La fin d'Ys et le début d'une légende
30 juin 2011La légende de la cité d'Ys (Is) est particulièrement intéressante à plusieurs niveaux puisqu'il en existe de très nombreuses versions illustrant une idéologie ou une époque (la très nombreuse littérature concernant la légende et ses hypothèses est impressionnante, l'article de Wikipedia est interessant mais manque de sources clairement définies : notes de bas de page, ...) . Toutes les légendes s'accordent sur la mignificence de la ville, sorte d'Atlantide bretonne, construite sous le niveau de la mer et protégée par une haute muraille munie d'une immence porte de bronze dont seul le roi détient la clé. L'histoire la plus connue est assez récente (début du XXe siècle). On y voit le bon roi Gradlon récemment converti au christianisme, sa fille débauchée, toujours attachée aux anciens dieux, et saint Guénolé, conseiller du roi, l'exhortant contre sa pécheresse de fille, qui causera la colère divine et la perte de la ville... Une fois la ville sous les flots (pour diverses raisons : colère divine ou Dahud qui a volé la clef à son père...) seul le saint, le roi et la princesse parviennent à se sauver, mais, rappelant les pêchés de Dahud, Guénolé ordonne au roi de rejeter ce "démon". Que ce soit le roi ou le saint qui aient poussé la princesse, cette dernière finit engloutie dans la mer et les deux cavaliers s'installent à Quimper.
Cette légende, pleine de magie et de rebondissements, ne pouvait qu'intéresser le peintre historiciste Evariste Luminais Vital, originaire de Bretagne. Il a représenté la fin de la légende, l'instant décisif où le roi repousse sa fille bien-aimée.
LUMINAIS Evariste Vital (1822-1896), La chevauchee de saint Guenole et du roi Gradlon, 1884, Huile sur toile, 0,50x0,705, Rennes, musée des Beaux-Arts, n°INV 62.19.1, étude pour La fuite du roi Gradlon
S’inspirant de l’histoire plus ou moins mythique de sa région d’origine, la Bretagne, Luminais représente le moment crucial où le roi Gradlon (tunique courte, rouge à longues manches, braies blanches et casque d'or hémisphérique) repousse sa fille Dahud ou Ahes (longue robe rose de soie moirée bordée) responsable de la disparition de la ville d'Ys. Celle-ci a en effet donné la clé des écluses qui protégeaient la ville à son amant d’un soir qui n’était autre que le diable (toujours suivant le récit le plus répendu). Une fois en possession de la clé, ce dernier aurait ouvert les écluses, et la ville aurait été engloutie, ne laissant s’échapper que le roi et saint Guénolé (reconnaissable à sa tenue de moine, sa tonsure et son auréole) indiquant par son geste, que la colère divine n'est toujours pas apaisée. La ville, au loin, est a peine visible sur la ligne d'horizon. Notons que le cheval de Guénolé est identique à celui du premier plan dans Combat de cavaliers francs.
LUMINAIS Evariste Vital (1822-1896), La fuite du roi Gradlon, Huile sur toile, 1,000x0,668 , Quimper, Musée des Beaux-Arts
La version définitve du tableau est beaucoup plus sombre que son esquice, mais la composition reste la même et seul les costumes des protagonistes et l'atmosphère plus sombre différent de l'oeuvre précédente.
Le vieux roi porte une tunique courte à longues manches, bleue, une large ceinture, une cape rouge et un bonnet bleu bordé d'un bandeau doré. Sa fille Dahut porte une longue robe rouge foncée à manches courtes, ceinturée à la taille et un manteau plus clair. Le moine porte une robe de bure et un scapulaire, il tient un petit reliquaire.
La postérité de cette légende est telle, qu'elle est reprise dans de nombreux médias (BD, livres pour la jeunesse, musique et même jeux vidéo)
Dernière précision sur AHES ou DAHUD. Selon l'institut culturel de Bretagne : elle est née de l'union du roi Gradlon avec une fée. Elle mène une vie dissolue et se révèle quelque peu sorcière. Elle se heurte à l'évêque Corentin et aux chrétiens.
Elle obtient que son père fasse construire une ville dans un endroit plus bas que la mer, la ville d'Ys. Cette ville merveilleuse, située pour les uns près d'Audierne et pour d'autres près de Douarnenez, est submergée et détruite par la faute d'Ahès. Le roi Gradlon réussit à se sauver et s'établit alors à Quimper.
Selon une autre tradition, Ahès aurait aussi fondé la ville de Carhaix (Ker Ahès) et serait à l'origine d'un vaste réseau routier, dont certains tronçons (chemins d'Ahès) dans le Morbihan portent encore son nom : A Caro, La Nouée, Malestroit, Noya, La Trinité-Porhoët.