Aujourd’hui, je vous propose une interview de la passionnante Vanessa Rau, galeriste et antiquaire spécialisée dans la culture Japonaise. Dans sa boutique des puces de Saint-Ouen, Marché Paul Bert- Serpette, jeunes artistes ou œuvres d’art des temps anciens, art populaire ou chefs-d’œuvre se côtoient sous les yeux ébahis des amateurs fidèles et des curieux de passage.

 

Bonjour, Je vous remercie d’accepter de répondre à mes questions concernant votre travail en tant que galeriste- antiquaire spécialisée dans la culture du Japon.

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis Vanessa, 37 ans, et tiens une petite galerie d’art et d’antiquités du Japon au Marché Serpette des Puces de Saint-Ouen depuis bientôt 8 ans. Je propose des objets japonais de toutes les époques, ainsi que des œuvres d’artistes contemporains japonais. Je choisis toujours des objets et des œuvres d’artistes au coup de cœur pour que les acquéreurs aient également cette affection. C’est pour cela que j’aime profondément mon métier.

Comment devient-on antiquaire spécialisé Japon ?

Je ne me considère pas comme une antiquaire spécialisée Japon, mais plutôt comme une marchande passionnée par le Japon. Mon parcours est assez atypique, comme beaucoup de marchands des Puces d’ailleurs. J’ai toujours travaillé en relation avec l’art et la culture. Après des études en commerce international à l’ESCE, je me suis spécialisée dans le management international des arts de la France avec un DESS.

Après quoi, j’ai sillonné les routes de France et d’Europe pour un éditeur d’art contemporain, les Editions Jacques Boulan. Nous diffusions des estampes et sculptures d’artistes contemporains que nous éditions avec l’aide de différents ateliers, chacun était spécialisé dans une technique (lithographie, gravure sur bois, sérigraphie, bronze, céramique...). J’ai passé quatre années passionnantes à rencontrer galeristes, encadreurs, artistes et collectionneurs.

Et puis, à l’âge de 27 ans, je suis partie en Asie. Il était temps de faire un grand voyage pour moi. Pour une femme, l’horloge biologique tournant, il y a des délais à ne pas dépasser si on veut se créer sa propre voie. Pendant 6 mois, j’ai voyagé en Asie du sud-est : Thaïlande, Cambodge, Laos, Vietnam, Hong-Kong, Macao, Taïwan. Et de Taipei, je suis partie pour Tokyo. J’avais en poche un visa vacances-travail d’une année pour le Japon que j’avais obtenu avant de partir. Mon but était d’apprendre la langue japonaise, étudier sa culture et vivre avec les Japonais, pour à mon retour, ouvrir un magasin ou une galerie en lien avec ma passion pour le Japon.

Finalement, après quasiment deux années passées au Japon, je suis rentrée en France (un peu à reculons) et ai ouvert un espace au Marché Serpette afin de partager et de vivre de ma passion. Chaque année, je retourne au Japon pour chiner et découvrir de nouveaux artistes, mais aussi de nouvelles régions. Mes choix sont plus pointus qu’au commencement, et j’apprends tous les jours. Le miracle avec la culture japonaise, c’est que dès qu’on ouvre une porte, il y en a dix autres derrière. On peut, il me semble, passer une vie à affiner ses connaissances sur l’art, les objets et la culture de ce pays.

D’où vient votre intérêt pour le Japon ?

Je fais partie de cette génération « Club Dorothée ». Tous les après-midis en rentrant de l’école nous regardions des dessins animés japonais. Et sans nous en rendre compte, nous incorporions les codes culturels et usuels japonais. Quand je suis arrivée à Tokyo pour la première fois, et que je me suis baladée dans les rues du quartier de Koenji, j’ai eu cette impression de reconnaître toutes ces échoppes, boutiques familiales. Je suis certaine que ces heures passées devant les dessins animés pendant mon enfance n’y sont pas étrangères.

Et puis, étant étudiante, j’ai lu des mangas, notamment le célèbre « Nana ». Il y a énormément de référence aux fêtes traditionnelles, aux rituels. Cela m’a rendue curieuse et j’ai commencé à faire des recherches sur divers sujets. Les résultats m’ont passionnée. Plus j’apprenais, plus je voulais en savoir. J’ai lu des romans, des récits de voyage, fait des recherches sur l’histoire de l’archipel, rencontré des Japonais vivant à Paris. Il me fallait plus, j’ai donc décidé d’aller vivre à Tokyo pour approfondir mes connaissances et me confronter à la réalité de ce rêve. Et je n’ai pas été déçue !

Avez-vous une période préférée ?

C’est difficile de choisir une époque préférée. De but en blanc, je dirais l’époque Shôwa. Elle est très riche en événements historiques puisqu’elle va de 1926 à 1989. Mais c’est aussi la période de l’essor de la « culture anim », il y a des objets géniaux à collectionner. C’est le début des figurines et du kitsch japonais. C’est aussi une période d’enrichissement de la population nippone et de la démocratisation de l’artisanat d’art. Et surtout, je suis une enfant de l’ère Shôwa (année Shôwa 55) !

Chaque période a son intérêt. Je m’intéresse rarement aux objets datant d’avant l’époque Edo (1600-1868) et d’après l’ère Shôwa. Edo est, pour moi, la base du Japon que l’on connaît aujourd’hui. Un enfermement du pays sur lui-même. Quasiment aucun étranger n’avait le droit de mettre un pied sur le territoire nippon. Ça laisse beaucoup de temps pour développer sa propre culture, ses arts et son artisanat.

