Alors que le milieu du tourisme est en plein questionnement sur l’avenir du secteur depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid-19, je me suis remémorée les différentes initiatives touristiques développées par les mairies et préfectures japonaises que j’ai repérées lors de mes voyages. 
J’ai sélectionné les initiatives les plus originales qui misent sur un usage de la pop culture pour mettre en valeur le patrimoine et l’histoire locale.  

Seibu Railway Original Animation Chichibu de Buchichi 

A mon sens, la campagne en faveur du tourisme local la plus originale. Le mini-film  d’animation Chichibu de Buchichi a été réalisé par le célèbre studio d'animation TMS Entertainment (Dr. Stone, Fruit Basket nouvelle série, Détective Conan, Baki, etc.) et diffusé à partir du 13 mai 2018 en streaming. Le projet Chichibu de Buchichi a été réalisé conjointement par la société ferroviaire japonaise Seibu Railway et la région de Chichibu située dans la préfecture de Saitama au Japon. Ce court métrage de 25 minutes 43 secondes propose des sous-titres en anglais, chinois et français. 

Chichibu de Buchichi (j’adore le nom) suit le voyage de Kaoruko, une jeune femme qui décide de retourner à Chichibu pour y retrouver un amour de jeunesse. Elle prend donc le train et chaque station de la ville, chaque paysage lui remémorent des souvenirs. La trame romantique convenue, l’humour très japonais et le côté touristique ont été bien accueillis par les spectateurs. 

Kotona Taesone

Toujours dans la préfecture de Saitama, la ville de Gyoda (que j’affectionne particulièrement) a développé un jeu vidéo mobile de type RPG à l’ancienne nommé Kotona Taesone (disponible sur android et IOS). Gyoda est l’une des plus anciennes villes de la préfecture et est souvent présentée comme le berceau de sa culture. Elle regorge de monuments, parcs et musées. L’année est également ponctuée par quatre grands festivals.


Afin de faire découvrir les charmes et l’histoire de la ville, le gouvernement local (la mairie), soutenu par plusieurs entreprises de la ville, a commandé la création d’un jeu sur mobile. Celui-ci raconte l’histoire de plusieurs personnages dont Kaihime, qui a vraiment existé, qui traversent la ville en tous sens, présentant son histoire et ses monuments de manière scénarisée. Il est également possible de se géolocaliser pour découvrir les attractions les plus proches (17 au total) présentées par les personnages du jeu. Enfin, en accomplissant des quêtes dans le jeu, vous débloquez des réductions dans certains magasins et cafés de la ville, une autre manière de dynamiser le commerce local.


Il existe aussi une version “City Tour Course”, qui présente les points d’intérêt de la ville sans jouer au jeu.
Initialement uniquement en japonais, le jeu est aujourd’hui intégralement traduit en anglais. Il s’agit d’une bonne alternative de visite car, en 2018, la grande majorité des indications était uniquement en japonais. 
Le jeu gratuit et sans publicité est bien noté sur le google store. La dernière mise à jour date d’avril 2020. 

 

Parcours Ghost in the Shell à Kobe 

Si l’oeuvre originale de Masamune Shirow se déroule dans une ville portuaire future et imaginaire, le long métrage Ghost in the Shell : Shin Gekijoban (Ghost in the Shell: The New Movie) réalisé par Kazuya Nomura et sorti en 2015 prend place dans un Kobe futuriste. 
Profitant de cette aubaine, la mairie de Kobe et les promoteurs du film se sont associés afin de concevoir un parcours touristique de la dizaine de lieux représentés dans le film via une application lancée en 2015 mais qui ne semble plus en ligne actuellement. Il s’agissait de scanner, à l’aide de son mobile, un lieu réel et de voir sa version animée superposée. 

Cette pratique se développe peu à peu et plusieurs villes ou régions s’appuient sur des films d’animation ou des séries animées à succès pour faire la promotion de leurs lieux remarquables. Certains fans proposent même des parcours (dans des articles) pour découvrir sur place les lieux importants ou anodins qui ont inspiré les décors de telle ou telle production, comme c’est le cas pour Your Name de Makoto Shinkai sorti fin 2016 en France et dont on peut s’amuser à retrouver les décors à Tokyo et dans la petite ville de Furukawa située dans la préfecture de Gifu.

Les mascottes locales, le cas Kumamon 

S’il y a bien un phénomène auquel on ne peut pas échapper lorsque l’on visite le Japon, ce sont les mascottes (Yurukyara ou yuru-chara). Elles sont partout ! Chaque ville a la sienne, et souvent les diverses institutions de la ville en ont également, ce sont les Gotōjikyara ou mascottes locales. Certaines entreprises en ont une également. Ces mascottes, inspirées par un monument, une plante, un personnage historique, un yokai (esprit typiquement japonais) sont très variées et représentatives. On les trouve sur tous les différents supports de communication des institutions ou firmes (affiches, spots TV, émissions de variété, festivals, etc.). Elles font partie intégrante de la communication en lui apportant un côté kawaii. 

Chaque année, un concours national est organisé afin d’élire la mascotte (locale) préférée des japonais. Elle devient alors connue au niveau national et offre une belle exposition médiatique à sa ville d’origine. L’une des mascottes les plus connues, même hors de l’archipel nippon, est Kumamon, un ours (Kuma) noir représentant la ville de Kumamoto, il a même fait une apparition au Mont Saint-Michel en 2017 attisant la curiosité des chaînes locales d’informations françaises et japonaises. Je rappelle au passage que le Mont Saint-Michel et l’île de Miyajima sont jumelées depuis une dizaine d’années, assurant à la merveille une belle visibilité au Japon. 
Né en 2010 à l’occasion de la mise en service de la ligne Kyushu-Shinkansen, dès 2011 il a été élu meilleur yuru-chara et a engendré 11,8 milliards de yens de revenus de merchandising pour la première moitié de 2012, soit au cours actuel du yen 93 668 400,00 d’euros (ça laisse rêveur). En 2016, suite au tremblement de terre qui a causé l’effondrement du château de Kumamoto, une grande campagne nationale menée par Kumamon a permis de récolter des fonds pour sa reconstruction menée tambours battants suivant les normes antisismiques. 

Avant tout destinées à dynamiser le tourisme intérieur, ces différentes initiatives sont le résultat de différentes synergies et d’une volonté d'innovation. Surfant sur la politique du cool Japan mise en place depuis le début des années 2000 et faisant du Japon une superpuissance culturelle, les différentes initiatives présentées précédemment se sont également adaptées aux touristes étrangers, en particuliers occidentaux. Entre maîtrise des clichés et politique culturelle volontariste, le Japon est, selon les sources de 2018, la 16e destination touristique mondiale et la 5e en Asie malgré le coût élevé sur place pour les touristes, en particulier pour le logement. Un exemple inspirant dans un secteur en crise, mais qui montre bien que les initiatives locales doivent être portées par une politique nationale d’investissement. La France a tout le potentiel pour faire rêver le monde, mais également “réenchanter” les français eux-mêmes. 

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