Interview de Camille Moulin-Dupré lors de la Japan Expo 2019
12 août 2019A l’occasion du 20e impact de Japan Expo, j’ai eu la chance d’interviewer Camille Moulin-Dupré, auteur du surprenant et envoûtant manga français Le Voleur d’Estampes aux éditions Glénat.
Katatsumuri No Yume : Comment est né le projet du manga Le Voleur d’estampes ?
Camille Moulin-Dupré : Il y a eu plein, plein, plein d’étapes. Disons que je m'intéressais déjà à des jeux vidéo comme Okami ou Muramasa, je m'intéressais à ce que les japonais pouvaient faire autour de l’art traditionnel japonais en le modernisant. Après, il y a 10 ans, je suis allé au Japon, à Tokyo, après avoir fait un court métrage, et je me suis acheté des livres autour de l’estampe japonaise et j’ai su à ce moment là que je voulais raconter une histoire en estampe japonaise. Après, j’ai vu Fantastique Mr. Fox de Wes Anderson en 2010, qui narre les aventures d’un Renard Voleur, et en sortant du film qui m’a vraiment plu, je me suis dis, je veux raconter une histoire de voleur. Voici la genèse. L’idée, c’était de faire de la bande dessinée, d’expérimenter la case de la bande dessinée, mais en utilisant un autre graphisme, en proposant aux lecteurs une autre esthétique, celle de l’estampe japonaise qui est de la ligne claire. Je trouve que c’est la plus belle des lignes claires, c’est très beau, c’est trop rare l’estampe japonaise et je voulais la partager avec mes contemporains. Le public auquel je m’adressais c’était, à la base, les abonnées de NoLife, comme moi. Des personnes fans du Japon, qui connaissaient bien le manga et l’Asie. Et l’idée était également de proposer un livre qui soit suffisamment beau pour plaire aux personnes qui ne connaissent rien au Japon, que juste la force des images leur donne envie de s’y intéresser.
KNY : Quelles sont vos sources d’inspiration ?
CMD : Je voulais que le public connaisse mieux l’estampe japonaise. Il y a encore 10 ans, le grand public ne connaissait que Hokusai et, quand on parlait d’estampes, il n’y avait que Hokusai. Je connaissais d’autres auteurs qu’Hokusai car mon père, quand j’avais 6 ans, allait au Japon et il a rapporté des estampes d’Hokusai, des paysages de Hiroshige et des portraits de Harunobu. Donc, je voulais que mon voleur et mon héroïne aient les visages de Harunobu, je trouve que ce sont les plus beaux visages japonais, tout du moins chez les filles et en paysage, c’est Hiroshige qui, pour moi, est le maître des paysages et aussi le maître des couleurs. Parce que, au début, le projet était censé être en couleur, j’ai gardé ces dessins pour la couverture. Depuis, à partir du tome 2, j’ai pris de plus en plus confiance en moi et j’ai commencé à dessiner à la manière de Hokusai. Avant, il me faisait trop peur. C’est en dédicace que je me suis rendu compte que j’étais de plus en plus à l’aise. Pour le fantastique, il y a Kuniyoshi et Yoshitoshi qui est moins connu mais tout aussi important.
KNY : Pouvez-vous nous parler du design particulier du Voleur d’Estampes ?
CMD : Pour le design l’idée, quand tu fais de l'estampe japonaise, c’est vraiment de respecter les courbes, respecter l’architecture puisque c’est un dessin à la règle et sinon, les arbres et les pierres sont réalisés au pinceau. Quand tu as ces trois éléments, tu peux faire de l'estampe. Dans un premier temps, ce qui était important pour moi, c’était de respecter les compositions, j’ai cherché à être le plus précis possible, d’énormément me documenter.
KNY : Les deux personnages principaux sont des marginaux, bien loin de ce dont on a l’habitude en manga, comment vous est venue cette idée ?
