Exposition Tolkien à la BNF : l’oeuvre EST son homme jusqu’au 16 février 2020
13 janv. 2020Quelques années après une magnifique exposition consacrée à 120 dessins des artistes John Howe et Alan Lee en 2004 ayant servi de base à la trilogie du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, la BNF (Bibliothèque Nationale de France) consacre une exposition d’envergure à Tolkien et son oeuvre majeure : la création de la Terre du Milieu, sa géographie, ses peuples, son histoire et ses langues.

Le Terre du Milieu : le travail de toute une vie
La création de la Terre du Milieu a représenté pour J.R.R Tolkien un travail de toute une vie, acharné et méticuleux . Six décennies consacrées à la création complète d’un monde onirique et de ses habitants, avec leur histoire, leurs langues.

Inspiré de la littérature médiévale, et en particulier de la geste arthurienne dont la Morte d’Arthur, il ne dénigre pas les anciennes sagas comme Beowulf ou encore la Völsunga saga (Sigurd) au sujet desquelles il publie en parallèle plusieurs ouvrages tout au long de sa carrière.
Au fil des milliers de pages, cartes et dessins que Tolkien a laissé, l’on remarque de nombreuses corrections et rectifications, des ajustements chronologiques, des changements de noms et la création d’un véritable panthéon, car la magie de Tolkien remonte bien avant les événements du troisième Âge de la Terre du Milieu.
La Terre du Milieu regroupe ses nombreux centres d'intérêt comme la linguistique. Il va ainsi créer de nombreuses langues dont celle des elfes est la plus aboutie en terme de grammaire, mais aussi de philologie.

Il s’inspire également de sa ville d’Oxford et de l’Angleterre rurale du début du siècle pour créer une sorte de paradis perdu avec des personnes simples qui vivent sereinement et se contentent de peu en travaillant la terre ou en pratiquant l’artisanat. Les Hobbit en sont l’incarnation la plus parfaite ; de bonnes gens simples, un peu rustiques, souvent joyeux et parfois facétieux.
Il respecte également les nains pour leur habileté et leur savoir faire dans les arts du feu, mais souligne régulièrement leur caractère ambivalent, parfois avide qui leur a causé grands torts à plusieurs reprises, que ce soit à la montagne désolée ou encore à la Moria. Après tout, ce sont des êtres chthoniens intimement liés à la terre, ses richesses mais aussi ses terribles profondeurs.

Toute son oeuvre est baignée par cette passion pour les beaux paysages et la nature à la fois tranquille, troublante et dangereuse. Patiemment décrite, cette même nature prend régulièrement une part active dans la Terre du Milieu, que ce soit avec les vénérables Ents, gardiens des arbres ou encore avec la repoussante Araigne à la solde du nécromancien.

A cette vie simple et paisible dans de doux paysages, il oppose la technique avancée et l’industrialisation ainsi que l’avidité de ceux qui désirent toujours plus. Cette face sombre de l’Angleterre des usines est représentée par le Mordor, terre désolée, brûlée et infertile ou le Sauron et ses suppôts, les Nazgûls, exploitent jusqu’à la mort de nombreux esclaves d’autres races.

L’homme derrière son oeuvre
Aboutissement de ses rêves, la création de la Terre du Milieu est le résultat de l’assemblage de nombreuses idées qui ont éclos dans son esprit dès sa jeunesse et qu’il n’a cessé de polir ensuite. Dessins de paysages, correspondance, petites anecdotes, mais aussi conférences universitaires et cercles de lecteurs, Tolkien était un homme avec une vie culturelle intense et foisonnante.
Auteur prolixe aussi bien en fantasy qu’en littérature commentée, traducteur en prose d’anciennes sagas, sont travail de professeur a intensément nourri sa création, mais l’inverse est également vrai.

Très visuel, Tolkien a produit un nombre impressionnant de cartes géographiques et de dessins lui permettant de représenter ce qu’il avait en tête, afin de mieux retranscrire ses histoires. Ces illustrations, souvent très colorées, ont servi pour les couvertures et les illustrations de certains de ses ouvrages, mais également, plus récemment, à la création d’une tenture à la manufacture d’Aubusson.
Tolkien s’est également illustré comme auteur pour enfants au travers de différents ouvrages. A ce titre, le plus touchant est assurément les Lettres du Père Noël qu'il envoyait à ses enfants chaque année.

