Après plus de 10 ans de travail, Florence Miailhe livre son premier long métrage réalisé en peinture sur verre. Co-écrit avec Marie Desplechin, La Traversée narre la migration semée d'embûches de deux enfants dans un continent en proie aux troubles. 

Tardivement ajouté à la compétition officielle du Festival International d’Animation d’Annecy 2021, La Traversée, soutenue entre autres par Arte et la Fondation Gan pour le cinéma, a finalement reçu le prix spécial du jury. 

Kyona est une petite fille qui vit avec ses parents et ses quatre petits frères dans un petit village. Mais voilà qu’un conflit ethnique frappe son pays, son village est incendié et sa famille doit fuir pour se réfugier chez un lointain cousin vivant dans un pays politiquement stable. Avec seulement quelques bagages, la famille prend le train, mais voilà qu’au poste frontière les parents et les trois plus jeunes frères de Kyona sont arrêtés. Elle se retrouve seule avec Adriel son cadet. Commence alors l'errance semée de dangers pour ces deux enfants émigrés. 

Un récit cousu de fil blanc

Sur le papier, La Traversée propose un récit initiatique basé sur la thématique forte des nombreux dangers que courent les enfants migrants livrés à eux-mêmes dans des pays en proie aux troubles. Kyona et Adriel se retrouvent esseulés en terre étrangère, sans repères ni protection. Alors que la grande sœur Kyona se morfond en attendant l’hypothétique retour de sa famille, Adriel intègre un groupe d’enfants des rues et tombe dans la petite délinquance. Mais leur périple est loin d’être terminé et de nombreux obstacles vont se dresser sur leur route avant de trouver la liberté. 
Kyona, le personnage principal, est assez décevante. Elle paraît se laisser porter par les événements et être peu impliquée dans sa propre survie. D’ailleurs, elle se repose beaucoup sur les autres et n’évoque jamais leurs émotions comme si elle était incapable de les percevoir. Elle passe son temps à geindre et prête finalement assez peu attention à ceux qui l’entourent et au contexte difficile qu’elle traverse, comme si tout n’était qu’un mauvais rêve. Ainsi, quand elle quitte son village en proie aux flammes, elle ne parle que de son exaltation d’enfin le quitter et de voir le monde (sic). Elle est tout de même très attachée à son petit frère mais se montre bien moins résiliente que lui. Kyona, malgré le fait qu’elle soit l’héroïne, n’évolue pas réellement au fil des événements, restant puérile dans ses paroles et ses actions. Le seul moment drôle et inattendu du film est quand la taiseuse Babayaga dit à Kyona d’arrêter de se plaindre car elle n’est pas la seule à souffrir. On se dit que cela va la faire réfléchir, mais non, une fois arrivée au cirque, elle refuse une nouvelle fois de s’impliquer… 

Les personnages secondaires sont bien plus intéressants et complexes. Que ce soit Adriel qui fait preuve d’une grande adaptabilité à la situation, Iskender qui hésite entre compromissions pour sa survie et son attachement à Kyona et Adriel ou bien les adultes rencontrés sur leur chemin, la majorité sont ambivalents, à l’image de Babayaga la “sorcière des bois” ou de Madame, la tenancière du cirque. Puis il y a les vrais méchants comme Jon le militaire gradé totalement corrompu ou le couple della Chiusa des plus méprisables.   

Sous l'alibi de présenter un conte mêlant fantastique ( mais quand ? je n’ai pas remarqué) et la biographie de la grand-mère de la réalisatrice, les aspects les plus dangereux et les plus difficiles de la migration des enfants, et surtout des jeunes filles, en pays étranger sont pour beaucoup éludés. Kyona qui est décrite comme très belle n’attire d’ailleurs aucune concupiscence autre que celle des garçons de son âge alors que le pays grouille de soldats et de trafiquants d’êtres humains. Certaines choses sont sous-entendues comme le travail forcé des migrants dans les fermes, mais finalement la jeune fille traverse tout sans encombres et se remet rapidement de toutes les pertes, même les plus cruelles. 

Une technique originale

Si le fond est discutable et manque d’épaisseur, le plan technique est plus intéressant. La technique de la peinture sur verre en animation est une invention de Florence Miailhe qui en a déjà fait usage dans de précédents courts métrages. Cette technique qui procède par recouvrements successifs du dessin apporte de la vibration et de la vie à l’animation. Certains plans sont très beaux quand d’autres souffrent de petites lacunes. La masse de travail explique peut-être le trait un peu naïf qui rebutera peut-être certaines personnes. Il est vrai que les toiles animées de La Passion Van Gogh, présentées en 2017, offraient un résultat bluffant pour ne pas dire parfait.  

La Traversée manque ainsi de rugosité dans son propos et son héroïne dessert purement et simplement l’ensemble tant son niveau d’incurie frôle l'indécence. A ce titre, l’on préfère largement le très réussi Flee ou encore Lamia's Poem pourtant non exempt de défauts. Un récit plus biographique basé sur le périple de la grand-mère russe de Florence Miailhe, qui a fui les pogroms avec ses 10 enfants en 1905, aurait probablement permis d'ancrer le récit dans le réel et l’émotionnel tout en incorporant des thématiques d’actualité ici traitées comme les camps de réfugiés, les dangereuses traversées en bateau ou encore le trafic d’êtres humains.

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