CMD : En premier lieu, je voulais raconter une histoire de voleur, donc de marginal. Même si on prend un personnage comme Arsene Lupin, il arrive à s’intégrer dans la société, mais à la fin il se retrouve en marge. Pour la fille, je voulais montrer une sorte de petite princesse bien sous tous rapports quand on la regarde, mais qui avait une fêlure en elle. Et ça m’intéressait de créer un personnage de femme forte, mais qui paraisse faible en apparence. Quand tu regardes l’histoire, le Lieutenant, il n’y a que mon héroïne qui lui donne une baffe à la fin. Pourtant, elle est faible et elle se sent prisonnière dans sa propre maison. Je voulais aussi que ce soit deux personnages qui s’attirent. Le premier est censé ne rien avoir et tout voler aux autres mais qui est totalement libre, et la seconde, qui est censée être tout en haut dans la société mais qui, au final, est enfermée chez elle et n’a aucune liberté. Mes premières pages, c’était la rencontre du voleur et de la fille.
KNY : Autre point intéressant, c’est qu’aucun des personnages n’a de nom, pourquoi ?
CMD : Il y a plusieurs raisons ; en premier lieu, pour ne pas que ce soit un frein pour les lecteurs qui ne connaissent rien à la culture japonaise. J’aime bien construire mes personnages avec des archétypes. Le voleur est un voleur, son identité de jour est celle d’un jeune homme, son père travaille dans un restaurant, son voisin c’est le forgeron, etc. ça me permet également de raconter la vie des personnes du commun. Elle, c’est la fille du gouverneur, on comprend tout de suite que même si elle est en haut de la société, elle n’est que la “fille de”. Mon Colonel au début, c’était le Lieutenant, le bras droit. J’aime bien travailler sur des archétypes pour pouvoir les dépasser et aller en profondeur, montrer leur personnalité derrière cette image. Parce que, au final, le Forgeron ne pense pas du tout la même chose que le Pêcheur, il a une personnalité à lui, mais c’est comme ça qu’on le voit, c’est un simple forgeron comme c’est un simple pêcheur.
KNY : Entre le premier et le second tome, l’on remarque un fossé. Le premier est drôle et léger alors que le second est beaucoup plus sombre et tragique. Pourquoi une telle différence ?
CMD : Les deux tomes ont été écrits avant que j’entame les dessins. Je savais exactement où je voulais aller. La seule scène que je n’avais pas découpée, c’était le casse au temple. J’ai également ajouté les cauchemars avec le tengu. Le scénario est construit comme un “Rise and fall” qui met en scène la grandeur et la décadence de mon Voleur. Dans un premier temps, je voulais qu’il réussisse tout de manière insolente. C’est un petit voleur qui, peu à peu, devient un héros, voire un super héros. Il se fixe des objectifs toujours plus impressionnants. Au début, il vole un coffre, puis le salon du gouverneur, puis des armures, puis un Bouddha géant de plus de 10 mètres. A force d’aller toujours plus loin, il finit par se heurter à la réalité et je voulais faire quelque chose de plus amer. Après, depuis le début, je voulais raconter une société en crise : le Japon du XIXe siècle, au moment où tu sens que l’Occident arrive au Japon (ère Meiji). Pour moi, je voulais faire des parallèles avec notre époque actuelle, avec la mondialisation, on vit une période de crise comme l’actualité nous le rappelle régulièrement. C’était une manière de dépeindre la société actuelle au travers du Japon du XIXe siècle. Après, certes, la fin est amère, mais pour tout ce qui est triste ou violent, j’essaye de faire les plus belles images possibles. C’est très important, et Miyazaki le fait beaucoup dans Mon Voisin Totoro ou dans Princesse Mononoke. Pour les moments difficiles, il met beaucoup de soins et à mon modeste niveau, je fais pareil.
