. Son travail est donc essentiellement basé sur les mots et leur mise en scène dans des installations.
Charles Sandisson, Manifesto, projection vidéo sur la façade du Grand Palais à Paris, du 18 au 31 décembre 2008. (source de la photographie)
Pour son travail au sein du musée de quai Branly, il propose une oeuvre onirique en adéquation avec les idéaux du musée, mélant les technologies vidéo et numérique.
Le long de la rampe sinusoïdale de 180 mètres qui mène aux plateau des collections permanentes coule une rivière de mots blancs et rouges qui prend sa source au niveau de la “rivière” du plateau contenant des installations tactiles pour les personnes mal-voyantes.
Ces 16 597 mots ne sont autres que les noms de tous les peuples et de tous les lieux présents dans les collections du musée. C’est une continuité de la scénographie, comme si le savoir sortait des collections et se déversait jusqu’à l’entrée pour accueillir le visiteur. Ainsi, comme le précise Charles Sandison : “Le temps de monter et de descendre la rampe, le visiteur aura littéralement et inconsciemment parcouru l’intégralité du contenu de la collection s’écoulant autour de lui.” et “Du début à la fin, ce voyage cherche à confronter le visiteur aux objets et aux idées qu’il rencontrera dans l’espace se trouvant au bout de la rampe. L’objectif de cette oeuvre est de préparer le visiteur à la découverte des collections, de créer un état de rêverie en harmonie avec l’architecture.”
(Source de la photographie)
Cette oeuvre mystérieuse repose sur un programme complexe écrit en C++ combinant le langage et les cycles hydrologiques et une grande logistique puisque chacun des projecteurs vidéo est relié à un ordinateur. Les ordinateurs fonctionnent en réseau, mais chacun avec sa propre copie du programme, ce qui permet un traitement des données en parallèle. Au moment de son inauguration, la puissance de calcul de l’installation correspondait à l’un des cluster les plus puissants de Paris, presque équivalent à la puissance de calcul d’un centre de contrôle du trafic routier urbain. Cette puissance permet une exécution du programme en temps réel, rendant l’oeuvre en perpétuel mouvement, toujours semblable mais jamais identique.
(Source de l'image)
Pour conclure, cette oeuvre instaure un dialogue constant avec l’architecture et s’accorde même le luxe de revenir au concept architectural initial du projet du musée, puisque Jean Nouvel souhaitait installer une rigole d’eau le long de la rampe.
C’est en même temps une mise en abîme des collections du musée et une invitation au voyage et à la rêverie liée à tous ces noms inconnus et exotiques. Joseph Kessel n’a t’il pas dit :
“Les grands voyages ont ceci de merveilleux que leur enchantement commence avant le départ même. On ouvre les atlas, on rêve sur les cartes. On répète les noms magnifiques des villes inconnues...".
Par la magie vidéo-numérique, les peuples et les lieux se rapprochent et se combinent d’une infinité de manières, rappelant la devise du musée : “Là où dialoguent les cultures”.
Cette oeuvre a également un aspect interactif puisque le visiteur, par sa présence, perturbe le flux par son ombre mais catalyse la portée de l’oeuvre. Enfin, si peu de visiteurs adultes s’arrêtent devant cette oeuvre, les enfants en bas âge y sont particulièrement réceptifs. Certains très jeunes enfants se comportent comme face à un ruisseau d’eau, en sautillant, en tentant d’attraper des mots, par exemple.