[Test] The Last Guardian : Une belle expérience
06 déc. 2016Enfin ! The Last Guardian, le jeu le plus controversé de ces dernières années, est enfin devenu une réalité le 7 Décembre 2016 sur PS4. Jeu culte dès sa première apparition en 2009 (déjà 7 ans), The Last Guardian a suscité 9 années de réflexions et de conception intense de la part de son créateur visionnaire Fumito Ueda. Une œuvre hors norme qui insuffle un vent de fraîcheur et un niveau de poésie contemplative rarement atteints dans un jeu vidéo de cet ampleur.
En seulement deux jeux ; Ico (2001) et Shadow of Colossus (2006), Fumito Ueda est devenu une star du jeu vidéo à l’image de Miyamoto ou Kojima. Son style, qui remet en cause toutes les logiques de gameplay classique, a réussi à toucher les joueurs à la recherche de nouvelles expériences. Comparable à un artiste avant-gardiste, Ueda emporte le joueur dans son monde imaginaire pour que ce dernier puisse vivre « sa propre » expérience de l'œuvre. Une manière de jouer qui s’apparente à l’immersion dans l’univers de l’artiste, une expérience unique qui plaît aux joueurs !
L’histoire
Un jeune garçon se réveille dans une grotte à côté d’une étrange créature dont les traits ressemblent à ceux d’un Griffon ou Chat-Poulet (félin avec des ailes et des plumes à la place du pelage). Ces deux personnages opposés doivent apprendre à se connaître, à s’entraider et à tirer profit des capacités de chacun afin de pouvoir s’échapper d’une mystérieuse forteresse en ruine… Au fil de l’histoire, une relation très touchante prend vie entre le jeune garçon et cette créature qu’il nomme Trico. Un rapport d’amitié qui figure au centre de cette nouvelle production.
Trico, un compagnon de route aussi attachant que têtu
Ce qui est unique dans The Last Guardian est cette relation amicale d’entraide que le joueur doit vivre avec Trico. Il faut se rendre à l’évidence, Ueda a poussé loin, très loin, le niveau d’intelligence artificielle de cette créature. À tel point qu’elle apparaît comme un véritable être vivant doué de volonté propre, voire de sentiments : juste bluffant ! Cependant, à vouloir aller si loin dans l’expression d’une volonté, le joueur se retrouve parfois coincé pas mal de temps avant que Trico ne se décide à exécuter l’action qui permet d’avancer dans l’aventure, même si le jeune garçon à la possibilité de donner des ordres à la créature. Pour certains cela pourra paraître déroutant concernant le gameplay, d’autres trouveront cela réaliste de devoir gérer un animal capricieux.
L’univers du jeu
S’il y a un aspect que Fumito Ueda transcende dans ses jeux, c’est bien celui de l’univers du jeu. Avec Ico, l’auteur avait donné une magistrale claque au monde grâce à un gameplay et une réalisation hors du temps. Avec Shadow of Colossus, il amplifie son concept d’univers onirique dans un mode ouvert qui a fait briller la PS2. Dans The Last Guardian, il explore davantage la relation du personnage principal avec son compagnon dans un monde aussi étrange que merveilleux à découvrir. En somme une évolution très bien pensée qui renouvelle merveilleusement l’esprit artistique d’Ueda.
Les graphismes
The Last Guardian est beau voir, et même sur certains plans très beaux, mais certains autres aspects sont loin d’être parfaits techniquement. La direction artistique est sans nul doute la plus belle que l’on ait pu voir un jour sur console. Les ruines dévastées laissées à l'abandon s'harmonisent à merveille avec la faune et la flore, ainsi que le magnifique travail sur la lumière pour caresser tout doucement l’œil. Contrastant avec l’aspect figé des édifices majestueux, les arbres et la végétation bougent sans cesse grâce au vent qui insuffle vie et dynamisme à l’image. De petits détails comme les milliers de papillons ou encore les lézards grouillent dans cet environnement qui réussit à nous faire oublier que le jeu était initialement prévu sur PS3.
De plus, Trico apparaît comme le plus beau Griffon de l’histoire des jeux vidéo. Ses milliers de plumes donnent envie de le caresser, sa petite bouille féline est craquante ! Il est véritablement le centre de l’intérêt du joueur de par son design et la beauté graphique qu’il dégage, mais surtout par ses réactions très réalistes !
Cependant, dans ce tableau idyllique on regrette une certaine monotonie des décors qui, à la longue, se ressemblent beaucoup les uns les autres.
