Pour la 10e édition de la Paris Games Week, j’ai décidé non pas de m’extasier sur les nouveautés vidéoludiques, même si certaines m’ont clairement tapé dans l’oeil, mais de me concentrer sur différents aspects du secteur du jeu vidéo, avec parfois quelques surprises. 


Women in game ou rendre visibles les femmes dans le secteur vidéoludique

A partir du 5 novembre 16h47, soit deux jours après la fin de la Paris Games Week, les femmes salariées travaillent pour rien jusqu’à la fin de l’année. N’y voyez aucun lien avec la PGW, mais ce constat est à mettre en relation avec la sous représentation des femmes professionnelles dans le secteur du jeu vidéo qui seraient 15% quand bien même l’on compte aujourd’hui 48% de gameuses (chiffres du SELL). 

Pour remédier à cet écart, professionnelles et étudiantes du secteur se sont regroupées au sein de l’association Women in Game lancée le 13 septembre 2017. Women in Game France regroupe aujourd’hui près de 1 500 femmes et mène de nombreuses actions auprès des professionnels du secteur, mais également du public, pour faire connaître aux jeunes filles et jeunes femmes les métiers du jeu vidéo. L'objectif affiché est de “ doubler le nombre de femmes et personnes non-binaires dans l’industrie en 10 ans.”

L’association accueillait le public sur son corner à l’entrée du stand Made In France. Là, on pouvait échanger avec des membres de l’association et tester des jeux créés par des femmes. En grande fan de RPG, j’attends avec impatience Heven, le prochain jeu de The Game Backer dont j’avais déjà beaucoup apprécié le portage switch de Squids Odyssey. Citons également les jeux 11-11 Memories Retold avec Anne-Laure Fanise du studio Digixart (Bandai Namco) Alt-Frequencies avec Miryam Houali et Diane Langlais du studio Accidental Queens, Transformice avec Mélanie Christin du studio Atelier 80.

Certaines jeunes femmes étudiantes venaient raconter leur quotidien, d’autres, déjà en activité, venaient présenter les actions de l’association comme le soutien et le coaching pour les femmes souhaitant se lancer dans l’e-sport, les séminaires, le networking et les partenariats avec de plus en plus de studios. 

Les jeux Made In France : Une créativité et un savoir faire reconnus

Depuis 2013, le stand Made In France n’a fait que grandir et gagner en popularité pour atteindre aujourd’hui 600m². Je l’ai connu presque vide et peu équipé, et voilà que l’on y trouve des gros studios, mais également de plus modestes venus présenter leurs titres phares dont Greedfall, A Plague Tale: Innocence, The Wanderer: Frankenstein’s creature, As Far As The Eye, Square One, Shady part of me, ainsi que les portages switch des deux hits Call of Cthulhu et Vampyr que j’avais adoré sur PS4 l’année dernière. 

En plus des jeux présentés, il y avait un corner de maquillage et une scène avec des interviews et des débats d’acteurs du secteur du Jeu Vidéo français dont les captations étaient retransmises sur twitch. 

Il est à noter que la création française de jeu vidéo et le secteur en général sont de plus en plus soutenus par les pouvoirs publics qui y voient un médium de rayonnement culturel international et une manne financière avec la création de nombreux emplois. Plusieurs régions, dont la région Aquitaine et son grand pôle image regroupant animation, bande dessinée et jeux vidéo, ont soutenu des studios de leur région et sont venus à la rencontre des professionnels lors de la Game Connexion, pour présenter leurs différents pôles de création et les avantages à venir s’installer dans la région. 

Dès l’ouverture, le ministre de la culture, M Franck Riester, est venu lors de la soirée d’ouverture pour remettre les insignes de Chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres à Julie Chalmette, présidente du SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) et co-fondatrice de Women In Game France. Mme Sophie CLUZEL, secrétaire d’Etat chargée des Personnes handicapées, s’est rendue, accompagnée de Mme Céline POULET, secrétaire générale du Comité Interministériel du Handicap, à la Paris Game Week, pour rencontrer les acteurs du jeu vidéo mobilisés pour l’accessibilité des joueurs en situation de handicap.

