Caravage (L'ombra di Caravaggio en VO), réalisé par le prolifique Michele Placido, est un biopic consacré au Caravage qui plonge les spectateurs dans la Rome du XVIIe siècle sur les pas d’un des plus grands génies de la peinture Italienne.

1609, suite à un duel fatal, Michelangelo Merisi, dit Le Caravage, quitte précipitamment Rome pour Naples grâce à la complicité de protecteurs hauts placés. Mais cet exil forcé insupporte l’artiste qui n’aspire qu’à revenir dans la cité éternelle. Il demande une grâce au pape Paul V. Ce dernier confie alors la mission d’enquêter sur le peintre à une Ombre, un inquisiteur zélé aussi implacable qu’inquiétant. 

Caravage © Luisa Carcavale

Une double chronologie 

Se met alors en place une double chronologie avec d’un côté les pérégrinations du Caravage entre les fêtes, les rixes, les bras des prostituées, les passages en prison et les phases de grâce dans son atelier avant le drame fatidique. Sur ses traces, l’Ombre se faufile dans les rues sordides et les palais, interroge, menace ceux qui ont fréquenté l’artiste rebelle. Entre ses griffes passent les amis, les maitresses, des marchands mais aussi les puissants protecteurs et quelques opposants du Caravage. Car si l’Ombre à la piété presque fanatique réprouve la vie tapageuse de l’homme, son art sublime mais à la limite de l’impiété le frappe et l’émeut. Peu à peu, il comprend toute la puissance de l’Art du Caravage, loin des canons de l’époque. Il est saisi d’effroi et de fascination pour des corps si humains, cette chair sensuelle et cette mise en avant des pauvres qui tranche avec la pureté divine des saints et des anges.  

Les deux chronologies se mêlent, se croisent, se rapprochent et parfois se touchent, multipliant les tensions narratives et les points de vue. 

Caravage © Luisa Carcavale

La Rome du XVIIe siècle 

La grande réussite du film (outre la qualité du jeu de ses acteurs - Riccardo SCAMARCIO porte littéralement le film et sa confrontation avec Louis GARREL, seul personnage fictif de l’intrigue, sert de fil rouge au scénario) est la reconstitution méthodique de la Rome du XVIIe siècle ; ses ruelles crasseuses au sol en terre battue et aux maisons étroites, les tavernes malfamées, les églises flamboyantes et les riches palais. Autant d’éléments architecturaux convaincants qui permettent de situer le film et de montrer combien le Caravage a transcendé les différentes couches sociales. Les costumes bénéficient du même soin avec des drapés de brocard lourds pour les plus riches et des trames usées voire des guenilles pour les plus nécessiteux. 

La photographie du film joue d’ailleurs des vraisemblances avec les couleurs des chefs-d'œuvre du maître et les deux se rejoignent régulièrement dans des fondus du meilleur effet. 

Caravage © Luisa Carcavale

L’homme et la légende 

Pour son film, Michel Placido ne livre pas une biographie minutieuse du Caravage mais montre l’homme passionné et entier qui se moquait des dictats esthétiques et religieux de son époque. Bien conscient de son talent et de son pouvoir de fascination, il se permet quelques coups d’éclats qui le mènent en prison ou lui attirent les foudres de la justice, mais il finit toujours par s’en tirer... jusqu’au jour où il commet l’irréparable lors d’un duel. 

Au travers de l’enquête de l’Ombre se dessine déjà la légende noire du Caravage, alors que celui-ci est toujours en vie. L’Ombre, homme de foi peu enclin à l’Art, se laisse pourtant toucher par celui de Caravage dans un jeu de répulsion et de fascination. 

Caravage © Luisa Carcavale

Je dois dire que j’ai été soufflée par ce film qui marie à merveille l’ombre de l’homme tempétueux et la lumière de sa création. Il montre que l’Art est un vecteur puissant qui transcende les conditions sociales et les époques. L’Art du Caravage pouvait toucher aussi bien les pauvres hères qui se reconnaissaient dans la douleur exprimée par les saints que les puissants qui appréciaient l’incandescence charnelle de ses œuvres et leur exécution parfaite. Au milieu d’un art coloré, lumineux et fleuri souvent falot, Caravage a appliqué mieux que nul autre “qu’au Paradis, les derniers [sur Terre] seront les premiers” et que l’Art doit toucher l’âme plutôt que de flatter la rétine par des artifices. Michel Placido signe ici un grand film tant sur le fond que sur la forme et évite l’écueil de la grande leçon d’histoire de l’art qui aurait pu être rébarbative alors qu’ici le film favorise le choc esthétique.  

Caravage © Luisa Carcavale

 

 Caravage / Au cinéma le 28 décembre

    Réalisation : Michele Placido
    Producteurs : Goldentart Production et Rai Cinema
    Cast : Riccardo Scamarcio, Louis Garrel, Isabelle Huppert
    Genre : Drame
    Nationalité : Italie, France
    Durée : 1h58
    Année : 2022

Caravage © Luisa CarcavaleCaravage © Luisa Carcavale
Caravage © Luisa CarcavaleCaravage © Luisa Carcavale
Caravage © Luisa CarcavaleCaravage © Luisa Carcavale
Caravage © Luisa CarcavaleCaravage © Luisa Carcavale

Caravage © Luisa Carcavale

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