Louise Moillon est une de mes peintres préférés ! Je suis en admiration devant ses natures mortes. Aussi, aujourd’hui, je vous propose de nous pencher sur son grand format La Marchande de fruits et légumes datant de 1630 et exposé au Musée du Louvre

Louise Moillon (1610 Paris - 1696 Paris) La Marchande de fruits et légumes (1630), huile sur bois, 120 × 165 cm, Musée du Louvre, Paris

Pourquoi ce tableau ? Il est certes un peu différent de sa production habituelle : c’est un grand format, il y a deux femmes etc. Mais en fait, c’est surtout un tableau à message. Souvent, les natures mortes ont un message moralisateur. Ici aussi, ben oui, ce n’est pas juste une bourgeoise qui fait ses courses chez le primeur (bio) du coin, bien au contraire, tout oppose les deux femmes. L’une est bourgeoise et l’autre paysanne. Elles se font face, entourées de fruits et de légumes à la disposition parlante.

Du côté de la bourgeoise, au premier plan, de belles grappes de raisin, fruit donnant le vin, et donc le sang du Christ versé pour le rachat des péchés des hommes. Elle tient une pomme dans sa main, le fruit défendu, mais comme c’est une femme mariée, elle n’en tient qu’une seule, elle est donc fidèle. Dans son panier, des fruits soigneusement rangés et en leur sommet des fraises, associées à la Résurrection depuis le Moyen Âge. Elle regarde d’un air dubitatif le panier d’abricots, fruits au combien sensuels et suggestifs, que lui tend la marchande. 

Face à elle, la marchande de fruits et de légumes est devant un plein panier de pommes, ce qui est déjà le signe qu’elle a croqué la pomme plus d’une fois. D’ailleurs, un vers est déjà à l’oeuvre dans une de ces pommes, rappelant la corruption des corps, la flétrissure et la mort. C’est un biais classique des vanités. Quand le regard se déplace vers la droite, l’on ne peut que remarquer que les deux melons et le concombre sont étonnement disposés à côté d’un gros chou bien ouvert. Là, si vous ne comprenez pas, je ne peux rien pour vous … 

Juste derrière cet assemblage coquin, des courges. D’innocentes citrouilles qui rappellent à l’enfant qui est en nous Cendrillon, et bien non, en fait ici la courge, dont le centre est creux, renvoie aux amours creux, stériles et improductifs, donc au péché de chair. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, un chat, animal du Malin, familier des sorcières, se tient derrière elle. 

Je suis certaine que le prochaine fois que vous verrez ce tableau, vous porterez sur lui un tout autre regard. Il s’agit d’un tableau moral d’une artiste protestante à la grande subtilité. Son art a d’ailleurs séduit les plus grands, puisque le roi d’Angleterre Charles Ier lui a acheté pas moins de cinq tableaux.

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