Après deux jeux fort remarqués, le drôle et mignon Squids Odyssey et surtout l’exubérant Furi acclamé par les joueurs et la critique, le studio indépendant The Game Bakers, basé à Montpellier, a pour ambition, avec Haven, d’offrir aux joueurs une expérience hors des sentiers battus dans laquelle la relation amoureuse des deux principaux protagonistes est placée au centre de l’intrigue.

Haven est un jeu indépendant aux multiples inspirations. Fortement narratif, il y incorpore des éléments de RPG, de rythm game et d’exploration extatique de type Flower. Il propose aux joueurs de s’évader avec celui ou celle qui fait battre son cœur dans un vaisseau spatial pour vivre une aventure loin de toute civilisation sur une planète inconnue. Avec son univers aussi planant que dépaysant, ce jeu est une découverte non seulement de la relation amoureuse qui unit les deux jeunes protagonistes, mais également d’un environnement onirique et coloré mais nimbé de mystère.

Testé sur PC

Yu et Kai se sont enfuis de leur planète d’origine pour échapper à un système dirigiste qui choisit, entre autres, le partenaire idéal à la place des individus (un petit côté La Nuit des temps de Barjavel ou Le passeur de Lois Lowry). Arrivés par hasard sur une planète dont ils ignorent tout, ils vont devoir apprendre la vie de jeune couple en autarcie complète mais également explorer leur environnement pour survivre loin de toute civilisation et résoudre l’énigme entourant les ruines et la rouille. L’exploration de la planète va embellir ou détruire leur relation tandis que leur passé peut les rattraper à tout moment…

Gameplay

Le gameplay est axé, comme bon nombre de jeux vidéo, sur plusieurs éléments : la narration, l’exploration, les combats, le développement des objets et de la relation des personnages. Mais là où Haven tire son épingle du jeu c'est sa qualité d’écriture, son innovation afin de proposer un gameplay accessible pour les casuals gamers tout en essayant de ne pas paraître trop facile pour les joueurs chevronnés, le tout dans une ambiance dépaysante qui décuple l’intérêt du jeu.

La narration au centre du jeu

Le gros point fort du jeu réside dans la découverte de la relation entre Yu et Kai. Très peu de jeux vont aussi loin dans la narration et le développement de leurs personnages ou peuvent se targuer de réussir à transmettre avec autant de justesse et de maturité une relation amoureuse. Pour faire une analogie parlante, on peut comparer cette qualité narrative à la série Persona sans aucun souci. Loin d'être une simple copie de Roméo et Juliette, l’histoire de Yu et Kai actualise cette histoire universelle de deux jeunes gens épris l’un de l’autre mais séparés par la société et les conventions. Les personnages se livrent entièrement au joueur sur leur histoire, leurs états d’âme, leurs doutes et leurs espoirs. Les dialogues sont nombreux, profonds et permettent une immersion très rapide dans ce rôle ambivalent de troisième personne aux côtés de ce couple plein de charme. Les jours qui passent, le quotidien sur la planète vécu au travers de ces séquences narratives tels les phases de cuisine, les repas partagés, mais également les discussions et les améliorations de l’équipement ... tout cela procure au joueur une expérience vidéo ludique, immersive et interactive tout à fait exemplaire qui permet de s’attacher aux deux héros.

Système de déplacement

De la même manière que Flower, la découverte de la planète constituée de centaines d’îlots se fait par le moyen du vol, ce qui fournit au gameplay un sentiment de liberté et de plénitude assez bluffant. Pour voyager d’un îlot à l’autre, les personnages doivent utiliser de grands courants d’ondes bleu qui relient tous les îlots entre eux. Pour glisser au ras du sol, Yu et Kai ont besoin de l’énergie d’ondes qu’ils récupèrent ci et là dans les niveaux. Certains courants d’ondes leur permettent littéralement de voler en suivant le chemin qu'ils tracent. Très souvent, ces courants sont à suivre car ils facilitent l’exploration des îlots. Une fois sur un courant d’onde, les personnages se chargent en énergie et peuvent voler plus vite pour échapper aux ennemis ou encore utiliser le flowburst (onde de choc) pour assommer ces derniers, enlever la rouille qui pollue le paysage ou encore ouvrir des portes.