En fait, ce que je voulais créer, même si je ne pouvais pas en parler avant que le tome 2 ne soit sorti, c’était de raconter l’histoire de celui qui va créer l’étincelle de la révolte, et montrer que cette personne, celle qui crée l’étincelle, n’est pas forcément armée des meilleurs sentiments à la base. Je voulais qu’il y ait une sorte de destin tragique et romantique mais, que derrière tout ça, il y ait un fond social. Ce qui m’intéressait, c’est que mon héros soit un anti-héros. Dans les premiers scénarios, les gens trouvaient que mon héros était terriblement antipathique et, en effet, il n’est pas très sympathique. Du coup, je me suis intéressé à voir comment, à l’image de la série Dexter, on peut avoir de l’empathie pour un serial killer. En fait, c’est en rentrant dans ses pensées. C’est pour ça, et comme dans les mangas tu es souvent dans les pensées des personnages. Et, l‘autre empathie que l’on peut avoir avec lui, c’est qu’il a des super pouvoirs, qu’il fait des choses incroyables et, qu’il soit beau et élégant, c’était très important. Une sorte de gentleman cambrioleur mais qui n’a pas besoin de la parole, il est dans les gestes et dans l’action.
KNY : Dans le Voleur d’estampes, j’ai l’impression que c’est moins de la morale qu’un memento mori.
CMD : Tu as raison. On peut résumer le tome 2 comme “La Mort leur a joué un mauvais tour”. J’ai peut-être un fond gothique/EMO qui n’est jamais parti. En fait, il y a eu pas mal de décès et de personnes touchées par la maladie autour de moi entre le tome 1 et le tome 2. La mort était présente et il est vrai que, quand j’écrivais certaines images, il y avait un écho avec ma vie personnelle.
Celle qui a les angoisses [liées à la mort] c’est la fille du gouverneur, elle fait des cauchemars, une sorte de prophétie où elle sait que ça va mal se terminer, mais elle est incapable de dire comment, et ça, c’est des sentiments que l’on peut ressentir au quotidien. On vit quand même dans une période extrêmement angoissée. Des amis autour de moi pensent que l’Apocalypse va arriver du jour au lendemain. Ce sont vraiment des choses que tu peux ressentir de manière inconsciente ou sous-jacente, et j’avais vraiment besoin d’un personnage comme ça, car je pense qu’on vit dans une période qui est très angoissée. Ça m’intéressait aussi de montrer la société qui semble normale dans le tome 1 et qui se fissure totalement dans le tome 2. Et j’aime bien utiliser les symboles et les formes oniriques et poétiques d’où la présence de la mort.
KNY : J’ai appris que vous aviez travaillé avec Wes Anderson sur L’Île aux chiens, est-ce que cette expérience a modifié votre approche ou votre méthode de travail ?
CMD : Oui totalement ! Il m’a appelé entre le tome 1 et le tome 2 d’où le retard entre le tome 1 et le tome 2. C’est parce que j’ai travaillé pour Wes Anderson. Au début, c’était pour trois mois, et finalement ça a été pour un an et c’était un travail à temps complet et je ne pouvais pas faire autre chose à côté. Mais il m’a débloqué sur plusieurs points. Déjà, lui m’a fait confiance graphiquement et ça m’a permis d’avoir plus confiance en moi. Il m’a forcé à dessiner des sujets japonais que je n’aurais pas de moi-même intégré dans Le Voleur d’estampes, donc, je suis devenu plus versatile, je sais faire plus de choses. Il m’a demandé de faire des pages avec beaucoup de personnages et des éléments beaucoup plus petits. Je pense à mes tous petits soldats quand il y a la course poursuite dans le tome 2 par exemple. Ou bien, mon temple était déjà dessiné, mais je suis parti dans des choses beaucoup plus ornementales et détaillées, raffinées. Et l’autre chose qui est importante, c’est de m’accorder plus de liberté. Dans le tome 1, j’ai toujours des estampes de référence pour chaque page. Là, pour Wes Anderson, il fallait que j’oublie les références japonaises. Mon trait suffisait. Et je me suis rendu compte que je pouvais créer mes propres compositions, je ne suis plus obligé d’être orthodoxe, de respecter l’estampe japonaise. Là, j’ai essayé de faire des compositions qui soient plus orientées vers la narration et où le texte est posé, que ce soit le plus fluide possible pour le lecteur. Ça m’a beaucoup aidé. Sinon, c’est la gestion des noirs et blancs. Le tome 1 est très gris avec de nombreuses valeurs de gris, le tome 2 a beaucoup plus de noir. Je trouve qu’il est mieux imprimé et je suis plus fier du tome 2, qu’il est plus abouti en terme de projet. Quoi que l’on pense de l’histoire, graphiquement j’avais à cœur de montrer tous les progrès que j’avais fait avec Wes Anderson sur L’Île aux chiens.
