Dans le cadre des célébrations des 300 ans des Grandes Écuries de Chantilly, Sophie et Valérie Bienaimé ont créé un spectacle équestre retraçant l’histoire de ce lieu prestigieux, à voir jusqu’au 22 août.  

Un lieu unique à la riche histoire

Lieu unique au monde, les Grandes Écuries de Chantilly sont le fruit de la passion de Louis Henri de Bourbon (Petit fils de Louis XIV par sa mère, Mademoiselle de Nantes, fille légitimée du roi Soleil et de madame de Montespan), VIIe prince de Condé, Chef du Conseil de régence depuis 1715, pour la chasse et surtout les chevaux. Pour accueillir dignement ses nombreux chevaux (jusqu’à deux cent quarante chevaux, tous en stalles) et sa meute de chiens de chasse (quatre cents chiens), il fait appel à l’architecte Jean Aubert, un des élèves de Jules Hardouin-Mansart. Les travaux débutent en 1719 et durent seize ans. Les écuries se dressent, tel un palais équin, dans un style grandiose avec, pour point d’orgue, le dôme abritant un manège et une fontaine du plus pur style rocaille servant d’abreuvoir. Les calèches stationnaient dans les remises devenues aujourd’hui les salles d’exposition du Musée du Cheval. 

Le Dôme

Jusqu’à la Révolution, les Écuries font la renommée du domaine, et de nombreux visiteurs de prestige viennent les visiter tel le frère de Marie-Antoinette, l’empereur Joseph II, le roi de Suède, Gustave III ou le futur tsar Paul Ier. Décorées de trophées de chasse, elles sont conçues pour le bien-être des chevaux.    

Avec la tourmente révolutionnaire, le prince de Bourbon et sa famille s’exilent, le château est pillé et en partie rasé. Les Grandes Écuries ne doivent leur salut qu’en devenant un lieu de casernement. Les décors en plomb sont retirés et fondus pour les munitions. Sous l’Empire, les écuries restent une caserne militaire. A la chute de l’Empire, le domaine est rendu à son ancien propriétaire, le prince Louis-Henri de Bourbon. N’ayant plus d'héritier mâle, il choisit de léguer son domaine à son filleul et petit-neveu Henri d’Orléans, Duc d’Aumale, cinquième fils du Roi Louis-Philippe. Le duc d’Aumale, dernière grande figure du domaine, n’a que 8 ans en 1830 lorsqu’il hérite de Chantilly. L’on croise alors la haute noblesse européenne sur les pelouses du Château et des Écuries, dont l'impératrice Sissi. Ayant perdu ses deux fils (il en a eu sept, dont deux seulement ont atteint l’âge adulte), il décide dès 1884 de léguer son Domaine à l’Institut de France, aujourd’hui encore propriétaire. 

La fontaine abreuvoir

Entre temps, l’herbe verte a attiré des amateurs de courses hippiques et un hippodrome a été construit non loin, alors que la forêt sert de lieu d'entraînement. 

Pendant la Première Guerre Mondiale, les Grandes Écuries accueillent les “chevaux vapeur” du Maréchal Joffre, participant à l’effort de guerre. Le domaine accueille également un hôpital militaire où sont soignés les nombreux blessés. 

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le lieu a une destinée toute différente puisqu’il est occupé par l’armée allemande jusqu’à la libération par les alliés. Les Grandes Écuries deviennent, après la seconde guerre mondiale, un centre équestre réputé.

Sculpture à l'entrée du Musée vivant du Cheval

En 1982, Yves Bienaimé, écuyer ayant enseigné dans les Grandes Écuries dans les années 1960, propose à l’Institut de France de les louer afin d’y créer le Musée vivant du cheval. Ses héritières œuvrent toujours aujourd’hui au rayonnement des Grandes Écuries en créant et en animant les spectacles qui émerveillent petits et grands. 

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Une mise en scène joyeuse et envolée

Conçue par Sophie et Virginie Bienaimé, la mise en scène reprend l’histoire du lieu illustrée par des tableaux mêlant dressage équestre, costumes historiques variés et parfois voltige impressionnante. Le parti pris de faire parler les Écuries via deux écuyères en tenue du XVIIIe siècle est original et très vivant, attirant l’attention des spectateurs sur les points clés de l’histoire des Grandes Écuries et de ses hôtes. Les numéros de voltige sont très impressionnants et dignes des meilleurs spectacles de cirque. 

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Les numéros s’enchaînent sans temps-mort, souvent comiques, parfois tragiques, parfois virevoltants ou de haute école. Chaque cheval fait entre une à trois apparitions, à chaque fois avec un numéro différent. L’on voit également des poneys et un âne. Les chevaux répondent parfaitement aux consignes des écuyères et exécutent leur numéro avec fluidité. Il est amusant de voir que certains semblent ne pas vouloir quitter la scène. 

Un jeu de lumière et une bande son travaillés accompagnent le travail des artistes sur leur monture, figurant une chasse à courre, un bombardement ou une scène de liesse.  

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Ayant nécessité de nombreux mois de préparation, ce spectacle est un ravissement pour les enfants et les adultes, qu’ils soient amateurs d’histoire ou amoureux des chevaux. 