Enfin, M Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique, est venu présenter à la presse la feuille de route intitulée Esport 2020-2025 : faire de la France le leader européen de l’e-sport à horizon 2025. Ce programme a été réalisé sur la base du bilan des Assises de l'eSport qui se sont déroulées au premier semestre. On y trouve notamment les quatre axes de travail suivants :

  • Promouvoir le développement d’un écosystème e-sport responsable et inclusif
  • Accompagner la création d’un parcours de formation adapté aux spécificités du secteur
  • Mettre en place une politique volontariste de soutien au développement des acteurs français de l’e-sport
  • Mettre en valeur l’attractivité de la France, de ses territoires et de son écosystème de l’e-sport auprès des acteurs de la filière et des investisseurs

Pour en savoir plus sur la manière dont le gouvernement veut encadrer l’e-sport je vous invite à lire cet article de La tribune.


Lumière sur la création africaine

Déjà présente l’année dernière sur un petit stand, la création vidéoludique africaine est de retour avec un peu plus de visibilité. En partenariat avec le SELL, Paradise Game propose de découvrir 14 studios et 19 jeux issus du continent africain (l’Afrique du Sud, le Bénin, le Cameroun, le Ghana, le Kenya, Madagascar, le Maroc et la Tunisie). On remarque une nette prédominance du jeu mobile car il s’agit du médium majoritaire sur le continent africain. 

  • GAME Zémidjan du Studio DASCO (Bénin) – PEGI 3 – Mobile et PC
  • Africa’s Legends Reawakening du Studio Leti Arts (Ghana) – PEGI 7 – Mobile et PC
  • Africa’s Legends Battle du Studio Leti Arts (Ghana) – PEGI 7 – Mobile
  • AfroComix du Studio Leti Art (Ghana) – PEGI 3 - Mobile
  • Karmzah Run du Studio Leti Arts (Ghana) – PEGI 3 – Mobile et PC
  • Hottseat - Esports Edition du Studio Leti Arts (Ghana) – PEGI 7 - Mobile
  • Mancala Plus de GreyParrots Studio (Ghana) – PEGI 3 - Mobile
  • Afro Warriors de Nookhema Game Studios (Cameroun) – PEGI 12 - Mobile
  • Wildeverse du Studio Internet of Elephants (Kenya) – PEGI 12 - Mobile
  • DAHALO de Lomay Studio (Madagascar) – PEGI 18 – Mobile et PC
  • Nutopia de AltPlay Studio (Maroc) – PEGI 12 - PC
  • Health VR de Black Dune Studio (Tunisie) – PEGI 12 - PC
  • Carwell de Sysics Studio (Tunisie) – PEGI 12 - Mobile
  • Edtech de Toufoula kids Studio (Tunisie) – PEGI 7 - Mobile
  • SUPERPUNK Tactics de LIVA Interactive (Tunisie) – PEGI 7 - Mobile
  • Kingdom of No One de INSTEAD Studio (Tunisie) – PEGI 12 - PC
  • Carthage VR de Digital Cultural eXperience (Tunisie) – PEGI 7 - PC
  • Precious Cargo de Falling Up Studios (Afrique du Sud) – PEGI 12 - PC
  • GazKar 2 de LOMAY Studio


Actuellement, le continent africain compte 710 000 000 de jeunes sur plus d’un milliard d'habitants, soit près de 70% de la population le marché est donc potentiellement gigantesque. L’année dernière, ce marché a représenté 1,5 milliard d'€ de recette. Véritable vivier de talents et de joueurs, l’Afrique compte aujourd’hui près de 300 studios indépendants. 


Le jeu pour tous

Loin des idées reçues, les jeux vidéo s’adressent à tous, enfants, parents et même grands parents, mais également valides ou personnes présentant un handicap moteur ou mental. 

Ainsi, dans le Hall 2, et pour la seconde année consécutive, l’on pouvait trouver plusieurs stands dédiés à l’accessibilité :

