Il y a quelques années, quand j’ai visité la ville de Leeuwarden au Nord de la Hollande, j’ai découvert, grâce à mon guide, l’histoire de Titia Bergsma (Leeuwarden, 13 février 1786 –  La Hague, 2 avril 1821), la première femme européenne à avoir approché les côtes japonaises, et qui a fait forte impression sur les nippons de l’époque. 

Attribué à Ishizaki Yūshi (1768–1846), Portrait de la famille Cock Blomhoff, 1817, peinture sur soie, 95.7 cm x 173.3 cm, Rijksmuseum

Biographie de Titia Bergsma

Titia Bergsma, fille de E. H. Bergsma, membre de la Cour suprême de La Haye, épouse en 1815 Jan Cock Blomhoff (Amsterdam, 5 août 1779 – Amersfoort, 15 août 1853) qui a déjà été directeur (Opperhoofd) de la colonie de commerce néerlandaise de Dejima dans la port de Nagasaki.

Peintre japonais anonyme, Petronella Muns et son employeur Jan Cock Blomhoff

En 1816, Jan est nommé une seconde fois à Dejima. Titia Bergsma suit son époux avec leur jeune fils Johannes encore nourrisson (né le 6 mars 1816). Ils sont accompagnés de Petronella Munts (21 janvier 1794 - La Hague – 13 Mai 1842, La Hague), une nourrice hollandaise, et une femme de ménage indonésienne prénommée Marateij. Le voyage vers Dejima a duré près d’un an. Après un tel périple, et alors qu’il est formellement interdit aux femmes européennes de venir à Dejima car les autorités japonaises ne voulaient pas que les neerlandais "fassent souche” sur le sol japonais, les époux bravent l’interdit et obtiennent dans un premier temps l’autorisation pour Titia et Petronella de débarquer sur l’île, le 16 juillet 1817. Cependant, le shogun Tokugawa Ienari (18 novembre 1773 – 22 mars 1841) est rapidement mis au courant de la situation et ordonne le départ des deux femmes après cinq semaines sur l'île. Malgré des tentatives de recours, Titia Bergsma, son jeune fils Johannes et Petronella Muns repartent finalement pour les Pays-Bas le 4 décembre 1817. Ils ont passé ces mois d'attente sur un bateau au large de Dejima. C’était la dernière fois que les époux se voyaient. En effet, Titia Bergsma est décédée en 1821. Jan Cock Blomhoff est resté sur Dejima jusqu’en 1823 où il a fait fortune. Il est décédé le 15 août 1853 à Amersfoort.

Portrait of Titia Bergsma, the First Western Woman in Japan, 1818. Ink and color on silk mounted as hanging scroll, now framed under plexi in a wooden frame, image: 28 1/4 x 16 3/8 in. (71.8 x 41.6 cm). Brooklyn Museum, Brooklyn Museum Collection, 11.599 (Photo: Brooklyn Museum, 11.599_acetate_bw.jpg)

Influence sur l’art japonais

La présence des deux femmes européennes attise la curiosité des japonais et surtout des artistes qui guettent leurs sorties en public et auraient réalisé près de 500 dessins, peintures et croquis les représentant. Sur les portraits, Titia est souvent reconnaissable  à ses cheveux clairs bouclés, son collier de corail rouge et ses vêtements typiquement occidentaux. Sur les nombreuses céramiques à son effigie, la représentation de ses yeux est relativement étrange pour des observateurs modernes. Les peintures les plus réalistes des deux femmes sont l'œuvre de Kawahara Keiga, apprécié pour son style de peinture unique et précis, mélangeant les styles orientaux et occidentaux. Les artistes se plaisaient à représenter Titia dans ses activités quotidiennes, le plus souvent en compagnie de son jeune fils. 

Titia Bergsma: eerste westerse vrouw in Japan Fles met Titia Bergsma. Arita, Japan, circa 1850 porselein h. 29,5 cm. Bruikleen Ottema-Kingma Stichting

Des rapports d’observateurs destinés au gouvernement d'Edo permettent de connaître l’impression provoquée par les deux femmes sur les japonais de l’époque, en particulier une beauté singulière et une poitrine opulente, une partie de leurs activités quotidiennes et aussi sur les gestes d’affection du couple Blomhoff qui marchait main dans la main à travers l'île, tandis que les femmes japonaises marchaient toujours quelques pas derrière leur époux. Titia et, dans une bien moindre mesure, Petronella ont fait si forte impression sur les habitants de Nagasaki qu’elles sont, encore aujourd’hui, toujours représentées sur différents supports et ont durablement marqué l'imaginaire japonais concernant les femmes occidentales.

Isaac Titsingh, Plan de Dejima à Nagasaki, entre 1824 et 1825, Koninklijke Bibliotheek

Quand j'ai visité Dejima en 2018, j'ai eu une pensée pour Titia et Petronella, même si aucune trace n'évoque leur passage sur l'île. Si cette histoire est peu connue en France, c'est avec une certaine fierté que mon guide m'en a parlé. Hélas ne parlant pas le Néerlandais, je ne peux pas vous en dire plus. J'ai confronté mes souvenirs à la page Wikipédia qui lui est consacrée, en particulier pour les dates et les noms exacts.

Bibliographie : 

  • Jolien C. Hemmes - Brieven uit Deshima, met het originele verslag van de reis van Jan Cock Blomhoff en Titia Bergsma met hun zoontje, in 1821 geschreven door de vader van Titia. Vivi Techni, 2017, 2021 2e druk ISBNnr: 9789090349473 - NUR: 691, www.brievenuitdeshima.nl
  • René P. Bersma. (2003) Titia: de eerste westerse vrouw in Japan. ISBN 9090173498
  • Jan Cock Blomhoff (1779 - 1853); van Deshima naar Amersfoort. In: Flehite 1983 (XV), nr. 1, p. 10
  • Mededeling in "Kroniek" betreffende de ruiming van het graf van Jan Cock Blomhoff. in: Flehite 1979 (XI), nr. 1, p. 10
  • Flonk, Albert - Decima, het venster naar het Westen. In: Flehite 1976 (VIII) nr. 1, p. 8 - 15
  • R. P. Bersma, Titia. The first Western Woman in Japan (Amsterdam 2002)
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