Les mangas et les super-héros, convergences et divergences
07 mai 2020Les mangas et les super-héros sont intimement liés comme le prouvent les rayons des librairies. Si le sentai est typiquement japonais, la convergence avec le comics US se fait de plus en plus présente et ce, quelque soit le type de manga. Ceci est plus particulièrement vrai pour les shonen dont le lectorat apprécie tout particulièrement ces valeureux héros qui sortent de l'ordinaire et qui combattent le mal, dotés de pouvoirs “magiques”.
Le super-héros valeur sûre des mangas
Cette tradition du super-héros remonte assez loin puisque Tezuka, le dieu du manga, ne s'est jamais privé de conférer des super-pouvoirs à certains de ses personnages. C'est ainsi le cas d'Astro le petit robot qui combat les méchants et sauve régulièrement la planète. L’on sait que le prolifique auteur admirait Disney ainsi que les autres productions américaines de pop, mais ajoutait à ses créations une touche typiquement japonaise. Depuis, Tezuka et Astro ont fait de nombreux émules, que ce soit dans les shonen ou les seinen.
Les super-héros font désormais tellement partie de la culture manga que chaque génération a ses séries cultes : les Chevaliers du Zodiaque, Cobra, Dragon Ball et tant d’autres pour les années 70 à 90. Depuis moins d’une dizaine d’années, une nouvelle génération de super- héros voit le jour avec de nouveaux hits comme One Punch Man chez Kurokawa qui narre la vie quotidienne et morne de Saitama, l'homme le plus puissant de la Terre, voire de l'univers, My Hero Academia chez Ki-oon ou comment devenir un super-héros en suivant une formation spéciale pour futurs héros. Toujours chez Kurokawa, il y a Hamatora de Yûki Kodama, auteur du déjanté Blood Lad et de Yukinori Kitajima. Dans Hamatora, de jeunes gens avec des capacités physiques ou psychiques hors normes s'unissent pour résoudre des affaires complexes.
Dans le plus pur style de super-héros, l'on retrouve chez Tonkam Hero Masque où la découverte par le héros d'un masque conférant des super-pouvoirs déclenche l'intrigue, d'autant qu'il n'est pas le seul à en avoir trouvé un.
Récemment, Ultraman fait un retour gagnant chez Kurokawa sous la forme d'une suite, puisqu'il se concentre sur le fils du premier Ultraman. Il allie force et vitesse surhumaine à une armure technologique de pointe.
Enfin, Ki-oon se démarque avec Last Hero Inuyashiki de Hiroya Oku et sa vision totalement décalée et sensible du super-héros et de son antagoniste le super-vilain. Ici, c'est la psychologie des personnages qui tient l'intrigue, même si les scènes d’action ne sont pas en reste.
Dans VS Versus Earth de Yoshihiko Watanabe et Kazutomo Ichitomo chez Kurokawa, le jeune héros obtient ses super-pouvoirs lorsqu'il frôle la mort et qu'un morceau d'écorce terrestre fusionne avec lui.
Kazé n’est pas en reste avec Terra Formars de Yû Sasuga et Kenichi Tachibana. Ici, il est moins question de super-héros que de sur-hommes et sur-femmes puisque les protagonistes se sont vus implanter des capacités spectaculaires tirées du règne animal. Ce seinen bourré d’action fait la part belle aux transformations et aux combats à mort d'anthologie.
Autant de séries que je ne saurais que trop vous conseiller de découvrir si ce n'est déjà fait, et dont certaines font régulièrement partie de la sélection annuelle des tops mangas.
Le pendant féminin du super-héros
Aux USA, de nombreuses super-héroïnes ont vu le jour au fil des ans. Certaines sont devenues des porte-étendards de la lutte féministe comme Glory ou, de manière plus ambiguë, Wonder Woman. Ces femmes sont tout aussi puissantes que leurs homologues masculins qu’elles côtoient souvent. Phénix, Scarlette Witch ou Wonder Woman en sont de parfaits exemples, mais il faut pourtant attendre un certain temps pour qu’elles soient véritablement mises sur le devant de la scène, dans des films par exemple. Après un Capitaine Marvel ayant reçu un accueil plus ou moins mitigé, l’on attend aujourd’hui le premier film sur Black Widow.
Au Japon, le véritable pendant du super-héros n’est autre que la magical girl, une super-héroïne typiquement japonaise dont on retrouve quelques avatars aujourd’hui en Occident comme Miraculus : les aventures de Ladybug et de Chat Noir plébiscités par les jeunes enfants. La magical girl est souvent une (très) jeune fille disposant de pouvoirs magiques et combattant les forces du mal. La magical girl, dont Sailor Moon, Creamy, merveilleuse Creamy ou Card Captor Sakura sont les incarnations les plus flamboyantes, est généralement catégorisée comme shojo et s’adresse donc à un public essentiellement féminin et jeune. L’on y représente des jeunes filles en fleur profitant de la vie entre deux combats qui n’ont souvent rien à envier aux shonen. Ici, les hommes sont presques absents et relégués aux seconds rôles, sauf quand il s’agit d’incarner le petit ami d’une des héroïnes ou un membre de sa famille. Les héroïnes sont généralement très lisses et irréprochables et incarnent une sorte d’idéal féminin très consensuel.
Mais depuis quelques années, le vernis se fendille et l’on remarque de plus en plus de titres mettant en scène de nouveaux types de magicals girls bien moins proprettes. Il y a les titres décalés qui se moquent un peu du genre comme Magical Girl Boy chez Akata qui reprend tous les codes en les décalant puisque les héroïnes une fois transformées sont pourvues d’un corps athlétique de jeune homme. Mais l’on tombe plus souvent dans des récits plus sombres sous des apparences mignonnes comme Puella Magi Madoka Magica disponible chez Doki-Doki, Magical Girl Site chez Akata ou encore dans le trash avec Magical Girl of the end toujours chez Akata. L’on glisse alors de la catégorie shojo à du shonen.
Super-héros US et super-héros japonais : même combat mais pas la même portée
Les super-héros nippons, lointains (quoique) cousins des super-héros américains s'inscrivent généralement dans un imaginaire loufoque destiné à un large lectorat. Si les super-héros américains sont souvent politiquement corrects et incarnent des valeurs de patriotisme voire de politique, c’est beaucoup moins évident chez les super-héros japonais. Ceux-ci, véritables catharsis pour leurs auteurs et leurs lecteurs, permettent de projeter des rêves de dépassement de soi et d'acceptation des différences (physique ou psychologique) et de valoriser l'individu dans une société de corps où chacun doit respecter le rôle qui lui est assigné et où se faire remarquer ou déroger est très mal considéré. Les super-héros combattent le mal et les catastrophes naturelles, mais en apportant un message positif d’espoir, parfois une morale, mais ne se mêlent pas de la vie politique du pays.
Le super-héros, miroir de chacun, permet de rêver, de s'évader, d'incarner un être hors norme passé de la moquerie car différent à l'admiration par sa valeur et son courage.
Ainsi, au fil des échanges multiculturels, l’on remarque que les super-héros inspirent de plus en plus les auteurs de mangas japonais, que ce soit dans leurs pouvoirs ou leurs tenues, mais tout en gardant un fond culturel véritablement japonais. Cette production foisonnante permet de renouveler un peu le genre du shonen et le genre super héroïque. L’on remarque que le Japon a mis plus rapidement en lumière les super-héroïnes, mais en les cantonnant à un public principalement féminin, même si les choses changent actuellement.