  • ACCESSIJEUX : Spécialiste de l’adaptation des jeux de plateaux pour les personnes déficientes visuelles, la célèbre ludothèque du 12e arrondissement de Paris était présente cette année pour sa première participation au salon.
  • CAPGAME : L’association de référence sur l’accessibilité des jeux vidéo pour les joueurs en situation de handicap est revenue pour sa 3eme participation à la PGW, avec la seconde édition de son tournoi inclusif unique au monde.
  • DRAGONIUM : L’équipe de Dragonium est venue présenter son MMORPG accessible aux joueurs déficients visuels, ainsi que les différents ateliers et animations proposés par l’association.
  • HANDIFABLAB : Pour la première année, des fablabs rejoignent l’espace «Jouez Comme Vous Êtes » et cette structure de Villeneuve d’Ascq a partagé toutes les actions qu’elle initie pour permettre aux personnes en situation de handicap de concevoir et de réaliser leurs propres aides techniques.
  • Handigamer : Spécialiste de l’adaptation des manettes pour les joueurs en situation de handicap moteur, l’association Toulousaine était de nouveau présente sur la Paris Games Week pour présenter ses actions et ses nouveautés.
  • HUMANLAB : Le célèbre fablab Rennais débarque à Paris pour partager toutes ses créations et innovations issues de projets collaboratifs sur les sujets du handicap et de l’accessibilité.
  • NaturalPad : Spécialisée dans les serious games thérapeutiques, la société Montpelliéraine a rejoint l’espace “Jouez Comme Vous Êtes” et a proposé de tester ses jeux en interaction naturelle ou en réalité virtuelle.

Des interprètes en langue des signes étaient également présents pour faciliter les interactions. J’ai remarqué que les enfants étaient très réceptifs aux actions menées et aux projets présentés.


Les personnes âgées ne sont pas en reste comme le montre depuis 9 ans l’association Silver Geek présente à la Gamers Assembly de Poitiers. Cette association propose tout au long de l’année à des jeunes en service civique d’initier et d’encadrer les personnes âgées aux jeux vidéo sur Wii en particulier mais pas seulement. Silver Geek est présent dans une centaine d’institutions pour personnes âgées réparties dans six régions de France. L’ambition affichée est de se développer dans tout l’hexagone. Devant l’enthousiasme des seniors pour les jeux vidéo, l’association a créé un tournoi e-sport senior où les gamers du 3e âge s’affrontent sur le jeu Wii Bowling. Pour sa seconde participation à la PGW, Silver Geek a proposé diverses activités dont l’usage d’un simulateur de vieillissement. 


Le jeux vidéo est avant tout conçu pour le divertissement, et ce n’est pas parce qu’il y a jeu dedans que ce n’est que pour les enfants ! Aussi, depuis 2008, le collectif PédaGoJeux regroupant des acteurs des secteurs publics et privés souhaite sensibiliser et informer les parents et les médiateurs éducatifs sur les enjeux liés à la pratique des jeux vidéo. Pédagojeux propose des livrets et fiches à destination des parents, donne de nombreux conseils s'appuyant sur des études. Pédagojeux met particulièrement l’accent sur la classification Pegi indiquant l’âge minimum recommandé pour un jeu vidéo en fonction de son contenu. Classification Pegi de plus en plus prise en compte par les parents. Pédagojeux incite également les parents au dialogue avec les enfants et adolescents concernant leur pratique du jeux vidéo et les jeux auxquels ils jouent. Ces préconisations portent leurs fruits et de nombreux parents déclarent jouer avec leurs enfants ou rester à proximité. 

L’action de Pédagojeux permet aussi de battre certains clichés en brèche et de pointer le fait que ce ne sont pas les jeux vidéo qui sont mauvais mais leur utilisation parfois trop jeune, parfois trop intensive de jeux dont la classification ne correspond pas à l’âge du joueur. 


Culture avec un grand “C” et Jeu Vidéo

Autre cliché battu en brèche, la distinction entre la Culture et le jeu vidéo. En effet, le jeu vidéo faisant appel à une grande variété de métiers créatifs et techniques, tout comme le cinéma, souffre d’une image parfois dégradée, le considérant comme une sous-culture alors que, de nos jours et après plus de 40 ans d'existence, c’est aujourd’hui une véritable lame de fond et un des loisirs préférés des français. Le jeu vidéo emprunte énormément à la culture classique, en particulier littéraire et cinématographique. L’on ne compte d’ailleurs plus les adaptations en films de jeux vidéo quand le contraire est plus rare et le fait de franchises spécifiques. 

Bien conscient que le jeu vidéo est en passe de devenir un art à part entière, l’association MO5 milite pour la création d’un musée du jeu vidéo et contre la dématérialisation à outrance. 