Le gameplay et l’IA
Concernant le gameplay à proprement parler, il est regrettable que le système de la caméra ne soit pas au niveau du reste du jeu. Certes, cette caméra dynamique réussit à suivre le héros et la créature de manière très douce afin de souligner davantage l’environnement onirique du jeu, mais elle n’est pas parfaite. Après 9 années de développement, il est regrettable de se retrouver avec les mêmes problèmes que Shadow of Colossus. Ainsi, cette caméra réussit à énerver le plus féru défenseur du créateur, surtout lors de passages très délicats où elle trouve des angles incompréhensibles.
De plus, malgré une certaine rigueur requise pour la résolution des énigmes qui vont crescendo, il est regrettable qu’elles apparaissent à la longue assez monotones dans leur résolution. Et ce n’est pas l’intelligence artificielle des ennemis ainsi que les affrontements requis pour les passer qui réussiront à faire oublier cet aspect amer du jeu.
Heureusement que pour rattraper ces défaillances, la maniabilité du personnage est exemplaire. Ses animations très réalistes, stylisées et variées n’accusent aucun temps de latence. Ses réactions s’accordent simplement et naturellement avec ce que veut le joueur. De ce point de vue, le gameplay proposé par Ueda est un modèle d’harmonie avec le level design que les deux héros parcourent avec bravoure. Ajoutez à cela des animations comportementales de Trico tout bonnement sublimes lorsqu’il veut bien répondre, et l’on touche ici presque la perfection.
L’environnement sonore
L’autre point fort des jeux de Ueda est sans nul toute l’ambiance sonore qui tient ici un rôle particulièrement important dans l’immersion du joueur. Il ne faut pas passer par quatre chemins, la recherche des bruits de fond, de la brise légère au vent violent, des branches d’arbres, des herbes qui dansent, des murs qui craquent et surtout des bruits émis par Trico sont tout bonnement du même niveau que la recherche sur le visuel du jeu. Comme d’habitude, la musique de Takeshi Furukawa apparaît ici en second plan pour appuyer les moments forts et se retire pour laisser l’environnement sonore jouer son rôle. Un système 5.1 s’impose pour découvrir véritablement toute la richesse sonore et s’immerger complètement dans le jeu.
L’intérêt du jeu
La première question que l’on est en droit de se poser est de savoir si le jeu vaut toutes ces années d'attente ? D’un point de vue purement technique, le jeu est quelque peu dépassé si on le compare aux dernières productions. Le framerate n’est pas constant et la PS4 souffre, seule la PS4 pro tire son épingle du jeu. Mais est-ce vraiment un bijou technologique ne faisant que du bien à la rétine que les joueurs attendent d’un jeu comme The Last Guardian ? Clairement non, les capacités graphiques du moteur sont assez convaincantes pour transporter le joueur auprès de Trico et insuffler de la magie, et cela est suffisant !
En somme, l’expérience de The Last Guardian l’emporte sur la qualité visuelle. À la manière d’un jeu indépendant, Ueda a fait le pari de proposer un jeu expérimental assez beau visuellement pour provoquer chez les joueurs de la contemplation onirique, dotée d’un gameplay simple, mais efficace qui place le joueur au centre d’un lien avec une créature virtuelle unique. Cela vaut bien les 9 années de développement et toutes les péripéties que le réalisateur a pu avoir avec Sony… C’est surtout la marque de fabrique d’un perfectionniste qu’il faut ici saluer.
En somme, malgré quelques défauts qui sautent tout de suite aux yeux et nous brusquent un peu dans le rêve que le jeu propose ainsi qu’une intelligence artificielle des ennemis un peu trop molle, The Last Guardian reste une œuvre à part d’une grande richesse et profondeur. En effet, grâce à Trico et au travail visuel sur l’univers, la magie opère en nous faisant finalement oublier ces problèmes techniques. Ueda propose avec The Last Guardian une expérience unique qu’il ne faut pas rater tant les qualités de ce jeu sont ce que l’on aimerait voir apparaître plus souvent dans bon nombre de titres AAA. Fumito Ueda donne ici une leçon à tous les développeurs en affirmant avec son œuvre que le jeu vidéo peut être transcendé et s’approcher de la contemplation artistique.
Développeur : Team Ico
Éditeur : Sony computer entertainment
Réalisation : Fumito Ueda
genre : Action, Aventure, énigme
Jeu solo.