Shinobu Kaitani, auteur du percutant Liar Game, met en images l'œuvre originale de Takeshi Natsuhara autour de l’économie dans la société japonaise et la manière dont les ficelles sont dévoyées. C’est aux éditions Delcourt/Tonkam que ça se passe.

Yohei Kamo est un jeune homme fantasque dont la grande passion est l’étude des êtres humains et de l’économie. Cet économiste de génie s’intéresse aux biais qui poussent les personnes à faire de mauvais choix en matière budgétaire et comment les escrocs s’engouffrent dans les moindres failles. Ce professeur émérite a d’ailleurs regroupé ses théories sous le nom de Kamorisme non pas par vanité mais par assimilation du canard “kamo” au pigeon au sens figuré.

Un pays profondément inégalitaire

Qui n’a jamais été au Japon ne se doute probablement pas de la profonde inégalité économique qui gangrène le pays. Puissance économique du top 10 mondial et un chômage officiel relativement bas, le Japon voit une partie de sa population marginalisée et souffrir de l’économie parallèle totalement illégale mais pourtant parfaitement admise.

Arnaques, détournements, chantages, les plus faibles économiquement sont la première cible des truands de toutes envergures et ont toutes les peines du monde à se sortir de situations financières inextricables. La situation est particulièrement vraie pour les femmes isolées.

Ici, le discours est nettement moins cru que dans Ushijima l'usurier de l’ombre mais le fond reste le même sur la détresse dans laquelle sont plongées les victimes.

Les biais cognitifs

Outre l’aspect sociologique, le premier tome décortique plusieurs biais cognitifs qui poussent les futures victimes dans les filets des marauds. Il montre également que tout le monde peut se retrouver endetté malgré son attention.

Les biais sont nombreux et ancrés aussi bien chez les victimes que les auteurs de méfaits, ce qui permet à Kamo de comprendre et de retourner la situation. 

La morale vaincra

Avec un rythme enlevé et des notes d’humour, le titre aborde de nombreux sujets et explique quelques-unes des arnaques les plus courantes. La fin du tome aborde un montage plus complexe. Chaque cas est expliqué avec clarté, puis Kamo va tout mettre en œuvre pour redresser la situation. Mais tel un Robin des bois, il ne fait pas appel à la justice et règle la situation par ses propres moyens.

Côté graphismes, Shinobu Kaitani propose un travail soigné et expressif avec des visages, surtout masculins, assez réalistes. Les chapitres sont à la fois dynamiques et très lisibles sans élément superflu.

J’ai apprécié ce premier tome de la fin du système par sa manière d’aborder des sujets complexes avec une certaine simplicité et des exemples concrets. De plus, malgré des thèmes sordides, en tant que lecteur on ne sort pas mal à l’aise. Au contraire, on en redemande ! Le cahier final, très dense, est intéressant bien que moins digeste.

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