Japan Sinks 2020 le Japon boit la tasse
29 août 2020Adapté de la nouvelle Nihon Chinbotsu de Sakyo Komatsu datant de 1973, Japan Sinks 2020 est l’une des dernières nouveautés Netflix de l’été. Orchestrés par Masaaki Yuasa et Pyeon-Gang Ho du studio Science SARU, les 10 épisodes intenses prônent la survie à tout prix d’un petit groupe dans un Japon en plein naufrage géologique.
Suite à une série de tremblements de terre, l’archipel japonais s’enfonce dans la mer, provoquant toute une série de catastrophes allant des séismes aux glissements de terrain, en passant par l’explosion d’usines et de centrales. Dans ce contexte apocalyptique, la famille Mûto et quelques proches bravent tous les obstacles à la recherche d’un moyen pour survivre.
La colère d’Ônamazu
Selon la légende, le Japon est situé sur le dos du poisson-chat Ônamazu (Namazu) qui, en remuant, causerait les tremblements de terre. L’on sait aujourd’hui que l’archipel Nippon est situé sur la zone de subduction particulièrement active des plaques eurasiatique et pacifique à l’origine de l’activité sismique et volcanique intense. Dans Japan Sinks 2020, une rupture soudaine entraîne de gigantesques failles, le Fuji est sur le point de se réveiller alors que les terres émergées s’enfoncent inexorablement dans les flots. Aucune mention au folklore japonais, la science rien que la science.
Une famille dans la tourmente
Afin d’aider le spectateur à se projeter, Masaaki Yuasa a décidé d’adopter un point de vue original en suivant une famille : les Mûto.
Alors que les secousses sont de plus en plus fortes et que le Japon s’effondre littéralement, la famille Mutô, accompagnée de quelques autres protagonistes, tente de survivre tant bien que mal au grès de ses rencontres pas toujours bonnes, et des événements toujours plus tragiques. La mort peut frapper à chaque instant et le petit groupe en fait l’amère expérience, dévoilant alors les personnalités et ressources de chacun. Concernant Go, dont les bavardages en anglais incessants ont irrité pas mal de spectateurs, je pensais que Mari, sa mère, était étasunienne, mais en fait non. Ce tic de langage de Go peut être vu comme une volonté du réalisateur d’ouvrir leur série à l’international ou de montrer l'intérêt de la jeune génération pour la mondialisation.
Les différents membres du groupe ont des évolutions et des rôles différents et parfois tardifs (comme Haruo qui se révèle peu à peu), mais leurs réactions sont souvent subtilement humaines, que ce soit face à la mort, à l’incertitude du futur, à la volonté de rester en famille, mais aussi par un grand sens du sacrifice, très japonais. Les comportements semblent parfois injustes ou égoïstes, mais qui peut dire comment il réagirait dans cette situation, d’autant plus s’il doit sauver ses enfants. Les attitudes illogiques et l’impréparation sont aussi le fruit de la panique de personnes ordinaires mises dans une situation qui les dépasse de loin. Mari et Kite se détachent particulièrement par leur charisme et leurs actions. Rien ne leur est épargné, mais, puisant leurs forces dans leurs relations, ils avancent toujours avec espoir. On souligne d’ailleurs l’importance des rôles féminins, bien loin des faibles femmes ou des héroïnes attentistes. D’autres personnages, au passage fugace, sont également attachants tels Nami et Daniel.
Un récit en demi-teinte
Avec un pitch de départ très alléchant, on se retrouve finalement avec une série relativement tiède mais non dénuée de qualités. Les situations s'enchaînent de manière parfois invraisemblable, laissant une impression étrange aux spectateurs. De même, quelques longueurs et scènes hors propos viennent casser le rythme alors que d’autres passages auraient pu être davantage développés. Ainsi, les thématiques abordées en parallèle au fil des épisodes comme l’ultra-nationalisme, les communautés autonomes, la xénophobie, le handicap, la maladie, etc. sont intéressantes mais insuffisamment exploitées alors que cela aurait pu apporter de l’épaisseur au récit.
Vers les derniers épisodes, de meilleure qualité à mon avis, l’attention se recentre sur les personnages et, malgré quelques rebondissements un peu trop gros, l’attention est captive jusqu’à un final lumineux.
Du côté des graphismes, on salue un très poétique opening et un premier épisode très réussi. Par la suite, les décors sont le plus souvent de qualité avec de magnifiques paysages et des véhicules et des intérieurs particulièrement détaillés. Il ne m’a pas semblé voir de 3D criarde, ce qui est un bon point. Le design des personnages peut surprendre si l’on n’a jamais rencontré le travail de Masaaki Yuasa, à l’instar de Devilman Crybaby (2018) ou du long métrage Lou et l’île aux sirènes (2017) très joli, mais je n’avais pas du tout accroché à l’histoire. L’animation des personnages est ainsi très fluide, mais en contrepartie l’on remarque des déformations corporelles assez surprenantes qui pourraient rebuter quand l’on est habitué aux standards actuels. Il ne faut pas cacher qu’avec le nombre de morts et donc la profusion de cadavres, certaines scènes peuvent heurter les spectateurs les plus sensibles, même si ce n’est pas pour cette raison que la série est déconseillée aux moins de 16 ans. Les couleurs accompagnent cette descente aux enfers en devenant de plus en plus ternes et sombres.
La bande originale composée par Kensuke Ushio est de belle facture, avec des thèmes variés allant du classique à l’éléctro, s’accordant aux scènes et un ending différent à chaque épisode.
Japan Sinks 2020 n’est certes pas la série de l’année, mais c’est une adaptation modernisée et honnête d’un roman de science-fiction célèbre au Japon. Si l’on parvient à passer outre ses défauts et incongruités, cette mini-série offre un panel de personnages humains bien loin des clichés du genre. A plusieurs moments, l’on a l’impression que la série, une exclusivité Netflix rappelons le, a été directement conçue pour l’export, ce qui peut expliquer l’incorporation de nombreux thèmes annexes, sauf l’écologie, grande absente du titre. Le site officiel de la série a annoncé début août qu’elle allait être compilée sous la forme d'un film d'animation dès l’automne au Japon.