[Cannes 2024] Grand Tour : Poursuite amoureuse foireuse
22 nov. 2024Présenté à Cannes 2024 où il a reçu le prix de la mise en scène, Grand Tour de Miguel Gomes est un film au synopsis alléchant mais…
Tout débute à Rangoun (Birmanie) en 1917, alors colonie britannique. Un jeune fonctionnaire qui n’a pas vu sa fiancée depuis 7 ans apprend par un télégramme qu’elle arrive très prochainement par bateau pour fêter leurs noces. Le promis prend alors peur et s’enfuit par le premier bateau. Arrivée à quai, la jeune délaissée, loin de s'effondrer et de se morfondre, décide de le poursuivre à travers toute l’Asie s’il le faut pour lui faire tenir ses engagements.
Un vaudeville ?
La lecture du synopsis est alléchante et promet une comédie romantique en costumes d’époque sur fond d’exotisme. On s’imagine les deux protagonistes, tels Bipbip et Coyote à la découverte d’un continent multiculturel particulièrement riche.
Le spectateur déchante rapidement, le traitement du film est parfaitement premier degré avec des acteurs, Gonçalo Waddington (Edward) et Crista Alfaiate (Molly), sans grand charisme (désolée pour eux, mais je pense que ça vient du film). Edward est un couard dans toute sa splendeur et Molly, présentée comme une femme de caractère, est surtout vulgaire et bornée. Il aurait été compréhensible que, devant la trahison de son promis, elle se lance à sa poursuite pour lui dire ses quatre vérités et le planter là comme un malpropre en reprenant SA liberté. Mais non, elle se berce d’illusions et refuse de voir la vérité en face, même quand elle lui crache (au figuré) à la figure. De son côté, Edward, en bon britannique, traverse les pays, fait de nombreuses rencontres mais ne se remet jamais en question.
Un film de vacances
Si l’épaisseur du scénario et son développement ne sont pas le point fort du film, il était permis d’espérer une mise en scène novatrice et enlevée. En plus, le film a reçu un prix pour ça.
Là encore, si l’image en noir et blanc est plutôt jolie, le découpage et la mise en scène ne sont pas plus intéressants. La première partie du film est consacrée à Edward avant de switcher totalement sur Molly. Charge au spectateur de faire le lien et de tout replacer dans l’ordre chronologique. Le tout est entrecoupé de vidéos de l’Asie rurale contemporaine. Ces passages, non seulement coupent la narration du film, mais en plus, montrent une image peu valorisante des pays traversés avec des marchés où les produits frais sont posés dans des paniers à même le sol que les passants enjambent au sens propre etc. Rien n’est fait pour provoquer la rencontre avec le pays et ses habitants. Certains passages en langue vernaculaire ne sont même pas traduits, ce qui laisse le spectateur dans l'expectative. On a l’impression que le réalisateur et son équipe sont partis en vacances en Asie et ont collé les images à la suite les unes des autres sans réel fil conducteur. C’est assez étrange d’avoir l’impression que le scénario est là pour rentabiliser un film de vacances.
Les seuls éléments un peu raccord sont les passages du film en marionnettes traditionnelles qui, pour le coup, sont cohérentes par rapport au récit.
Je dois dire que j’ai été très déçue par ce film que j’attendais avec une grande impatience. Je me suis ennuyée tout du long, je n’ai ressenti que de l’agacement pour les personnages et l’écran de fin a été un véritable soulagement. A en juger par la mine dubitative des autres spectateurs, le film ne les a pas plus convaincus. Il est pourtant tout à fait possible de faire un beau film à la fois sincère et poétique sur l’Asie, comme le vaporeux et mystique L’arbre aux papillons d’or de Pham thien An qui avait obtenu la caméra d’or à Cannes en 2023. Bref, à part par curiosité, passez votre chemin.
Grand Tour
Un Long-métrage de Miguel Gomes
Année de production : 2024
Sortie en France : 27/11/2024
Durée : 2h 8m