Deux de ses enfants ont d’ailleurs été particulièrement actifs pendant la création du Seigneur des Anneaux : Christopher et Priscilla. Christopher, tout particulièrement, a secondé son père pendant de nombreuses années dans la retranscription des cartes, la relecture des notes, puis, après le décès de Tolkien, Christopher s’est attaché à trier et mettre en ordre l’énorme matériel laissé par son père afin de faire éditer ses livres achevés mais non publiés.
La présente exposition de la BNF est assez longue et comporte deux axes principaux : une explication de la Terre du Milieu au travers de différentes thématiques et un passage plus biographique.
Près de 300 objets sont présentés dont des ouvrages rares de la BNF datant parfois du Moyen Âge, mais surtout des dessins et brouillons conservés à la Bodleian Library d’Oxford qui détient la majeure partie du fond d’archives de Tolkien. Plusieurs tapisseries d’Aubusson sont également présentées ainsi que des petits films d’interview et quelques photographies. Si vous êtes fan du film, vous n’en verrez aucune allusion ni aucun accessoire. L’exposition est intéressante mais manque peut-être un peu de magie visuelle et semble assez ascétique, ce qui peut rebuter certains visiteurs fascinés par l’univers de l’auteur et bercés par les créations virtuoses de John Howe et Alan Lee.
Lors de ma visite, il y avait de nombreux enfants en bas âge, bien que ce soit un jour de semaine, ce qui m’a étonnée car la Terre du Milieu est vaste et enchanteresse, mais tout de même très complexe. En outre, comme je le disais, cette exposition est assez peu visuelle et pas du tout interactive, aussi, malgré un livret de visite adapté aux enfants, je ne suis pas certaine que les plus jeunes y trouvent leur compte, d’autant que l’exposition est très longue !

Il était interdit de prendre des photographies des œuvres, ce que je comprends aisément vu la fragilité de plusieurs d’entre-elles et leur appartenance à une collection étrangère, mais j’aurais bien aimé des points photo avec des décors (Porte de la Moria, Smaug endormi, etc.), comme dans certaines expositions au Japon. Cela permettrait de faire des pauses intellectuelles dans la lecture dense et riche, et de garder quelques souvenirs de l’événement. Car bien appréhender une exposition peut-être épuisant intellectuellement, surtout pour des visiteurs n’ayant pas une vaste connaissance de l’oeuvre de Tolkien, le risque est alors de traverser rapidement les dernières salles...
Ayant eu une période Tolkien dans mon adolescence, j’ai ainsi lu Bilbo le Hobbit, Le Seigneur des Anneaux, Les aventures de Tom Bonbaldi (dont je ne garde aucun souvenir précis) et les Lettres du Père Noël, j’ai été heureuse d’en voir des brouillons et de comprendre leur genèse. Je sais qu’il me reste encore pas mal de choses à lire, comme le Silmarion, les Contes inachevés etc.
Visuels de la Galerie :
- Apparition de saint George sur le mont des Oliviers
Illustration dans Histoire des croisades, Michaud, 1877
Gustave Doré | BnF, département des Estampes et de la photographie - Éléphant
XVIe siècle
Martin Schongauer | BnF, département des Estampes et de la photographie - Fendeval, illustration du Hobbit
1937
© Bodleian Library/ The Tolkien Estate Limited - Lettre du roi : Lettre d’Aragorn à Sam
3e version – Début des années 1950
Marquette University © The Tolkien Estate Limited/ The Tolkien Trust 2019-2020 - Brouillon du chapitre « Barbebois » (liv. III, chap. III)
Fin 1939
Marquette University © The Tolkien Estate Limited/ The Tolkien Trust 2019-2020
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Tolkien, voyage en Terre du Milieu
BnF - Site institutionnel
https://www.bnf.fr/fr/agenda/tolkien-voyage-en-terre-du-milieu