Ce système d’exploration apporte au jeu une certaine légèreté qui permet au joueur de choisir entre des moments d’exploration, de contemplation ou de nettoyage de rouille. En effet, les îlots regorgent d’une sorte de pollution rouge qui affecte les animaux ainsi que la flore. Les personnages peuvent la nettoyer en volant dessus. Ces nettoyages ne sont pas obligatoires, mais pas mal d’éléments clés dépendent d’eux, au joueur de choisir ce qui est le plus important pour lui.

La maniabilité des personnages est somme toute très classique et fonctionne plutôt bien. Par contre, la caméra est une vraie plaie qui vous donnera la migraine si vous changez de sens dans votre vol trop rapidement ou si vous vous retrouvez dans un endroit trop exigu. Le système de demi-tour rapide proposé par les développeurs est pratique mais à ne pas renouveler trop souvent sous peine de devenir une ode au mal de crâne car le jeu bouge beaucoup et dans tous les sens. Si vous avez des spectateurs, ils arrêteront très vite de vous regarder jouer ; qui ne connaît pas le syndrome Quake Arena ou Ace Combat.

Système de récoltes / de compétences

Durant les phases d’exploration des îlots, le joueur peut récolter de la rouille sous trois formes de raffinement différent, mais également des baies servant à la cuisine et des baies pour la guérison. Tous ces objets peuvent ensuite être utilisés afin de tout simplement se nourrir, se guérir ou confectionner des objets utiles pour l’exploration ou les combats. Pour cela, les personnages ont à leur disposition dans leur vaisseau plusieurs éléments leur offrant la possibilité de cuisiner les différents ingrédients qu’ils ont trouvés (un peu à la manière de Zelda BOTW), de synthétiser des médicaments, de fabriquer des objets de défense et d’attaque…

Le système de compétence est, quant à lui, ingénieusement dissimulé au sein du niveau d’accomplissement et de complicité du couple. À la fin des combats, des dialogues principaux ou secondaires, ou tout simplement d’activités en couple, le niveau de complicité augmente. Par contre, le jeu ne vous explique pas ce qu’il faut faire une fois le niveau rempli… Je préfère vous laisser la surprise de découvrir cet aspect et ce qui se passe ensuite pour le couple.

Système de combat

Le système de combat est très original et particulièrement adapté pour un jeu qui veut plaire au plus grand nombre. En effet, il peut être comparable à celui d’un rhythm game dans le sens où chaque action correspond à un bouton ou une direction. Deux boutons pour les attaques au corps à corps ou à distance, un bouton pour se protéger et un bouton pour purifier. Il sera également possible d’utiliser des objets en plein combat en combinant les touches d’une certaine manière. Une bonne synchronisation des personnages est également recommandée pour des attaques plus efficaces. 
Dans la pratique, ce système épuré et intuitif est plutôt convaincant. On s’amuse rapidement dans les combats dont la difficulté est savamment dosée. Pourtant, pour beaucoup de gamers aguerris, un manque de profondeur pourra se faire sentir à la longue, voire une certaine monotonie tant le système a été simplifié. Effectivement comparé à un système type Xenoblade Chronicle 2, les développeurs ont préféré laisser de côté cette partie du gameplay. 
Il est à noter que le mode deux joueurs en local est un plus indéniable qu’il faut découvrir si vous en avez la possibilité. C’est une opportunité pour les couples de s’amuser ensemble même si l’un des deux est un casual gamer. Il est clair que le jeu en devient encore plus prenant et justifie alors pleinement la simplicité du système de combat dans lequel la synchronisation des actions est primordiale.
Il est très important de préciser que, contrairement à beaucoup de jeux, dans Haven on ne tue pas les ennemis. Au contraire, on les purifie en les aidant à se débarrasser de la rouille qui les rend agressifs. Les premiers ennemis se présentent sous la forme d’animaux qui peuplent les îlots emplis de rouille que vous devez nettoyer. Forcément, ils s’imprègnent de cette rouille et certains vous attaquent dès qu’ils vous voient. Enfin, d'autres ennemis feront leur apparition tout au long du jeu…

Du point de vue du gameplay, Haven est à considérer comme un chill RPG, c’est-à-dire un RPG plus doux et plus accessible. Ce choix se marie très bien à l’ambiance magique de SF et de fantaisie que le jeu propose. Loin des stéréotypes RPG (japonais ou occidental) ou de jeux narratifs, Haven ouvre la voie à un genre plus enclin à plaire à un nouveau public plutôt que de satisfaire à 100% les gamers.

