Un peu d'éxotisme : le jardin d'agronomie tropicale
14 janv. 2011C'est par un temps couvert que je me suis rendue, hier matin, au jardin d'agronomie tropicale du bois de Vincennes (RER A, direction Nogent-sur-Marne). Ce jardin, qui appartient depuis 2003 à la ville de Paris, est (à mon avis) injustement méconnu. Construit en 1899, ce jardin d'essai colonial, où l'on acclimatait des plants en provenance des colonies afin de les multiplier et de les envoyer dans d'autres colonies, accueille, d'avril à octobre 1907, une exposition coloniale. Quelques vestiges de cet événement sont toujours disséminés dans les 4,5 ha du jardin.
Dès l'entrée, le ton est donné. On est accueilli par une grande porte chinoise, hélas très détériorée, mais qui conserve une bonne partie de sa polychromie et un charme certain. Elle est mieux conservée du côté forêt.
En prenant le chemin de droite, on se retrouve devant quatres statues, fragments d'une grande statue à la gloire de la France et de ses colonies.
La France
Les Antilles
L'Afrique (sa tête est actuellement conservée en attente de restauration)
Tout en parcourant ce petit bois, d'où les essences tropicales ont presque toutes disparues (à l'exception des bambous) au profit de grands chênes, on aperçoit soudain un grand Stûpa (ou Phnom) élevé en 1926, en mémoire des Cambodgiens et Laotiens morts pour la France. Les promeneurs attentifs remarqueront également la stèle commémorative de l'hôpital mosquée (mosquée de l'exposition coloniale convertie en hôpital dès 1915).
Stèle commémorative de l'hôpital mosquée (il manque la vasque de céramique)
Le stûpa
Après avoir fait le tour de cet impressionnant monument, on fait quelques pas à peine et on traverse un beau pont "des Najas", bien conservé, et nous voici au milieu des vestiges du village indochinois ou esplanade du Dinh, avec un vaste portique enserrant un grand tripode de bronze dit "grande urne funéraire" et un temple dédié depuis les années 1920 aux soldats indochinois morts pour la France. Le petit temple actuel remplace le précédent, édifié pour l'exposition coloniale de Marseille de 1906 et transporté à Paris un an plus tard. Lors de sa construction, ce temple était le représentant des constructions cochinchinoises. Il a disparu dans les flammes en 1981. Il ne subsite que quelques photographies de cette batisse tout en bois et de son intérieur.
Pont des Nâjas
Stûpa et pont des Najas
Un petit pagodon, partiellement conservé, se dresse sur le bord du chemin, juste avant une intersection, en face, la partie indochinoise, à gauche, un petit sentier conduisant à un autre pont, dont les scuptures faîtales ont disparues.
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Côté et face arrière du pagodon. Il manque actuellement la partie supérieure du toit.
Pont Tonkinois
Temple
Autre vue du Temple
Rampe d'escalier du temple
Portique indochinois
Allégorie des quatre éléments et tripode de bronze (ou grande urne funéraire)
Juste à droite de l'espace indochinois se trouve un monument funéraire dédié aux indochinois chrétiens morts pour la France.
Monument aux indochinois chrétiens morts pour la France.
Dans la partie centrale du jardin, plusieurs batiments d'époque sont toujours debout, dans des états de conservation assez disparates, allant du "parfaitement en état" au "dangereux ne pas approcher" cas de la serre du Dahomey ou du pavillon de la Réunion (me semble-t-il). Ce dernier à été récupéré lors de l'exposition universelle de 1900.
Sur le sentier nous avons croisé les statues d' Eugène Etienne et de Persée.
Au bout de ce chemin se trouve le monument aux soldats malgaches morts pour la France.
Après vérification sur un plan, il semble qu'il me manque quelques monuments, vestiges et pavillons dont voici la liste :
- Monument aux soldats d'Afrique Noire morts pour la France
- le piège à tigre
- le pavillon du Maroc
Après l'exposition coloniale de 1907 qui a vu 2 millions de visiteurs, le jardin à été laissé tel quel jusqu'à la Première Guerre Mondiale, où il a accueilli un hôpital et des campements de soldats venant des colonies, ce qui explique les nombreux monuments aux morts pour les soldats des anciennes colonies. Il est ensuite progressivement tombé dans l'oubli pendant près d'un siècle, ce qui explique l'état des batiments et la végétation luxuriante. Malgré son inscription comme monument historique, le 1er juin 1994, il n'est pas d'avantage protégé. Il faut attendre 2003, lorsque la ville de Paris le rachète, pour que des travaux de consolidation et de restauration débutent. Il réouvre au public en 2006, bien que les travaux ne soient pas terminés.
Lorsque j'ai découvert ce jardin, j'ai été non seulement séduite par l'atmosphère à la fois pittoresque et mélancolique qui se dégage de ce jardin, mais également agréablement surprise de sentir la nature. Et oui, dit comme ça c'est bizarre, mais c'est vrai, je n'ai pas retrouvé ça dans les autres jardins parisiens visités.
Pour les curieux, voici un ouvrage qui pourrait vous intéresser : LEVÊQUE Isabelle, PINON Dominique, GRIFFON Michel, Le jardin d'agronomie tropicale : de l'agriculture coloniale au développement durable, acte sud/CIRAD, Paris, 2005
Divisé en plusieurs chapitres thématiques, il est richement illustré et documenté.