Le musée Unterlinden de Colmar présente l’exposition Au nom du Père de l’artiste Yan Pei-Ming jusqu’au 6 septembre 2021
14 avr. 2021Le musée Unterlinden de Colmar, célèbre pour son triptyque médiéval, accueille du 2 avril au 6 septembre Au nom du Père, une exposition monographique et intime de l'artiste franco-chinois Yan Pei-Ming autour d'une soixantaine d’œuvres allant de la fin des années 1970 à aujourd'hui.
Un artiste aux multiples facettes
Yan Pei-Ming est un artiste mondialement connu. Il a notamment été exposé au Musée du Louvre en 2009, mais nombreuses sont les facettes de son travail qui restent méconnues de la critique et du grand public.
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Aussi, Au nom du Père propose de découvrir des œuvres de jeunesse encore jamais présentées et datant de ses années d'études à Shanghai ainsi que ses travaux les plus récents.
Les premières œuvres sont des portraits et autoportraits d'un grand réalisme et d’une expressivité frappante qui tranchent avec ses productions monumentales postérieures. L’on y découvre ses recherches picturales et son goût du détail.
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Rapidement, l'on arrive à la section consacrée à Mao et à ses portraits de grands formats qui ont fait dire à la critique que Yan Pei-Ming était un artiste de propagande. De son côté, l'artiste affirme avoir choisi la figure du père du peuple tant elle était répandue dans tous les lieux de Chine et facilement identifiable par tous. Là encore, les portraits monumentaux de Mao sont des terrains de recherches : couleurs, découpage, calligraphie. En effet, Yan Pei-Ming peint directement sur la toile, sans esquisse et très peu de croquis qui bien souvent s’éloignent du résultat final. Petit à petit, aux portraits du grand leader se mêlent, sur un même plan, des portraits du père de l’artiste et d’inconnus. Tous sont traités à la même échelle et suivant la même technique, sans aucune hiérarchie ni complaisance.
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A la figure du grand timonier succède celle, plus intime, du père de Yan Pei-Ming à qui l’artiste a consacré une série de portraits d’expressions tel L’homme le plus perspicace, père de l’artiste. Yan Pei-Ming souhaite y montrer l’altérité des sentiments envers son père, du petit garçon qu’il était, puis de l’adolescent et enfin de l’homme, lui-même devenu père. Le père, figure centrale d’une culture empreinte de confucianisme, apparaît également sur des doubles portraits avec l’artiste, offrant un dialogue empreint d’une douce émotion.
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Après le politique et l’intime, l’on arrive au spirituel avec les représentations de Bouddha qu’il peignait pour son entourage, et plus particulièrement pour sa mère qui était très pieuse. Tour à tour souriantes, sereines ou courroucées, les figures de Bouddha, en nuances de gris émergeant d’un fond sombre, tranchent avec ses représentations habituelles.
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Un dialogue entre art contemporain, religion et histoire
Le musée d’Unterlinden, dont les collections couvrent plus de 7000 ans d'histoire, est particulièrement connu pour son chef-d'œuvre : le Retable d’Issenheim datant du tout début du XVIe siècle et retraçant des scènes de la vie du Christ et de saint Antoine. Il a été peint au moment des grandes épidémies d'ergotisme ou feu de saint Antoine. C’est au regard de cette œuvre monumentale et majestueuse (la médiéviste en moi vibre) que Yan Pei-Ming a conçu, pendant le second confinement, son tableau Pandémie. Il s’agit d’un diptyque mesurant 400 x 560 cm faisant écho à la situation sanitaire mondiale. L’on y voit au premier plan, en tenue de protection intégrale et dans une attitude de recueillement face à un sac mortuaire, l’artiste lui-même. Au second plan, quelques figures fantomatiques, elles aussi en tenue de protection intégrale, sont affairées à enterrer les victimes du virus dans un environnement désolé. A l'arrière-plan, des constructions se détachent sous un clair de lune, dont Saint Pierre de Rome telle une lueur d'espoir. A la fois arrêt sur image de notre époque et métonymie de la situation mondiale, l’artiste souhaite que cette œuvre frappante rappelle dans 20 ou 50 ans ce qui s’est passé. Après l’exposition, ce tableau ira dans la collection personnelle de l’artiste qui ne souhaite pas le vendre, refusant de “faire de l’argent sur le dos des personnes qui sont mortes”.
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Dans la même salle se trouve Nom d'un chien, un jour parfait. Un triptyque mesurant également 4 mètres de haut où l’artiste, représenté en pied dans trois attitudes christiques, se détache d’un fond abstrait. Cette peinture réalisée pour la chapelle de l'oratoire de Nantes évoque le renoncement, la force, l'élévation face à la crucifixion.
Dans la pièce précédente, quatre toiles de grandes dimensions représentent l’artiste à différents âges de la vie : enfant, adolescent, adulte et sous forme de crâne. Cet ensemble reprend la tradition médiévale très occidentale du Memento Mori et rappelle à l’Homme qu’il n’est que de passage sur Terre. Yan Pei-Ming montre ainsi sa parfaite assimilation des codes de l’art Occidental acquis lors de ses années d’études à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Dijon.
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Bien entendu, un catalogue d’exposition de 192 pages accompagne cet événement. Publié aux éditions Hazan, il propose des entretiens avec l’artiste et analyse le regard que Yan Pei-Ming porte sur lui-même et sur sa création, tout en évoquant son évolution stylistique et sa place dans l’histoire de l’art. Richement illustré, il constitue un excellent complément à la présentation muséale.
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Ainsi, l’exposition Au nom du Père illustre le cheminement créatif de Yan Pei-Ming entre différentes thématiques, de ses années de recherches pendant ses études à la maturité artistique. L’on y retrouve des thèmes qui lui sont chers, en particulier la famille (un portrait de sa grand-mère, un portrait de sa mère, plusieurs portraits de son père) mais également les éléments qui le touchent, comme les villes en ruines ou la pandémie actuelle. Les dimensions spectaculaires de ses toiles et leur palette chromatique très réduite (camaïeux de gris, voire de rouge ou de bleu) ne peuvent que frapper celui ou celle qui les contemple. C’est une expérience artistique et sensuelle qui attend ceux qui auront la chance de voir cette exposition puisque l’on ressent un sentiment d’humilité et presque une sensation d’aspiration dans la toile.