Les catacombes de Paris : « Arrête, c’est ici l’empire de la mort »
17 avr. 201723 mètres sous terre gisent les restes de un a deux millions de parisiens ayant vécu dans la capitale du XIIe au XVIIIe siècle. Visite d'un lieu étrange où la mémoire et le recueillement côtoient la curiosité morbide. Une vraie expérience !
Un peu d'histoire
Les célèbres catacombes de Paris, sises dans d’anciennes carrières, loin sous le niveau du métro, sont le lieu du dernier repos (quoique pas très reposant avec tous ces promeneurs) d'un à deux millions de parisiens, allant du Moyen Âge au XVIIIe siècle. Cette cathédrale mortuaire date de la fin du XVIIIe siècle. Les cimetières paroissiaux parisiens débordent, les riverains se plaignent des odeurs (je les comprends) et tombent malades. Pour des raisons de salubrité publique, Louis XVI a ordonné que l'ensemble des cimetières paroissiaux de Paris soient vidés pour cause d'hygiène. En 1785, le grand cimetière des innocents (dont il ne reste que la fontaine) près des halles est le premier à être transféré. Les ossements ont alors été littéralement déversés dans les anciennes carrières par un trou d'une vingtaine de mètres. Lors de l'impact, les ossements se sont dispersés et pour beaucoup abîmés.
De 1810 à 1814, Héricart de Thury, inspecteur général des carrières, aménage le lieu pour la visite au public dans un style romantico-macabre que l'on connaît aujourd'hui. Pour dresser les murs, il utilise les fémurs et les boites crâniennes qui sont les os les plus solides du corps humains. Les autres ossements sont cachés derrière, en vrac. L'épaisseur « d'os » (étrange comme phrase), dépasse rarement un a deux mètres. Héricart de Thury ponctue le parcours de sentences mystico-religieuses et d’obélisques issues de l'art funéraire traditionnel.
Les « versements » ossuaires se poursuivent jusqu'au milieu du XIXe siècle avec quelques versements archéologiques exceptionnels jusqu'aux années 1960. En 1983, la Direction des Affaires culturelles de la Ville de Paris récupère la gestion des Catacombes. En juillet 2002, les Catacombes sont rattachées au musée Carnavalet - Histoire de Paris. En 2008, réouverture des Catacombes après 3 mois de travaux, notamment dans la galerie de Port-Mahon fermée depuis 1995. 2017voit l'amélioration du parcours, élargissement de l'escalier de sortie, création d'une boutique « souvenirs » et bientôt une exposition sera proposée.
Ma visite
Pendant la descente des longs, très longs escaliers, j'ai commencé à me demander ce que je faisais là ! Au bout de 130 marches (je ne les ai pas comptées, c'est sur le site officiel :p ) plus de marche arrière possible ! C'est parti pour 2km de visite en une petite heure (une éternité pour moi). La guide est calme, des personnes font des blagounettes et moi, je reste bien au centre du groupe, histoire de ne rien toucher ou effleurer (beurk et re-beurk). La première partie de la visite est assez calme, point d'ossements mais des galeries de carrières humides, vestiges de l'ancienne mer tropicale qui recouvrait Paris il y a 45 millions d'années, puis de la construction de la ville avec le tuffeau calcaire extrait des lieux.
Soudain, l'entrée de l'ossuaire municipal. Petite tension mêlée d’excitation dans le groupe. Et là, sur 800 m, les parisiens défunts nous attendent et nous contemplent de leurs orbites creux. Tout est bien rangé, pas si macabre finalement mais vraiment étrange. Les tags sur les murs et les ossements témoignent du vandalisme de certains, d'autres encore, plus morbides, tentent de subtiliser un ossement (les sacs sont fouillés à la sortie heureusement). Dans ce lieu confiné, l’atmosphère est lourde et humide, malgré les 14°C maintenus en permanence. Le sol bourbeux et glissant nécessite de faire quelque peu attention quand on marche.
C'est avec un certain soulagement que je suis sortie de ce lieu. Bien que n'étant pas spécialement mystique, cette visite a vraiment été frappante pour moi, avec quelque chose de mélancolique et un certain recueillement dû aux morts. J'ai vécu cette visite comme une vanité, un memento mori géant et grandiloquent. Je pensais m'être préparée en regardant des photographies, mais non.
La visite se termine par la remontée de 213 marches, soit l'équivalent d'un immeuble de cinq étages. J'arrive à la boutique souvenirs flambant neuve. Elle est très lumineuse et immaculée, ce qui contraste fortement avec les catacombes. Une colonne m'a fait penser … à des vertèbres…
A savoir !
Pour des raisons de sécurité, il ne peut y avoir que 200 personnes simultanément dans le parcours, ce qui explique les longues files d'attentes.
Les catacombophiles ne vont pas dans les catacombes mais dans les anciennes carrières. Depuis les années 2000, les accès dérobés entre les carrières et les catacombes sont fermés.
Contrairement à la légende il n'y a pas 6 millions de corps dans les catacombes, mais un à deux millions d'après les comptes paroissiaux.
Il y a du personnel d'accueil et de surveillance dans les couloirs (personnellement, je ne pourrais pas).
Il y a parmi la foule d'anonymes quelques personnalités célèbres dont, entre autres, les écrivains François Rabelais (entre 1483 et 1494 – 1553), Jean de la Fontaine (1621 - 1698) et Charles Perrault (1628 - 1703), le sculpteur François Girardon (1628 – 1715), le peintre Simon Vouet (1590 – 1649), les architectes Salomon de Brosse (1571 – 1626), Claude Perrault (1613 – 1688) ou encore Jules Hardouin-Mansart (1646 – 1708).
Au moment de la Révolution, certains morts furent inhumés directement aux Catacombes : les corps des gardes suisses tués lors de la prise des Tuileries le 10 août 1792, de même que les victimes des massacres de septembre 1792. Enfin, les restes de guillotinés furent transférés depuis leur première fosse d’inhumation : Lavoisier (1743 – 1794), Madame Elisabeth (1764 – 1794), Camille et Lucile Desmoulins (1760 – 1794 et 1771 – 1794), Danton (1759 – 1794), Robespierre (1758 – 1794)…
Les Catacombes sont le troisième lieu touristique de la ville de Paris le plus visité. J'ai bien dit de la Ville de Paris.
Les « murs d'os » sont régulièrement remontés. Depuis quelques années, le ciment n'est plus utilisé et il s'agit d'emboiter les fémurs pour les faire tenir.
Enfin, certaines personnes ont demandé à être enterrées dans les Catacombes, ce qui est impossible.
Catacombes de Paris - Musée Carnavalet - Histoire de la ville de Paris
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