Je me pose sur ta bouche, hypnotique pétale coloré. Ta beauté à peine éclose, déjà tu surpasses toutes les autres. Adossée à cet arbre centenaire, tu irradies sous le soleil du printemps. Ta physionomie singulière trahit une origine lointaine. Mais déjà le parfum de ton nectar m'enivre, et je cherche à plonger en toi au plus profond de tes replis secrets vers ton cœur précieux. Souvent, je badine et butine tes consœurs, mais toujours je reviens vers toi. Chaque matin, lorsque je m’éveille dans cette cité dortoir, c'est ton odeur qui m'enveloppe. Alors je m’élance vers toi, prête à tout pour te retrouver.

Été

Les jours se succèdent tout comme les saisons mais, à chaque fois que je te vois, c'est un coup de foudre. Ton éclat, ton odeur, tout en toi me réchauffe et me réconforte de cette vie de labeur. Je fends l'espace et, ivre de bonheur, je danse, je virevolte et toi tu hoches délicatement la tête, accueillante comme toujours.

Je m'approche, le nectar savoureux coule déjà sur le velours de ta peau colorée. Je le recueille du bout de la langue. Soudain, je tressaille de plaisir. Un courant électrique parcourt tout mon être et gonfle mon corps.

Puis, le soir venu, après de longues heures passées à s'ébattre, repue de toi, je repars et m'endors paisiblement, parcourant en songe ton anatomie délicate en tous sens. Je voyage à l'infini. Les jours et les semaines passent et jamais je ne me lasse de toi. Lors de ces instants d'éternité où nous ne formons plus qu'un, je voudrais que le temps s'arrête. Sous le soleil estival, tu exhales un parfum radieux, unique, de ton lointain pays. Un lieu que je ne verrai jamais, mais que j'imagine à travers toi. La moiteur de l'atmosphère, tes sœurs aux parfums lourds, la couleur rosée de ton calice dans lequel j'aime tant tremper ma trompe. Parfois j'imagine le long chemin que tu as parcouru avant de parvenir à moi. Étais tu tremblante de peur ou insouciante ?
 

Automne

Voilà que les jours raccourcissent, tout comme le temps passé à tes côtés. Tu sembles fatiguée, ton éclat pâlit, ton odeur se fait plus discrète, presque sèche. Je reste à tes côtés alors que tu t’étioles lentement. Tu te ternis de jour en jour, attisant ma peine. Il n'est maintenant plus question de voyage parfumé à tes côtés. Et voilà que la morsure implacable de l'hiver t’enlève à moi. Un dernier baiser et je retourne dans mon alvéole où les songes de Morphée nous réuniront encore quelques mois dans une explosion parfumée.

 

Épilogue :

Hiver

Seule ! Je me sens si seule dans cette étendue glacée. Personne pour m'accompagner dans cette infinie blancheur. Toujours je me dresse, immobile sous le vent, tournée vers le pâle soleil. Les jours sont si courts, mais en même temps, à quoi bon, puisque je ne croise jamais personne. Pourtant, je ne me décourage pas et exhale mon plus doux parfum. Mais dans ce froid, je ne sais où il va se perdre.

Il me faut attendre la fonte des neiges, alors que ma beauté se flétrit, pour voir poindre de petits bourgeons tout autour de moi. Et dans les dernières bouffées hivernales, toujours aucun visiteur. Que ne suis-je née en été, là au moins, même perdue dans la foule colorée, je serais entourée. A quoi bon être reine des neiges s'il n'y a personne pour m'admirer, ou ne serait-ce que me parler ? Parfois, alors que je m'endors pour une nouvelle année, j'entends un bizzz sourd et je sens le souffle d'une aile, mais il est déjà trop tard pour moi, je n'attire déjà plus les regards.

 

[Voici mon premier texte d'invention totale, je serais ravie d'avoir vos retours positifs ou négatifs afin de progresser dans ce type d'écriture]

Retour à l'accueil