Crédit : Vanessa Rau

Puis l’ère Meiji (1868-1912), avec son ouverture au reste du monde. La découverte de ce « petit » pays à la culture si unique a donné naissance à des courants qui ont marqué l’histoire de l’art (Impressionnisme, Art Nouveau…). C’est la modernisation du pays. On passe d’un système quasi-moyenâgeux à une société industrielle.

Vient ensuite l’ère Taishô (1912-1926), courte période marquée par la première guerre mondiale et le désir de puissance à l’international. Mais aussi l’étendue de la modernisation du pays à une beaucoup plus large partie de la population. Puis, l’ère Shôwa que nous connaissons mieux, car elle est plus proche de nous.

Comment sélectionnez-vous les artistes que vous présentez et les œuvres que vous vendez ? Avez-vous un coup de cœur récent ?

Mon mode de sélection est très simple : il faut que j’aime le travail de l’artiste, que je puisse vivre avec une peinture ou sculpture de l’artiste sans m’en lasser, que j’ai envie de défendre ses œuvres. Ensuite, le côté humain est très important, s’entendre avec les artistes est primordial. La confiance est la base de notre travail. Ils me confient leurs œuvres, et je suis à l’autre bout du monde…

Mon coup de cœur récent est un artiste-peintre de Nagoya : Shozo KOYANAGI qui mélange les techniques traditionnelles japonaises (Nihonga) et des techniques plus occidentales (acrylique, peinture sur toile). Je présente actuellement deux peintures de Koyanagi-san : « Samurai Lapin » et « Kewpie ». J’adore ! De l’humour, de l’esthétique et de la technique.

Je travaille également sur un projet avec une artiste contemporaine que je suis depuis plusieurs années. Top secret pour le moment.

Crédit : Vanessa Rau

Comment, selon vous, débuter pour s’initier à la culture et à l’art japonais ?

Vaste projet !

En lisant les articles délicieux de Sandra Bernard ! [Merci c'est très gentil]

A l’ère d’internet, il est facile de trouver des renseignements sur tous les sujets qui suscitent notre intérêt. Mais aller voir des expositions pour sentir et ressentir des œuvres reste un des meilleurs moyens d’aborder un sujet.

En France, nous avons la chance d’avoir de magnifiques collections et de très belles expositions sur divers thèmes japonais. Nous avons également un nombre incroyable de livres traduits en français. De quoi passer de longues et heureuses heures à se cultiver.

Quels conseils donneriez-vous à un collectionneur débutant ?

SUIVRE SON CŒUR !!! Un vrai collectionneur n’est pas un investisseur. Achetez ce qui vous plaît. Peu importe la valeur pécuniaire, chacun fait avec ses moyens. Peu importe l’époque, tant que l’objet vous parle. De toute façon, une collection évolue en fonction de sa propre expérience et de ses moyens. Mais vivre avec des œuvres et des objets que vous aurez choisi, chiné, vous apportera toujours du bonheur et un sentiment de satisfaction. Un autre conseil : vivez avec vos objets. Si vous achetez de la belle vaisselle ou un beau vase : utilisez-les. Paris est une ville avec une riche actualité culturelle.

Avez-vous des « spots » Japon (magasin, restaurant, lieu culturel, parc, etc.) préférés ?

Oui, plein ! Mais je ne les citerai pas tous. Magasins : Kyoko et K-Mart pour toute l’alimentation (nous cuisinons beaucoup japonais chez nous), Junkudo pour la librairie, les boutiques des musées lors des expositions liées au Japon.

Comme je vais souvent au Japon, je fais beaucoup d’achats sur place… Lieux culturels : Maison de la Culture du Japon à Paris (incontournable), Musée Guimet, Musée du quai Branly (j’adore son jardin également), Musée Cernuschi, Espace Japon, Association Tenri.

Restaurants : On aime bien prendre notre bentô chez Jujiya quand on va faire nos courses dans le quartier japonais de l’Opéra. Le très célèbre Guilo Guilo dans le 18ème, le restaurant de poisson Sanki à Boulogne-Billancourt, le restaurant fusion français-chinois-japonais : Ebis (une institution dans ma famille), le 116 pour ses grillades au charbon de bois importé du Japon.

Parcs : habitant en banlieue, je ne vais pas souvent dans les parcs parisiens… Mais on m’a dit que le Parc Monceau avait de beaux cerisiers japonais, ainsi que le Parc de Sceaux (il y aurait même des pique-niques organisés par les familles japonaises lors de l’époque des sakura). Personnellement, j’adore les jardins de Claude Monet à Giverny, pour faire de belles photos de famille, c’est le summum !

Un message personnel ? 

Je profite de cet entretien pour remercier très chaleureusement toutes les personnes et les acheteurs qui me suivent, me soutiennent, m’encouragent depuis le début de cette belle aventure qu’est ma modeste galerie. Sans vous, vos encouragements et votre reconnaissance, la boutique ne serait plus aujourd’hui. MERCI

ouvert du samedi au lundi de 10h à 18h

Entrée gratuite

Puces de Paris - Saint-Ouen
Marché Serpette Allée 3 Stand 11
110, rue des Rosiers
93400 Saint Ouen
Tél : 07.86.51.97.62.
Email : contact@galerievanessarau.com et j.artandgoods@gmail.com

Accès :
En métro : Garibaldi - Ligne 13 ou Porte de Clignancourt - Ligne 4
En voiture : Périphérique de Paris – Sortie Porte de Clignancourt
Parking : Parking au dessus du Marché Serpette. Accès par la Rue des Rosiers.

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