Juste avant la seconde vague du confinement en France, la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP) en partenariat avec le POLA Research Institute of Beauty & Culture a inauguré une exposition à la fois historique et esthétique sur un sujet loin d’être frivole : les secrets de beauté des Japonaises de l’époque Edo au travers d’estampes et d'ustensiles d’époque. Initialement prévue pour s’achever le 6 février 2021.

MAJ : 

Réouverture le 19 mai 2021

Prolongation jusqu’au 10 juillet 2021

Un rituel féminin

Le port gracieux des élégantes représentées dans les estampes de l’époque Edo (1603-1868) est un ensemble complexe formé par une tenue, une coiffure et un maquillage. Pour parvenir à ce résultat, les femmes japonaises de l’époque Edo accordaient une grande importance à leur toilette. Au bain, la peau était nettoyée à l’aide de petits sachets contenant du son de riz (nuka) aux propriétés exfoliantes et hydratantes pour la peau. 

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

Pour le maquillage, des livres tel Onna kagami hidensho (Transmission secrète du miroir des femmes) que les femmes se transmettaient de génération en génération, détaillaient la manière de maquiller la peau avec du blanc de plomb (Oshiroi), puis de la poudre de riz moins toxique, l’extérieur des yeux, les joues et les lèvres avec du rouge vif très onéreux extrait de la fleur de carthame des teinturiers, de la forme que devaient arborer les sourcils jusqu’à la manière de se noircir les dents (ohaguro) suivant la mode aristocratique. Les lèvres pouvaient être maquillées avec du rouge (beni) sur la lèvre inférieure.  

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

La coiffure a beaucoup évolué pendant cette période. Alors qu’il était d’usage que les femmes laissent leurs longs cheveux simplement noués au milieu du dos, peu à peu, les élégantes décident de les relever en des chignons complexes qui ont fait la renommée des beautés japonaises. Se faire coiffer par une professionnelle était assez coûteux, aussi les femmes conservaient le chignon plusieurs jours. Les oiran (les courtisanes de plus haut rang) pouvaient dépenser des fortunes tous les mois pour s’allouer les services d’une coiffeuse. Afin de ne pas se faire décoiffer par le vent et d’éviter les poussières en marchant dans la rue, les femmes portaient un petit chapeau en tissu blanc.  
Enfin, pour qui a déjà porté un kimono sait que l’enfiler n’est pas chose aisée. C’est d’autant plus vrai pour les lourds kosode représentés sur les estampes avec leurs nombreuses couches et leur obi au nœud complexe. 

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

Indicateur de la classe sociale

Ce raffinement ostentatoire dans le maquillage, la tenue et la parure n’était pas anodin. Rien qu’en regardant une estampe, il est possible de déterminer la classe sociale de la femme représentée et de savoir si elle est mariée ou non. Si les femmes de la noblesse, et plus encore de la très haute aristocratie, et leurs suivantes sont tenues de respecter le protocole de la cour, les femmes du peuple sont un peu plus libres dans le choix de leurs vêtements et de leur coiffure, bien que plusieurs lois somptuaires limitent l’usage d’accessoires ou de certains tissus. Afin de contourner les interdits, les épouses et les filles de riches commerçants arboraient par exemple des épingles à cheveux munies de petits cure-oreilles afin d’en faire un objet utilitaire. 

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

Aussi étonnant que ce soit, le maquillage était lié à des rites de passage. La manière de dessiner ou non ses sourcils indiquait si la femme était mariée, si elle était mère et si elle était noble ou au service d’une noble maison. Les femmes du peuple se noircissaient les dents une fois mariées. Cette habitude ancienne avait des vertus protectrices pour les dents et les gencives. Et si à Kyoto l’usage à longtemps été de porter un maquillage épais, à Edo, les femmes optaient généralement pour un maquillage plus léger.
Cependant, les véritables icônes de la mode, les influenceuses avant l’heure, n’étaient autre que les oiran et les acteurs de kabuki. Ces personnalités publiques largement représentées par les estampes étaient à la pointe de la tendance et lançaient les modes en matière de vêtements et de coiffures. 

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

Aux 150 estampes (une rotation est prévue pour des raisons de conservation préventive), dont de rares séries sur la vie dans le gynécée de l’épouse du shogun par Yôshû CHIKANOBU datant de la toute fin du XIXe siècle car publiées après la chute du shogunat, s’ajoutent une soixantaine d’objets du quotidien tels des peignes, des miroirs, des livres, mais également des contenants à maquillage ou des reproductions à taille réduite des somptueux chignons de l’époque. Une vidéo présente également les différentes étapes de la réalisation d’un chignon traditionnel. 

(c)Sandra B pour Katatsumuri no Yume

La scénographie sobre mais bien pensée place les vitrines au centre afin que l’on puisse tourner autour, et les estampes tout autour, sur les murs. Certains espaces sont délimités par de grands kakemonos illustrés d’agrandissements des estampes. 

Cette exposition originale permet de mieux entrevoir la vie quotidienne des femmes japonaises pendant la prospère époque Edo. L’on y voit l’évolution des styles et leur diversification ainsi qu’une certaine codification qui aboutissent au port actuel du kimono et au maquillage plus léger mettant en exergue la beauté de la peau nue (ou d’apparence nue). Les nombreuses explications accompagnant les estampes permettent également de mieux en saisir les subtilités. Espérons que cette belle présentation sera quelque peu prolongée. (MAJ : Prolongation jusqu’au 06 mars 2021)

[Exposition] Secrets de Beauté. Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises ; à la Maison de la Culture du Japon à Paris jusqu’au 06 février 2021
[Exposition] Secrets de Beauté. Maquillage et coiffures de l’époque Edo dans les estampes japonaises ; à la Maison de la Culture du Japon à Paris jusqu’au 06 février 2021
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