10 questions à Sophie Bienaimé

Katatsumuri No Yume : Combien de temps a nécessité la préparation de ce spectacle ? 
Sophie Bienaimé : Alors, il faut trois ans pour dresser les chevaux, et il faut s’adapter au cheval. Il n’est pas possible de dresser un cheval pour un numéro en dépit de son caractère. C’est à force d’être dressé que l’on se dit qu’il serait bien pour ce numéro là. 
Ce spectacle a nécessité six mois de préparation entre l’écriture de l’histoire, la recherche des costumes, la recherche des musiques, la mise en scène, les répétitions. Comme on a trois spectacles par an, on enchaîne, donc on commence à y penser longtemps en avance. Ainsi, ma sœur s’occupe du spectacle de Noël et moi, je pense déjà au spectacle d’avril prochain. 

KNY : Ainsi, certains chevaux sont-ils plus adaptés à certains numéros ? 
SB : Toutes les cavalières ont un “piquet” de 3-4 chevaux à dresser puis, en fonction des âges des chevaux, certains sont plus ou moins avancés. Donc, les plus avancés on va les mettre dans des numéros en solo ou dans des numéros de haute école. Les moins avancés, on les met dans des numéros de groupe car l’on demande moins d'exigence technique mais on a l’exigence qu’ils s’entendent bien entre eux. Il faut déterminer qui va être à quelle place, s’ils sont capables de galoper ensemble. Donc c’est vraiment du sur mesure pour les chevaux. Un cheval va donner tout ce qu’il peut, mais il y a des choses qu’il ne peut pas faire, donc on ne va pas lui demander plus que ce qu’il peut. 

KNY : Comment se passe la répartition des rôles pour les écuyères ?  
SB :
Ce sont les chevaux qui nous le disent. C’est-à-dire que dans notre Piquet, on a toujours un cheval un peu plus avancé, un jeune cheval et un cheval entre les deux. En plus, comme on réalise plusieurs spectacles par semaine, dans ceux du mercredi et jeudi on va mettre un cheval et dans ceux du samedi et du dimanche on va en mettre un autre. On panache pour qu’ils restent toujours frais, toujours contents. Ainsi aujourd’hui, j’ai fait le numéro de la Libération qui est un numéro de liberté, et samedi et dimanche je serai remplacée par une autre cavalière qui a un autre numéro de liberté. C’est une recherche constante du bien être des chevaux, qu’ils soient contents d’être avec nous. Il y a des soins quotidiens et le matin, quand on les monte, on regarde comment ils sont. 

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KNY : Entre les spectacles, vous les entraînez ? 
SB :
Oui. Quand on est en période de spectacle, comme en ce moment, on entretient, on ne va pas leur apprendre un nouvel exercice. On entretient leur forme, leur moral, on va en forêt. Quand on n’a pas de spectacle ou deux par semaine, là on a plus de temps et on les éduque en leur apprenant un nouvel exercice. 

KNY : A partir de quel âge commence-t-on à les entraîner ? 
SB :
On achète les chevaux vers quatre ans. Entre trois et quatre ans, c’est la période de “débourrage”, c’est-à-dire la période où on va les monter pour la première fois. On les achète souvent débourrés, là, j’en ai un, il sait tourner, s'arrêter, trotter galoper, mais rien d’autre. Donc, maintenant il a tout à faire et ça, ça va me prendre deux ans. En même temps, il faut lui apprendre à ne pas avoir peur du public, des lumières, des applaudissements, des costumes. Puis voir s’il aime ou non, s’il est doué ou non, s’il est sensible ou non. Si c’est une bête de scène. 

KNY : Combien avez-vous d’équidés en ce moment 
SB :
Actuellement, on a 27 chevaux, 3 ânes et 7 poneys. 

Piste sous le Dôme (13 mètres de diamètre)

KNY : J’ai été un peu étonnée par la taille de la piste. Elle m’a semblé petite, mais on voit qu’ils y évoluent très bien 
SB :
Alors, la piste fait la taille exacte d’une piste de cirque, qui fait 13 mètres de diamètre. C’est la taille dont ont besoin les voltigeurs pour rester dans la force centrifuge et tomber à l’intérieur et pas à l’extérieur. 

KNY : Combien d’années les chevaux peuvent-ils participer aux spectacles ? 
SB :
On les garde le plus longtemps possible, maintenant vers 17-18 ans, on les met en retraite. Ça dépend des chevaux, certains peuvent avoir des problèmes physiques très jeunes. Mais avec le temps, on arrive mieux à les entretenir et surtout on sait mieux les entraîner, on a progressé de ce côté là. On en fait des sportifs de haut niveau et comme ils sont bien musclés, les articulations souffrent moins. On les sollicite très peu sous le dôme, donc ils peuvent rester plus longtemps.    

KNY : Combien de temps dure la formation des écuyères ? 
SB :
Je dirais une vie. Les deux dernières arrivées ont 21 et 23 ans et elles ont commencé petites, mais il leur a fallu passer leur BPJEPS puis une année pour être à l’aise sur la piste. Il faut apprendre à ne pas avoir peur de rentrer en scène, il faut pas mal de courage et l’esprit un peu “show”. Ensuite, il faut très bien connaître sa monture. On dit que pour se “marier” avec un cheval il faut 6 à 8 mois. Il faut les connaître par cœur et dépasser la technique pour pouvoir s’amuser. 

KNY : Où se passe la retraite des chevaux ?
SB :
On fait des petites annonces sur Facebook et on trouve des familles qui ont des prés obligatoirement et qui sont capables de les assumer financièrement. S’ils ne peuvent pas, on récupère nos chevaux et on les replace ailleurs. Ce sont de très très bons chevaux de loisir, mais on ne veut pas qu’ils fassent de spectacles 

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