Envisageant le jeux vidéo comme objet patrimonial, la très respectable Bibliothèque Nationale de France est présente pour la quatrième année consécutive sur le Salon pour faire la promotion de ses très riches collections. En effet, depuis 1992, les éditeurs de jeux vidéo sont soumis à l’obligation du dépôt légal sur le territoire français. De ce fait, la BNF dispose d’un fond de plus de 18 000 jeux et leurs supports. La mission de la BNF au titre du dépôt légal est de conserver à la fois les supports (disquettes, cartouches, CD, emballages) ainsi que les softs qui doivent rester accessibles aux chercheurs indépendamment des contraintes techniques. Les jeux sont ainsi émulés quand il n’est plus possible de trouver une machine ou un système d’exploitation capable de les faire tourner. 

Ces collections sont accessibles aux chercheurs (master ou doctorants) ainsi qu’aux professeurs et aux professionnels. 

La mise en valeur de ce fond est un nouvel enjeu, que ce soit au travers d’expositions ou de colloques. Ainsi, dans le cadre de la PGW, la BNF a organisé pour la première fois une journée d’étude ouverte sur inscription. La BNF a aussi accueilli pour la première fois le salon du jeu vidéo indépendant : Indiecade. Enfin, il est possible de donner ses anciens jeux vidéo et consoles à la BNF pour leur assurer l’immortalité. 


Petite nouveauté de l’année, le Centre Pompidou, musée national dédié à l’art contemporain, présentait son premier jeu vidéo. Encore à l’état de développement, il est destiné à présenter le bâtiment à l’architecture incomparable et ses collections avec un univers très conceptuel et coloré. J’ai pu jouer un peu au premier niveau mais j’attend la fin du développement pour me prononcer. Le jeu semble très conceptuel, une preuve de plus que l’on avance vers une consécration en 10e art ? Ou bien le musée y voit un nouveau médium pour toucher de nouveaux publics ? Technique pas toujours efficace, l’on se souvient du flop du jeux mobile Le Roi et la salamandre du Centre des Monuments Nationaux, il y a quelques années.  

Visuel : (c) Paris Games Week

Top et flop des stands

Devant la multitude de stands et encore plus de visiteurs, j’attribue mes top et mes flop pour certains stands qui se sont distingués à mes yeux. 

J’ai été très bien accueillie sur le stand de la BNF. Les dames présentes se sont montrées très disponibles pour répondre à mes questions et me présenter les actions de la BNF envers le jeu vidéo. 

Pour faire mes achats, c’est toujours un plaisir de me rendre sur le stand Bandai où les vendeuses de la boutique se sont montrées une fois de plus très aimables et disponibles pour répondre à mes questions. Il y avait quelques pépites à ne pas rater d’ailleurs. 

Concernant les jeux vidéo en eux-mêmes, j’ai replongé en enfance sur le stand Playstation avec la présentation du remake de Final Fantasy VII qui promet d’être magnifique et le remaster de Medievil qui avait fait les belles heures de ma PS1. 

Le stand Nintendo et ses nombreuses animations ont attiré, comme toujours, une foule innombrable et plutôt joyeuse. J’ai été plus particulièrement attirée par Pokemon épée et bouclier. Luigi's Mansion 3 semble très drôle également et est très joli. 

La plus grosse déception vient du petit stand The Witcher III sur Switch situé un peu à l’écart. Intriguée par l’absence de visiteurs présents pour un jeu aussi plébiscité, j’y ai trouvé un personnel impoli et visiblement malhonnête. 


Pour conclure, j’ai trouvé cette édition très bien organisée avec des zones bien précises en fonctions des besoins des visiteurs et même un espace de détente dédié aux parents. Les allées étaient suffisamment larges pour pouvoir circuler aisément. Les nouveaux jeux et le e-sport ont tenu leurs promesses et les aspects moins connus du jeu vidéo ont aussi trouvé leurs places, remettant en cause de nombreux clichés. C’est le lieu où l’on peut rencontrer des professionnels et des associations moins facilement accessibles habituellement. La Paris Games Week 2019 a su trouver l’équilibre entre les différentes facettes du jeu vidéo et les attentes du public toujours plus nombreux. 

Visuels : toutes les photographies, sauf mention contraire, sont issues d'un travail personnel

Paris Games Week 2019 : nouvelles perspectives du jeu vidéo
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