KNY : Pouvez-vous nous parler de votre méthode de travail ?
CMD : Je travaille sur photoshop à la palette graphique. Je fais tout à la main. Mes personnages sont des pantins articulés. Je dessine mes personnages puis, c’est un peu la technique, de la stop motion. Je les dessine sous différents angles, que l’on puisse les faire tourner. Je viens de l’animation, donc je me décarcasse pour faire le visage très détaillé une fois. J’ai passé une semaine à faire le visage de la fille pour qu’il soit parfait. Pareil pour les kimono, j’ai fait quelques variantes et je change les motifs. Pour les décors, pareil, je crée plein de petits éléments modulaires que je peux réutiliser d’une case à l’autre. Ça c’est parce que je viens du jeu vidéo et du dessin animé où on fait beaucoup de réutilisations. Mais l'avantage, c’est que ça peut créer un vrai petit univers. c’est comme si je créais du Simcity dans l’idée. Ça permet de rendre vivant ma rue commerçante, de la faire exister pour le lecteur. Idem, mon temple existe vraiment, on peut voir tous les bâtiments sous différents angles. C’est une technique qui fait qu’au début, c’est assez lent à démarrer, mais généralement, à la fin, ça va super vite. J’ai mis 1 an à faire 120 pages et 3 mois à faire les 100 dernières pages du tome 2.
KNY : Donc, on passe du temps à créer des éléments puis après pour les utiliser rapidement, on va dans la bibliothèque et on les assemble ?
CMD : Oui, c’est ça, et du coup ça me permet de me focaliser à chaque fois sur de nouveaux détails sans avoir à redessiner. Ce n’est pas de la fainéantise ou une économie de moyens, mais une manière de proposer des choses toujours plus détaillées. J’ai tout un jeu de réutilisations. C’est ce qui m’a permis, pour Wes Anderson, de faire des images qui seraient impossibles à faire à la main. Tu peux faire des choses avec des milliers d’éléments. Mais j’ai un bon sens de la composition, du coup, je sais éviter l’aspect répétitif.
KNY : Pouvez-vous nous expliquer comment s’est passée la présentation de votre projet à votre éditeur ?
CMD : Quand j’ai commencé le projet, le manga français n’existait pas vraiment et je ne savais vraiment pas s’il allait pouvoir être édité. J’avais fait mes maquettes à la Maison des Auteurs où j’étais en résidence à Angoulême. J’avais fait sept maquettes différentes : en couleurs bords noirs, en couleurs bords blancs, en noir et blanc bords noirs, en noir et blanc bords blancs, format A3 et format A4 etc. Un de mes contacts connaissait une personne travaillant chez Glénat. J’ai envoyé un mail avec une vingtaine de pages déjà réalisées avec un scénario de l’histoire et Stéphane Ferrand, qui était le directeur éditorial chez Glénat manga à cette époque, m’a répondu en moins de 24h. Habituellement, ça prend plutôt un mois pour une réponse, même favorable. Là, j’ai senti qu’ils étaient intéressés. J’étais surpris, car à ce moment ils n’avaient pas encore édité de manga français, que de la traduction. Mais j’étais enchanté car au moins, chez Glénat Manga, ils n’allaient pas me dire “ton titre il est trop japonais”. C’est très important, car pour un artiste français qui fait du trait japonais, il y a quelques années on me regardait en me disant mais “Pourquoi tu fais ça ?! Pourquoi tu ne fais pas en Franco-Belge? Pourquoi tu ne mets pas des têtes manga sur tes personnages ?” Lui [Stéphane Ferrand] il avait compris que j’avais une vision et ils m’ont laissé une liberté artistique totale, c’était vraiment bien ! Ils ont juste changé le titre.
