Parmi les jardins publics parisiens, celui jouxtant le musée de Cluny est à la fois agréable et riche de références sur l'idéologie médiévale du jardin et de la nature en général. Ce charmant petit jardin a été créé en 2000, à l'instigation d'Élisabeth Antoine, alors conservatrice au musée. Il occupe une surface totale de 5 000m2 et est constitué de quatre parties (la forêt de la licorne, les terrasses, le chemin creux et le square Paul-Painlevé, qui est pourtant un jardin parisien) suivant les plans des architectes paysagistes Eric Ossart et Arnaud Maurières.

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la rose d'or de la cathédrale de Bâle

La partie principale du jardin, sorte de microcosme, est formée de plusieurs terrasses représentant les aspects principaux du jardin médiéval : jardin nourricier, jardin des simples, jardin de la Vierge, jardin d'amour, prairie ... Ils ont été recréés grâce aux recherches et comparaisons avec les plantes représentées sur les œuvres des collections, et en particulier les tapisseries de la Dame à la licorne ou encore de la vie seigneuriale, ... regorgeant de plantes, tel que, les oeuillets, la menthe, les pervenches, ...

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L'odorat, une des six tapisseries de La Dame à la Licorne

Mais également des masques feuillus, des vitraux, .... l'identification de ces diverses espèces de plantes a duré près d'un an pour la création des différents espaces du jardin. Les sources littéraires n'ont pas non plus été oubliées, comme le ménagier du Bourgeois de Paris, le recueil de recettes médicinales de Platearus, le roman de la rose, ...

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Le bain, l'une des tapisseries de la série "la vie seigneuriale" 

Le ménagier regroupe les plantes comestibles les plus utilisées à cette époque : chou, cardon (cousin de l'artichaut, toujours cultivé dans le lyonnais), groseilles à maquerot, panais,...  Et tout un tas de plantes aromatiques : ciboulette, différentes sortes d'ail, ...

On retrouve aussi les simples les plus utilisées en médecine (sauge, hysope, soucis, menthe, mélisse, la rue, une variété d’absinthe, ...) la rue, qui a presque totalement disparu de nos jardins, est pourtant tout à fait impressionnante. Les simples permettaient de faire des remèdes sans mélange, donc simple et réalisable sans l'intervention d'un apothicaire.

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Jardin des simples et préau

Le jardin de la Vierge regroupe de nombreuses sortes de rosiers et de fleurs rappelant les vertus de la mère du Christ, les fraises aux feuilles trilobées comme la Trinité et aux fruits nourrissant les enfants du paradis lors de certaines célébrations, les ancolies rappelant la colombe du Saint Esprit, le lys (pas besoin d'explications), des digitales dites "gant de Notre-Dame", les pensées pour la modestie, ...

Le jardin d'amour, jardin ceint de treillages où des banquettes de gazon parsemé de violettes (pour les timides) et d'oeuillets (fleurs des fiançailles) accueillent les couples, où les soupirants peuvent compter fleurette à la dame de leurs pensées. Des topiaires en pot annoncent déjà ce qui fera par la suite la gloire du jardin régulier (anciennement appelé " à la française"). 

Enfin, le préau, prairie herbacée, quintessence du jardin médiéval. Le terme de préau désignait généralement un verger où il faisait bon se prélasser, mais désignait parfois également tout le jardin. Ici, il est piqué de nombreuses fleurs : sauges, fraisiers, jonquilles, ... Le centre du préau est agrémenté d'une fontaine "aux roseaux d'argent" d'où partent quatre canaux représentant les quatre fleuves du paradis irriguant le monde.

Les autres parties du jardin comprennent la "forêt de la licorne" représentant la partie obscure et païenne de la nature, peuplée d'animaux et d'hommes sauvages, d'anciennes magies, ... Paradoxalement, la forêt est aussi un lieu de plaisir noble, avec la chasse, et de retrait du monde pour les ermites. On notera la présence, sur le dallage du chemin, d' empreintes de petits animaux, qui ne sont autres que ceux de la Dame à la Licorne qui, dit-on, s'échappent régulièrement  nuitamment.

De l'autre côté du musée, le square Paul Painlevé comporte, dans sa partie centrale, un mille-fleurs...au printemps et en été.

Bref, vous l'aurez compris, ce jardin est un haut lieu de culture dans tous les sens du terme.

 

Le site du musée  propose une petite fiche très intéressante et synthétique.

Pour les livres, il y a Sur la terre comme au ciel : jardin d'Occident à la fin du Moyen Âge, 2002, RMN, Paris

MAJ : Le jardin est actuellement fermé pour une durée indéterminée (sniff)

Ps : cet article a été recommandé par le Musée de Cluny sur twitter le 30 mars 2012 (Yes)

 

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