Situé à 15 minutes à pied de la jolie gare de Colmar, le non moins ravissant musée Unterlinden vous propose un voyage au travers de 7000 ans d’histoire, avec un remarquable passage par le Moyen Âge et le début de la Renaissance. Ouvert en 1853, il est géré par la Société Schongauer (une association) et a accueilli en 2019 pas moins de 186 167 visiteurs.

Un bâtiment chargé d’histoire

Les collections les plus anciennes sont conservées dans un ancien couvent de dominicaines datant du XIIIe siècle. Après le départ des nonnes en 1789, le bâtiment a plusieurs utilisations puis devient une caserne jusqu'au milieu du XIXe siècle. Cependant, menaçant ruine, il risque d’être démoli. Mais les événements se précipitent au milieu du XIXe siècle pour créer le musée après la découverte d’une rare mosaïque gallo-romaine (rare pour la région, car nous sommes alors dans les marches de l’empire romain, il y a donc peu de villas et surtout des casernes). En 1852, les œuvres saisies dans la région lors de la Révolution sont également transférées dans l’ancien couvent. L’on peut toujours admirer le beau cloître médiéval où se trouvent deux puits et de nombreuses fleurs. Cette partie du musée accueille l’art médiéval, et en particulier les peintures, retables et sculptures en bois.

Dans les années 1973-1974, de nouvelles salles d’expositions sont créées ex-nihilo en sous-sol. Le couvent ne dispose en effet ni de cave, ni de fondations. Y sont regroupées des œuvres de la pré-Renaissance et de la Renaissance, mais également de grandes sculptures gothiques et un peu de matériel archéologique d’époque mérovingienne.

La Piscine. Copyright Peter Mikolas

En 2003, les anciens bains municipaux de style art-déco (à l’intérieur) sont affectés au musée après rénovation. Des traces du passé aquatique de la salle sont toujours visibles si l’on y prête attention. Les bains accueillent, entre autres, la restauration et une salle dédiée aux événements du musée.

Nouvelle aile du musée Unterlinden. Copyright Peter Mikolas

En 2006, de vastes travaux de rénovation sont entrepris sous la conduite de Richard Duplat (architecte en chef des monuments historiques) sur les bâtiments anciens avant de débuter les travaux de construction de la nouvelle aile par le cabinet Herzog & de Meuron. Inaugurée en 2015, l’architecture du nouveau bâtiment répond à celle de la chapelle médiévale avec un haut faîtage, mais tout en conservant son aspect résolument moderne. Ce sont les collections contemporaines qui y sont exposées. Le Musée Unterlinden, tout en conservant les traces de son passé conventuel, forme aujourd’hui un ensemble urbain rénové à même d’exposer au mieux ses riches collections et d’accueillir de nombreux visiteurs.

De riches collections

A la fois musée d’archéologie et musée d’histoire, le musée Unterlinden (sous les Tilleuls) possède des collections s’étendant sur plus de 7000 ans. La salle d’archéologie dont la scénographie a été récemment rénovée dispose maintenant de bornes tactiles accessibles aux personnes non voyantes. Non loin de la mosaïque gallo-romaine se trouve la “cave alsacienne" avec ses véritables fûts qui témoignent de la florissante activité viticole de la région. Elle dégage encore une odeur de vin liquoreux lorsque la porte s’ouvre.

La collection médiévale est composée de nombreux retables de Caspar Isenmann, de Martin Schongauer le fameux retable d’Issenheim sur lequel nous reviendrons plus tard. L’on trouve également des vitraux, de la sculpture sur bois (certaines œuvres ont été exposées au Musée de Cluny pour l’exposition consacrée à la sculpture Souabe il y a quelques années) et en pierre ainsi que quelques pièces mérovingiennes composées de bijoux, fibules et verroterie qui occupent deux vitrines. Elle se déploie par ordre chronologique dans les salles autour du cloître et dans une partie du sous-sol.

Les œuvres de la Renaissance ne sont pas en reste avec Portrait de femme (vers 1510, huile sur bois) de Hans Holbein l'Ancien et La Mélancolie (1532, huile sur bois) de Lucas Cranach l'Ancien. Dans cette salle on remarque d'ailleurs une nature morte d’une grande modernité. En effet, bien qu’il s’agisse clairement d’une armoire de médecin, il n’y a aucune portée morale ou symbolique, ce qui est resté longtemps la norme (voir mes articles consacrés à La Marchande de fruits et de légumes de Louise Moillon ou La Brioche de Chardin)

Scénographie Musée Unterlinden. Copyright Peter Mikolas

La collection contemporaine, en particulier pour les XIXe et XXe siècles, présente du Renoir, du Monet, du Delaunay, du Soutine, du Bonnard, du Schuler. N'ayant que traversé ces salles lors de ma visite de l’exposition consacrée à Yan Pei-Ming je ne peux malheureusement en dire plus. Une seconde visite s’impose donc pour mon plus grand plaisir. Cependant, j’ai eu tout le loisir d’admirer le fameux retable d’Issenheim.

Le Retable d’Issenheim

Grünewald et Nicolas de Haguenau, Vue du Retable d’Issenheim, 1512-1516, Musée Unterlinden, Colmar Photo : Ruedi Walti Grünewald, Retable d'Issenheim, Crucifixion, 1512 - 1516, technique mixte (tempera et huile) sur panneaux de tilleul, Musée Unterlinden, Colmar

Le Retable d’Issenheim a été peint par Grünewald et sculpté par Nicolas de Haguenau entre 1512 et 1516 pour une commanderie des Antonins. Il retrace des scènes de la vie du Christ et de saint Antoine. Lors de sa création, de grandes épidémies d'ergotisme ou feu de saint Antoine (ou mal des ardents) ravagent la région et les fidèles se pressent pour implorer le saint de les soigner eux et leurs proches. On sait maintenant que cette maladie est causée par un champignon parasite de seigle.

Le Retable d'Issenheim Fermé © Musée Unterlinden, Colmar
Le Retable d'Issenheim 1ere ouverture © Musée Unterlinden, Colmar
Le Retable d'Issenheim 2eme ouverture © Musée Unterlinden, Colmar

Ce grand polyptyque composé d’une prédelle et de quatre panneaux peints rassemblés en doubles volets renferme des sculptures en bois. Lorsque le retable est fermé pour les jours ordinaires, il présente la Crucifixion entourée de saint Sébastien et de saint Antoine Abbé. Sur la prédelle se trouve la déposition. Lorsque les premiers volets sont ouverts, l’on retrouve un ensemble pictural plus coloré et joyeux : l’Annonciation, le concert des anges, la Nativité et la Résurrection. La restauration de ces panneaux a permis de retrouver sous les anciens vernis jaunis des nuances de couleurs ravissantes et certains détails des décors. Enfin, lors de l’ouverture de tous les panneaux et du retrait de la prédelle peinte, le retable honore saint Antoine tant en peinture (la tentation de saint Antoine et la visite de saint Antoine à saint Paul) qu’en sculpture avec un saint Antoine trônant au centre du retable entouré de saint- Augustin et de saint Jérôme. La prédelle sculptée représente le Christ entouré des 12 apôtres. Le retable est en cours de restauration in situ et retrouvera bientôt tout son lustre originel.
 
Le musée Unterlinden de Colmar, tant par son architecture que par l’étendue, la qualité et la diversité de ses collections mérite donc une visite dès qu’il sera de nouveau possible de s’y rendre.

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