Deuxième film de Kato Takuya mais premier à sortir en France dès le 14 août, La Mélancolie narre la prise de conscience d’une jeune épouse après un drame personnel.

Watako est une épouse au foyer discrète mais désabusée qui ne trouve de réconfort que dans les bras de son amant et confident. Le jour où celui-ci décède brutalement, Watako tente d’étouffer ses sentiments pour retrouver sa vie tranquille, mais il faut bien se rendre à l’évidence, il n’est plus possible de faire semblant et elle doit se confronter pour avancer.

Watako dans sa cuisine en train de ranger
© 2023「HOTSURERU」FILM PARTNERS & COMME DES CINÉMAS

Une épouse modèle ?

Watako s’apparente à une épouse modèle pour la société japonaise. Elle a quitté son emploi après son mariage. Elle s’occupe de son foyer, accepte de recevoir sans broncher le fils issu du premier mariage de son mari et sa belle-mère dans son appartement et de ranger derrière eux. Elle occupe ses journées en compagnie de son amie Eri avec qui elle se promène et papote sans pour autant évoquer ses véritables tourments ni même sa transgression avec son aventure extra-conjugale, bien qu’Eri soit au courant d’un passif entre Watako et Kimura son amant.

Watako qui marche à côté de son amant
© 2023「HOTSURERU」FILM PARTNERS & COMME DES CINÉMAS

Un mariage qui bat de l’aile

Et pour cause, Watako semble complètement détachée de tout ce qui l’entoure. Elle semble insensible à sa situation et feint que tout va bien. A-t-elle renoncé ou bien a-t-elle au contraire déjà tout quitté dans son esprit ?

Son mariage tourne au vinaigre, elle acquiesce à toutes les propositions de son époux, mais sans y adhérer ni même faire mine de s’y intéresser réellement. Il est fautif et le sait, mais pas de spoil ici. De son côté, toutes les perceptives de sa vie d’épouse semblent perdues. Faute de revenus suffisants, son mari ne peut assumer d’avoir un second enfant, et sa belle-mère le lui reproche à elle. Il blâmait sa précédente épouse d’être carriériste mais ne perçoit pas la détresse de sa seconde épouse dans le monde étriqué du mariage japonais traditionnel. Il dit qu’il s'occupe de son jeune fils, mais en réalité se repose sur sa mère qui doit venir s’en occuper dans leur appartement. Watako n’est donc plus réellement chez elle du fait de ces intrusions régulières qu’elle subit.

Son espace social est extrêmement réduit donc aliénant et elle n’a personne à qui se confier tant par pudeur que convention sociale.

Watako est convoquée par l'épouse de son amant
© 2023「HOTSURERU」FILM PARTNERS & COMME DES CINÉMAS

Un problème de communication généralisé ?  

Bref, Watako étouffe, et ce n’est qu’avec Kimura, son amant et confident, qu’elle pouvait enlever son masque et souffler un peu. Cet homme décontracté est lui aussi marié. Il savait mieux que personne la sortir de son quotidien et l'écouter sans jugement. Est-ce qu’il vivait la même chose de son côté ?

La Mélancolie, sous des dehors calmes et policés d’une sorte de “pas de vague” généralisée, montre des personnes dysfonctionnelles qui ont perdu la capacité à communiquer pour ne pas heurter. Et comment se comprendre et s’améliorer quand on ne communique pas. L’époux de Watako a bien compris que son épouse lui échappait. Il tente de recoller les morceaux, de la reconquérir, propose des solutions, mais la magie est brisée et son attitude jalouse est déplacée. C’est finalement le choc provoqué en Watako qui va la faire bouger, ce qui provoque des remous dans son âme. Par un enchaînement d’événements, la roue du destin s’est remise à tourner et il est temps pour Watako d’affronter ses peines et ses tors pour se retrouver et avancer.

Watako est pensive devant une fenêtre
© 2023「HOTSURERU」FILM PARTNERS & COMME DES CINÉMAS

Doté d’une belle photographie et d’un travail intéressant sur la lumière, La Mélancolie est une sorte de drame social niché dans les bruissements de l’âme de son héroïne. Les silences en disent autant que les mots, et les regards jugent et blessent sans un bruit. A titre personnel, je trouve éminemment triste et injuste la manière dont les femmes japonaises mariées doivent s’oublier elles-mêmes pour se mettre au service de leur foyer. Elles deviennent un rouage de plus en plus invisibilisé, un socle familial dont on piétine les envies et la personnalité. Cet isolement auquel s’ajoute une vie sociale réduite cause une grande souffrance que les jeunes générations ont de plus en plus de mal à accepter. Et c’est tant mieux. Le fait que le réalisateur soit un jeune homme d’à peine trente ans montre que les choses changent lentement mais sûrement. La nouvelle génération est plus sensible à ce fait social, plus apte à accepter le changement de paradigme autour de la place de la femme dans la société japonaise.

Durée : 84 minutes

Acteurs : Haru Kuroki, Kanji Furutachi, Mugi Kadowaki, Shôta Sometani
Réalisateur : Takuya Kato
Genre : Drame
Sortie : 14/08/2024
Langue : Japonais

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