Graphisme

La direction artistique est visuellement sympathique. Le style est très Frenchy, mais dans l’ensemble, il y a un manque de variété dans les visuels qui restent au final très typés jeu indépendant. Ainsi, après la découverte plutôt plaisante de la direction artistique durant les premières heures de jeu, votre œil vous dira : techniquement peut mieux faire. Il est dommage qu’il n’y ait pas eu la moindre once d’évolution graphique depuis Furi.

Certes, Haven est un jeu indépendant, mais au vu des qualités substantielles que propose son moteur Unity, on aurait espéré un petit peu plus de variété et de finesse de ce côté-là. 
L’on retrouve ainsi un rendu stéréotypé très similaire à d'autres productions réalisées sous Unity dans la modélisation des personnages, des décors et pour les mouvements de caméra. Sans parler des bugs de collision omniprésents, ce qui est très dommage, même pour un jeu indépendant car ils ont pour effet de sortir le joueur de son immersion dans le jeu !
L’on aurait apprécié une meilleure optimisation du moteur de jeu qui s’avère relativement gourmand en ressources alors que l’affichage des niveaux contient des aires fermées, réalisées en cel shading de manière relativement sommaire (beaucoup d’herbe, quelques plantes, un peu d’eau, des courants d’onde), contenant des modèles de personnages ou d’animaux mignons mais peu variés ni très nombreux. Finalement, le graphisme après un effet whoa mignon et coloré s’avère être la petite déception du jeu par sa simplicité et son manque de variété. 

Durée de vie

Le jeu est plutôt facile, il peut être expérimenté seul. Comptez alors environ 10h en fonçant jusqu’à 16-17h en explorant tous les niveaux à fond. Il y a un coup de main à prendre pour maîtriser certains mouvements et il faut parfois chercher un peu dans les menus pour réaliser des actions. Passées les premières minutes avec le didacticiel de base, le jeu ne donne plus beaucoup d’indications de ce côté là. 
La possibilité de jouer à deux est un plus indéniable. 
Autre aspect important du jeu, vous pouvez y consacrer de courtes sessions pour faire avancer l’intrigue ou de longues sessions dans lesquelles vous passez votre temps à flâner, rêver, contempler, nettoyer la rouille ...un vrai bon point, le joueur est vraiment libre ! 

Environnement sonore

S’il y a un autre point sur lequel Haven se démarque de ses concurrents, c’est sans doute le doublage de tous les dialogues. Quand ce doublage est en plus d’une excellente qualité, cela accentue l’immersion dans le jeu. Le joueur a littéralement l’impression de vivre aux côtés de Yu et Kai tant la performance des acteurs est juste. Un gros coup de cœur pour cette prestation qui ancre la narration du jeu à un niveau rarement atteint.

Par contre, la musique est à contre-courant de la qualité des doublages. Les compositions typées électros, synthwave collent certes bien à l’ambiance générale, mais elles ne sont pas assez nombreuses et variées… ce qui a pour conséquence de les rendre répétitives… si bien que, soit on n’y prête plus attention, soit on baisse le son des musiques, un autre point noir qui entache l’immersion chère au développeur, alors que la musique a été réalisée par de grands noms de l'électro...

Vous l’aurez compris, Haven est un titre envoûtant qui cultive l’aspect sentimental et planant de sa narration. Il aborde avec justesse et maturité les relations amoureuses dans un chill RPG à l’univers mêlant habilement fantaisie et SF. Loin d’un récit sucré, Haven est une fable humaniste dans laquelle les protagonistes plongent à vos côtés sans aucune retenue. Si le système de combats simplifiés ne plaira pas à tout le monde (surtout aux hardcore gamers), ce sont principalement la technique sans ambition et les musiques répétitives qui font perdre quelques points au jeu. Haven reste prenant et particulièrement bien écrit. Il s’agit d’un ovni à découvrir d’urgence à l’image de Furi, mais avec la douceur acidulée et la délicatesse d’une pomme d’amour.

Originalité/Innovation : 9
Gameplay/Jouabilité : 6
Graphimes/Bande son : 5
Durée de vie/Prix : 8
Note : 70/100

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