KNY : Comme le Voleur d’estampes est ce qui se rapproche le plus de la manga originale, est-ce que les japonais l’ont vu, comment ont-ils réagi ?
CMD : Oui, j’ai eu une bonne réception au Japon. J’ai fait le livre en faisant attention à être le plus respectueux possible de l’art traditionnel japonais, que si un japonais tombait sur mes dessins, qu’il ne trouve pas que j’ai fait n'importe quoi de sa culture. Généralement, ils trouvent ça très beau, très bien fait. Ce qui m’a surpris, c’est que les japonais connaissent très mal l’estampe japonaise. Ils connaissent Hokusai, ils connaissent Hiroshige, et puis c’est à peu près tout. Ce qui m’a également surpris, c’est que sur Twitter mais surtout sur Instagram, la première contrée, après les français, qui s’intéresse à mon travail sont les japonais. Ainsi, j’ai des musées d’estampes japonaises ou des tatoueurs japonais qui se sont abonnés à mon compte. La NHK (la télévision publique japonaise) est venue m’interviewer. Avec japonisme 2018, l’année dernière, ça s’est pas mal emballé et là, dernièrement j’ai fait partie du voyage présidentiel (fin juin-début juillet). On était neuf artistes et j’étais convié en tant que MANGAKA ! Avec mon éditrice, on travaille pour que le livre puisse sortir au Japon. Je sais qu’il est en vente dans les librairies françaises à Tokyo. C’est le réalisateur de la TV japonaise qui me dit “A oui ton livre je l’ai acheté à Tokyo” et là je dis “QUOI! QUOI! QUOI ! Il est à Tokyo mon livre !”.
Mon père avait aussi des expositions à Tokyo il y a quelques années, il avait pris des livres et il en avait offert. Je suis en relation avec une professeur qui s’appelle Brigitte Koyama-Richard qui est l’auteur de 1000 ans de manga, un super livre sur les mangas qui est un peu ma maître à penser. C’est en voyant certaines de ces estampes que j’ai eu envie de faire Le Voleur d’Estampes. La spirale vient d’une estampe qui est dans son livre que j’ai acheté il y a plus de 10 ans déjà. En résumé, il y a de plus en plus de rapprochement avec les japonais et j’espère que ça va continuer, voire même pouvoir partir en résidence là-bas pour travailler avec eux.
KNY : Va-t'il y avoir des adaptations ou des déclinaisons sur d’autres supports (mini série animée, un jeu vidéo, etc.) ?
CMD : Tout a été fait pour, chaque case peut-être animée comme pour le trailer. Tout peut partir directement en production, mais pour le moment, je n’ai pas vraiment noué de contacts avec des maisons de productions françaises. Je ne sais pas encore quel format choisir. Au début, je pensais à un court métrage d’animation mais les courts métrages durent 15 minutes maximum et mon histoire dépasse largement. Même le casse du temple je ne peux pas le faire rentrer en 15 minutes. Après, qui sait, si ça marche très bien au Japon, mais je ne pense pas que ça fonctionnera aussi bien que Tony [Valente] mais ce serait bien. Pour le moment, je ne sais pas trop mais je me laisse toujours l’opportunité de le faire. Après, à titre personnel, j’aimerais bien pouvoir retravailler dans le jeu vidéo ou dans le cinéma d’animation comme je l’ai fait récemment [L’Île aux Chiens de Wes Anderson], pas forcément en tant qu’auteur mais en tant qu’illustrateur.
