Charlemagne, entouré de ses principaux officiers, reçoit Alcuin par Victor Schnetz : dédicace royale
24 nov. 2010SCHNETZ Victor (1787-1870), Charlemagne, entouré de ses principaux officiers, reçoit Alcuin qui lui présente ses manuscrits, ouvrages de ses moines, 1833, H/T, Louvre (plafond), n° INV 7884
Derrière ce nom à rallonge qui a le mérite d'être explicite, on retrouve deux célèbres personnages du haut Moyen Âge : l'empereur Charlemagne et le célèbre moine Alcuin (730-804) ami et conseillé de Charlemagne, artisan de la "Renaissance" carolingienne (ce terme est de plus en plus discuté et certains lui préfèrent "réforme carolingienne"), responsable de l'école palatine....
La composition du tableau est assez simple, Charlemagne est assis au centre, trônant sous un dais de brocard azur et or. Il est revêtu des insignes royaux, couronne fermée, globe impérial sur un coussin à sa droite et sceptre dans la main droite. De la main gauche, il désigne le manuscrit que lui tend le moine, debout, à sa gauche.
Alcuin est facilement identifiable par sa tonsure et ses vêtements monastiques blancs. Il est entouré d'autres religieux, prêtres, moines, et un évêque au fond, juste à coté du trône du souverain, reconnaissable à sa crosse et sa mitre. Ainsi, la partie droite du tableau est presque intégralement occupée par des religieux. À l'arrière plan, une large baie laisse entrevoir la vie et l'architecture du palais d'Aix-la-Chapelle.
La partie gauche du tableau est occupée par des hommes de la cour, en armes ou non. Au Premier plan, on remarque même des orientaux, signalant les liens de l'empire carolingien avec le califat de Bagdad ou bien s'agit-il d'une ambassade des maures d'Espagne?
Au premier plan, un jeune garçon apporte un lutrin pour poser l'ouvrage.
Quand on regarde ce tableau, l’œil est tout de suite attiré par le groupe central de Charlemagne et Acuin. En effet, ils sont placés en pleine lumière (dans un tableau, les couleurs claires et franches se détachent mieux).
Bien que ce tableau corresponde à l'idée que l'on se fait généralement de la vie à la cour du célèbre empereur, il comporte de nombreux détails anachroniques plus ou moins visibles.
En premier lieu, il est généralement admis que les couleurs de la royauté française (puisque Charlemagne est roi de France en plus de ses nombreux autres titres) l'azur semé d'or, ne sont pas adoptées avant le bas Moyen Âge. On peut toutefois saluer l'artiste qui a remplacé les fleurs de lys par des aigles impériaux.
Les costumes des personnages aussi sont parfois inexacts. Le plus remarquable d'entre eux, est celui porté par l'homme en armes, directement à la droite de l'empereur, portant un casque pointu et un plastron lisse, bien éloigné des protections de l'époque.
La mitre de l'évêque est également sujette à caution, puisqu'au haut Moyen Âge elle ressemblait plus à un bonnet (comme on le voit sur certains sceaux).
Pour finir, à l'arrière plan à droite du tableau, un soldat arbore un magnifique casque à ailettes que Mérovée n'aurait pas renié.
Ce très grand tableau a été commandé pour décorer le plafond de la salle des manuscrit antiques du musée Charles X (situé dans l'aile Sully du Louvre). Fait intéressant, lors de la décoration des salles de ce musée, il a été décidé que le décor devait renvoyer aux collections exposées. Cette salle a, depuis, été reconvertie pour accueillir les lécythes à fond blanc (salles 241) soit la septième salle du département de la céramique antique.
Ce tableau a rencontré un tel succès que Louis-Philippe, alors nouveau roi des français, lorsqu'il décide de transformer le château de Versailles en musée dédié à l'histoire de France (par ses souverains), en commande une copie d'un format plus conventionnel à un jeune élève d'Ingres, Jean-François LAURE (1808-1861) médaillé du Salon en 1836. J.-Fr. Laure livre le tableau en 1837. Cette huile sur toile de 0,64m x 1,06m est toujours conservée au Musée National du Château de Versailles sous le numéro INV 7903 ; LP 2900
La copie est très proche, jusque dans les couleurs. Cependant, le cadrage est plus resserré et les jeux d'ombres et de lumières moins contrastés. Les détails sont ainsi plus visibles, mais le groupe central se détache moins, ce qui enlève peut être un peu de force au tableau...
Pour décorer l’immense château de Versailles, Louis-Philippe a passé de nombreuses commandes (j'en présenterai d'autres dans de futurs articles). La commande a un artiste peu connu avait un double avantage, elle coûtait moins chère, les artistes étant rétribués en fonction de leur notoriété, et elle faisait travailler un artiste dans la gêne. Le système de la commande de copie a été vu comme une sorte de système des bonnes œuvres de la maison royale pour les artistes de l'académie n'ayant pas encore trouvé la notoriété suffisante.
Ainsi, lorsque vous visiterez le Louvre, n'oubliez pas de lever le nez pour admirer les plafonds dont certains sont assez étonnants...