Poor Little Mina : fantôme, fantôme
29 nov. 2024La collection Moon Light s'enrichit d’un nouveau manga one-shot avec Poor Little Mina de YAMAJI Ebine. Idéal pour les amateurs de fantômes.
Mina est morte juste après avoir trouvé l’amour. Cette frustration l’empêche de trouver le chemin vers l’autre monde et de trouver enfin la paix. Maintenant qu’elle ne souffre plus de sa longue maladie, elle contracte la plus horrible des solitudes. Il faut qu’elle trouve quelqu’un pour l’aider. Mais qui ? Alors que personne ne peut la voir et l’entendre… Le second récit revient sur un tendre amour d’enfance et son évolution au fil du temps.
Histoires de fantômes
Sorti peu avant Halloween, Poor Little Mina débute par une histoire de fantôme digne des nouvelles “gothiques” du XIXe siècle où le fantôme de la jeune Mina ne parvient pas à trouver le repos et combat sa solitude dans son attachement aux vivants. La présence de ce fantôme n’est pas sans conséquence sur ceux qu'elle approche.
Le second récit est tiré d’une œuvre originale de Theodor Storm : Immensee dans lequel un homme se souvient de son amour de jeunesse et de son évolution. Ici, ce sont les fantômes du passé qui hantent le vieil homme. Et dans ce cas, il n’y a pas de remède magique, juste des regrets.
Amours contrariés
Que ce soit la jeune Mina qui décède alors qu’elle vient tout juste de s’éprendre d’un jeune homme rencontré lors d’un pique-nique et qui ne parvient pas à trouver le chemin de l’au-delà à cause de cet attachement ou le lien sentimental de Reinhart pour Elisabeth, son amie d’enfance, alors que plusieurs décennies se sont passées depuis leur dernière rencontre, les protagonistes ont une forte dépendance amoureuse qui semble les empêcher de tourner la page et d’avancer.
Si Mina, jeune fille de santé fragile, ne rêvait que de crinolines et de mariage comme nombre de jeunes femmes de son âge à cette époque, il faut aussi noter que son état de santé précaire l'empêchait de fréquenter d’autres personnes de son âge. Elle se sentait donc déjà éperdument seule de son vivant. Sa situation désespérée parvient tout de même à toucher Sabrina qui pourtant est bien au fait des risques encourus. Heureusement, Marc, son fiancé, trouve une solution efficace.
Reinhart est beaucoup plus fautif dans sa solitude. Elisabeth et lui étaient inséparables depuis l’enfance. Pendant toutes leurs jeunes années, il lui a promis le mariage à l’âge adulte. Voyant Elisabeth comme une muse acquise, il lui écrivait des poèmes mais, peu à peu, il a commencé à la négliger. Elle l’a attendu sagement dans la solitude plusieurs années alors que des vœux de fiançailles auraient pu être prononcés avant un mariage à l’âge légal. Adolescente, elle l’a averti qu’un jeune homme de leur âge et de bonne condition la courtisait, mais Reinhart s’en est courroucé sans reprendre la main. Elle a temporisé un temps. Il a préféré ne pas froisser leur ami commun que de se déclarer à Elisabeth et tenir ses engagements avant de fuir lâchement. Il n’est donc pas étonnant que, dans son grand âge, cet homme, sans se remettre en question, repense à la pure jeune fille qui a tant soupiré pour lui avant de se résigner à un convenable mariage sans amour (en ce qui la concerne). Il a donc gâché sa vie et celle de sa tendre amie par manque d’affirmation.
Poor Little Mina propose des récits pétris de nostalgie dans une Europe (pays germaniques ou Angleterre ?) du XIXe siècle relativement aisée, mais où les femmes (trois sont impliquées dans ces deux récits) n’ont pour seule perspective que le mariage. Mina le désire ardemment pour tromper sa solitude et s’intégrer à la société (enfin c’est mon impression), Elisabeth y est plus ou moins contrainte par son rang. Son père n’étant jamais cité, il est à supposer qu’il est déjà décédé et que sa mère se retrouve donc dans une situation sociale relativement précaire comme de nombreuses veuves à cette époque, même dans les classes les plus aisées. Elisabeth doit donc convoler rapidement pour assurer à elle-même et à sa mère la sécurité d’un foyer sous l’aile d’un époux fortuné. La femme en tant que personne juridique était mineure devant la loi et ne pouvait donc jouir de son patrimoine ou même de son libre arbitre. Sabrina, pour sa part, semble plus âgée et avoir trouvé une relation équilibrée avec son fiancé. Cependant, elle fait preuve d’un esprit de sacrifice, paraît-il typiquement féminin, jusqu’à se mettre en danger.
Je vais un peu loin dans mon analyse, mais trop souvent le XIXe siècle est vu comme idyllique, une sorte de passé idéal perdu. Le XIXe siècle était extrêmement dur, tourmenté et inégalitaire.
Pour en revenir au récit, les intrigues sont tragiques, mais trouvent une issue convaincante même si le surnaturel ou le fantastique n’est jamais loin. Les graphismes, à la fois épurés et travaillés, arborent malgré tout une certaine douceur. Les personnages ont des visages souvent expressifs mais sans exagération. Dans certains cas, un manque d’expression est également très parlant. De ce point de vue, le dessin sert parfaitement le récit.
Poor Little Mina est un one-shot relativement atypique qui joue sur un registre assez subtil dans la mise en scène des sentiments humains. Je l’ai lu d’une seule traite, ce qui est toujours bon signe.
Titre alternatif : Poor Little Mina: a Ghost Tale / Kawaisō na Miina
Titre original : Kawaisou na Miina / かわいそうなミーナ
Origine : Japon Japon - 2019
Année VF : 2024
Type : Seinen
Genres : Fantastique - Romance
Thèmes : Amour - Fantômes - Mort - Voyage
Auteur : Yamaji Ebine
Traducteur : Essia Mokdad
Éditeur VF : Delcourt/Tonkam (Moonlight)
Prépublié dans : Comic Beam
Nb volumes VO : 1 (Terminé)
Nb volumes VF : 1 (Terminé)
Prix : 8.50 €
Âge conseillé : 12 ans et +