Pour mes autres projets, j’ai un nouveau projet de manga que je veux développer. Je ne donne pas de date pour le moment, tant que je n’ai pas terminé d’écrire l’histoire, que ce n’est pas signé et que ce n’est pas prêt à 100%, je préfère ne pas faire attendre les lecteurs. Ce sera probablement un spin-off du Voleur d’Estampes, dans un monde plus fantastique. Je vais partir en résidence pour le créer, et j’aimerais qu’il y ait des combats de samouraïs dessinés comme Hokusai. Je me sent prêt à faire des scènes d’action depuis la scène dans le temple. Je trouve que ça demande un certain brio de faire des scènes d’action, ça ne s’improvise pas comme ça. Pour le tome 2 du Voleur d’Estampes, tous les soirs je regardais des animés d’action pour avoir la rythmique en tête, que le découpage vienne naturellement sans que j’ai à réfléchir. Il y aura un personnage féminin extrêmement fort et il y aura des Yokai [esprits japonais]. Je suis allé au Japon visiter une trentaine de villes en un mois pour repérer les décors, j’ai mis des photographies du Japon sur Instagram.
Ils ont déjà été très patients quand même et le tome 2 a très bien marché, et je me suis dit que j’avais de la chance d’avoir des lecteurs aussi patients. Après, je voulais aussi leur offrir de belles images donc j’ai pris le temps plutôt que de bâcler le second tome. Et j’aimerais faire des petits livres jeunesse de 12 ou 20 pages, où je peux vraiment me concentrer sur le dessin, très raffiné, plus gai et en couleur aussi.
KNY : Puisque vous êtes un des pionniers du manga français, est-ce que vous avez des conseils pour des personnes qui rêvent de devenir mangaka ?
CMD : Oui, il faut écrire une histoire dont on ne va pas se lasser et créer des personnages que l’on va vraiment aimer parce qu’on va passer tellement de pages avec eux, on va les redessiner un nombre de fois incalculable qu’il faut vraiment beaucoup aimer l’histoire que l’on fait. Dessiner 10 pages et dessiner 200 pages ce n’est pas du tout la même chose. Deuxièmement, au niveau des personnages, ça marche surtout pour les shonen, mais il faut créer des personnages qui soient capables d’évoluer. Quand tu prends l’exemple classique du shonen, c’est Dragon Ball, tu le vois petit, enfant, adulte, il se transforme en super Saiyan puis maintenant il arrête pas de changer de costumes. Mon Voleur, mine de rien, il a son identité de jour, son identité de nuit, il prend l’armure du Tengu et, à la fin, il est déguisé en moine aussi. Il a plusieurs apparences possibles. La Fille du Gouverneur, pareil, elle change de kimono tout le temps.
Il ne faut pas hésiter à s’inspirer des mangas que l’on aime, à regarder comment on fait les expressions, les gestes pour bien maîtriser les codes plutôt que de les inventer soi-même dans un premier temps. Il faut aussi s’intéresser à l’histoire de l’art en général, parce que, ce qui compte, ce sont les dessinateurs, ceux qui savent exprimer les sentiments avec un crayon et ne pas se borner qu’aux mangas. Si on aime le dessin, il faut s’ouvrir à tous types de dessins. Si on aime le manga, le découpage est très cinématographique. Il faut s’intéresser au cinéma et à la mise en scène, à mon avis.
Je vous remercie pour vos réponses très précises et complètes et pour le temps que vous m'avez accordé.
Visuels : LE VOLEUR D'ESTAMPES © 2019 Camille Moulin-Dupré / Éditions Glénat
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