Les Enfants de Gorre tome 1 : l’Ombre du père
24 juil. 2020La toute jeune maison d’édition Mahô inaugure son catalogue avec le premier tome du roman Les Enfants de Gorre de Sylvain Ferrieu, illustré par Navigavi. Le récit prenant et mouvementé d’une famille de la petite noblesse galloise dans la jeune Bretagne d'Uther Pendragon.
Wilfrid Fenrys est de retour dans la seigneurie familiale après plusieurs années d’absence. Fils aîné du seigneur forestier dont le simple nom fait frémir les plus courageux, il avait été envoyé par son suzerain en Petite Bretagne pour suivre une formation de digne chevalier.
Après toutes ces années d’absence, le retour dans ces terres hostiles, dans une famille dysfonctionnelle recroquevillée autour d’un père aujourd’hui dans un état végétatif lui cause le plus grand des tourments. Lui qui a tout à prouver, tant à sa famille qu’aux autres seigneurs, espère bien briller au tournoi royal pour s’imposer aux yeux de tous en digne successeur. Hélas, si l’on peut espérer choisir sa voie, on ne choisit pas sa famille et Wilfrid va très vite le comprendre à ses dépens…
Réunir le Clan ….
Bien conscient de la fragilité de sa famille depuis l’accident qui a rendu son père impotent, Wilfrid est bien décidé à renforcer les liens familiaux. Fils unique issu d’un premier mariage, sa belle mère, Dame Marianne, est certes affable mais peu chaleureuse, pour ne pas dire querelleuse. Aussi, sa situation d’héritier présomptif de la seigneurie est également inconfortable au sein de son clan.
Cependant, Wilfrid éprouve un certain attachement à ses petits frères et sœurs. Aussi, c’est avec une certaine consternation qu'il voit que tout est parti à vau-l'eau malgré les remontrances et sermons de la très chrétienne Dame Marianne. C’est un garçon réfléchi et courageux, mais qui peine parfois à s’imposer ou à prendre des décisions rapides. Il a aussi un côté sombre lié à son passé et à sa fierté d’héritier.
Gunnolf est une tête brûlée qui ne rêve que de combats et surtout n’écoute que ses désirs, se croyant toujours plus malin que les autres, ce qui lui attire, ainsi qu’à son grand frère, un certain nombre de problèmes.
Fanegan, le second demi-frère de Wilfrid et jumeau de Gunnolf et totalement lunaire. Il n’a aucune conscience de mettre systématiquement les pieds dans le plat et s’attire régulièrement l’ire de son entourage, et plus particulièrement de sa mère qui le croit fou.
Sophie, la seule fille de la fratrie, est une dévergondée capricieuse qui entache chaque jour davantage la réputation de sa famille.
Raf, pour sa part, n’est encore qu’un enfant, mais pour le moment, rien de prometteur n’émane de lui.
Aussi, dès le premier repas de famille, Wilfrid mesure combien la situation familiale a changé pendant ses années de formation et il évalue l'ampleur de la tâche qui est la sienne de devenir le pilier familial, celui en qui l’on peut avoir confiance. Il entend bien succéder dignement à l’ombre moribonde qu’est devenu son père.
Heureusement, il peut compter sur Broadas, le capitaine de la garde, un solide combattant d’une grande fidélité qui a les pieds sur terre et comprend les situations.
...Pour s’imposer aux autres seigneurs
Le tournoi du nord organisé en l’honneur du roi Uther Pendragon réunit toutes les familles royales et seigneuriales de Petite et Grande Bretagne. Entre les joutes viriles et les banquets fastueux, les discussions diplomatiques vont bon train. Les amitiés se nouent et les ennemis se révèlent. Le jeu de la diplomatie s’avère bien difficile pour la fratrie inexpérimentée. Mais heureusement, une aide inattendue et salvatrice veille sur les frères Fenrys avec bienveillance.
Les jeunes fils du redoutable seigneur forestier ne s’en doutent pas encore, mais leurs aventures ne font que commencer dans un monde celte en plein mouvement où les anciennes divinités et la nouvelle religion se font face.
L’Empire romain, bien que disparu, est encore dans toutes les mémoires, et de nouvelles puissances se mettent en place dans les clans celtes alors que la menace des raids irlandais et scandinaves se précisent.
Les quelques illustrations de Navigavi qui ponctuent le récit sont de belle facture. Elles nous transportent dans l’univers médiéval plus récent par les costumes et les équipements.
Je dois avouer que j’ai littéralement dévoré ce 1er tome des Enfants de Gorre avant de le relire au calme une seconde fois tant le récit est riche en rebondissements de toutes sortes. Sylvain Ferrieu a parfaitement construit son scénario et ses dialogues qui ne cessent de surprendre le lecteur. Le mode narratif à trois voix est très intéressant, offrant une part égale aux trois frères et confrontant leurs points de vue. L’on peut ainsi saisir toutes leurs différences, mais également les sentiments qu’ils éprouvent les uns envers les autres.
A la croisée des récits de chevaliers et de l’ambiance celte, Les Enfants de Gorre offre un récit où l’action mais également le contexte sont d’égale importance, permettant de créer un univers dense et cohérent. L’on retrouve toute la richesse de la geste arthurienne dans un Moyen Âge vaporeux où légende, magie, religion et politique se mêlent au son des armes. La fin ,particulièrement surprenante, fait goûter aux lecteurs le sentiment d’impatience de vite découvrir la suite des aventures de Wilfrid, Gunnolf et Fanegan.