Si beaucoup s’intéressent au Japon, bien peu connaissent les Aïnous, ce peuple habitant l’île d’Hokkaido. Longtemps persécuté par les autorités japonaises et après des décennies de silence, la lumière se fait peu à peu sur ce peuple impressionnant.

I] Un peuple à la physionomie et aux traditions différentes

Niché tout au nord de l’archipel nippon, le peuple aïnou est un peuple animiste, connu pour vivre en harmonie avec la nature. Pour eux, chaque plante et chaque animal est une incarnation du divin « Kamui ». Habitués à vivre dans la nature, parfois dans des conditions difficiles, surtout l’hiver, ce sont des chasseurs hors-pair, mais également des artisans habiles et de fins connaisseurs des propriétés des plantes locales.

Ainu bear sacrifice. Japanese painting 1870

Dans leur croyance, l’ours tenait une place toute particulière et, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’« iyomante » était pratiqué par les communautés. Il s’agissait d’adopter un ourson orphelin, de l’élever pendant plusieurs années et, avant qu’il ne devienne adulte, de le sacrifier pour que son âme retourne au royaume des dieux et y rapporte les bons soins des humains. Son crâne était alors placé sur une lance pour lui rendre hommage.

Autre pratique déroutante pour les japonais, les femmes aïnous mariées se tatouaient différents endroits du corps. Les lèvres en particulier étaient un signe distinctif puisque la taille du tatouage indiquait le rang social du mari.
En tant qu’artisans, les hommes aïnous excellent dans la sculpture sur bois et sur os. Chaque objet du quotidien est orné avec soin. Les vêtements traditionnels aïnous sont totalement singuliers. Ainsi, l’« attush » est tissé avec de l’écorce d’orme et décoré de motifs traditionnels propre à chaque village, voire à chaque famille.


Que ce soit au niveau du mode de vie, de la culture ou bien de la physionomie, les aïnous décrits par les textes et les ethnologues du siècle passé n’ont rien à voir avec les japonais du reste de l’archipel. Ils se rapprochent plus de certains peuples des steppes de Russie. D’ailleurs, des aïnous vivent également en Russie ou en sont originaires. Physiquement, les aïnous étaient grands, avec une pilosité plus développée que les autres japonais. Leur peau était généralement plus blanche mais, après des décennies de brassage génétique, ces caractéristiques physiques se sont diluées.   

Répartition des Aïnous

II] Une histoire tragique

A Hokkaido, dernière région réellement intégrée à l'Empire du Japon, les aïnous se sont révélés de farouches opposants lors de plusieurs batailles, bien qu’ils soient peu attachés aux possessions de la terre. La création de colonies débute au XVIe siècle, mais l'intensification de la colonisation à lieu sous l'ère Meiji. La répression japonaise envers la culture aïnou a été féroce et a provoqué une acculturation massive et la presque disparition de la langue et des traditions aïnous. Cette acculturation forcée a perduré fortement jusqu’à la fin de la seconde Guerre Mondiale et jusqu’au début du XXIe siècle, de manière plus pernicieuse.

a Japanese man 榎本武揚, ja:荒井郁之助, ja:松岡磐吉, 林薫三郎, 榎本対馬, 小杉雅之進 (Takeaki Enomoto, Ikunosuke Arai, Bankichi Matsuoka...etc)

Autre épisode tragique de l'histoire de l'île, en 1868, les derniers soutiens du Shogun  (histoire du film Le Dernier Samouraï, mais en vrai c'était un officier français) se sont réfugiés à Ezo (ancien nom d'Hokkaïdô) et ont créé la très éphémère république d'Ezo. Ils ont été écrasés et l'empereur n'a plus trouvé d'opposition réelle dans ses réformes. 

Les Aïnous qui refusent l'acculturation se retrouvent parqués dans des réserves. Le mépris de longue date des japonais pour les aïnous est particulièrement visible dans le terme utilisé pour les désigner : « ebisu » soit « sauvages ». Pendant longtemps, les derniers villages aïnous n’ont été que des attractions touristiques. En outre, selon un sondage de 1999, un aïnou sur deux a été victime ou témoin de discrimination dans sa vie. La discrimination a été telle qu’il est difficile de déterminer le nombre exact d’aïnous de nos jours. Certains dissimulent leur origine, d’autres l’ignorent.

III] Redécouverte et mise en lumière

Cependant, le peuple aïnou a entamé des démarches auprès du gouvernement pour obtenir des droits et la reconnaissance en tant que peuple et culture autochtone à part entière. Les Aïnous n’ont obtenu le statut officiel de peuple indigène qu’en 2008 lors d’un vote unanime au Parlement. Des musées ont été créés pour présenter la culture aïnou dans tout le pays et deux pages minimum lui sont consacrées dans les livres d’histoire nippons. Ils disposent d’un journal et d’une radio en langue vernaculaire.


Dans la pop-culture, les aïnous sont également de plus en plus représentés. Ainsi, leur culture et leurs traditions sont particulièrement bien retranscrites dans le manga à succès Golden Kamui. Plébiscité tant au Japon qu’à l’étranger, ce titre porte une attention toute particulière et pédagogique à la transmission de cette culture par trop méconnue.

Ainsi, comme de nombreux peuple indigènes, à l’instar des aborigènes d’Australie, les aïnous ont été et sont toujours, dans une certaine mesure, victimes ou tout du moins négligés par les autorités. La population actuelle, très mixte génétiquement, ressemble à la population japonaise en général, si bien qu’aujourd'hui, une partie des aïnous ignore ou cache toujours ses origines. Cependant, depuis les années 1990, et notamment grâce à la pression de l’ONU, leurs droits et leur culture sont de plus en plus pris en compte et valorisés tant auprès des japonais que des étrangers.

Une de mes sources pour écrire cet article. 

Les Aïnous, un peuple du Nord du Japon méconnu et au bord de l’extinction
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