Exposition Léonard de Vinci au Louvre : l’impossible exposition ?

Pour commémorer les 500 ans de la mort de Léonard de Vinci, le Musée du Louvre lui consacre une impressionnante exposition réunissant 179 œuvres (peintures, dessins, sculptures, etc.) retraçant la vie, la carrière et le génie de Léonard de Vinci. 

Un enjeu de taille

Mais pourquoi l’impossible exposition ? Celle-ci a demandé pas moins de 10 ans de préparation, d’analyses, de localisation, de recoupement et de négociations. Mais elle a également entraîné quelques déconvenues pour les visiteurs en plus de l'émerveillement. Un Léonard de Vinci, ça se mérite ! 

Fragiles et convoitées, les œuvres de De Vinci sont difficilement exposables et encore plus, prêtables. Les assurances ont été pharaoniques, l’Etat français s’est d’ailleurs porté lui-même garant. En effet, suite à la vente du Salvator Mundi en 2017 à un prix record de 450 millions de dollars, les assurances ont triplé et dans leur sillage, tous les frais liés : manutention, conditionnement, transport !

Les prêteurs aussi se sont montrés exigeants, ce que l’on comprend aisément au vu de la côte de l’artiste. Ainsi, le même Salvator Mundi n’a finalement pas été montré (des rumeurs courent à son sujet et tous se demandent ce qu’il est advenu du chef-d’oeuvre depuis son achat) et a été remplacé finalement par un Salvator Mundi “attribué à” l’atelier de Léonard de Vinci issu d’une autre collection privée. 

Parmi les prêts de premier plan, citons la reine d’Angleterre qui a prêté 24 dessins autographes de très grande qualité sur les 80 présentés ! Une occasion unique de voir ces chefs d’œuvres. 

Autres difficultés, les enjeux diplomatiques ! Si la Chine a ses pandas, l’Italie a l’Homme de Vitruve. Le prêt du célèbre dessin a fait l’objet d’une véritable saga diplomatique juste avant le début de l’exposition, le ministre italien des Biens culturels d’alors refusant le prêt pour des motifs politiques. Finalement, le précieux feuillet a été prêté pour une durée de deux mois et placé dans une zone de l’exposition moins exposée, donc moins visible.    

Splendeurs et déceptions

Conçue autour de cinq des tableaux du maître réunis au Louvre, excepté la Joconde totalement intransportable malgré ses errements de l’été au sein même du Musée du Louvre elle est restée dans la salle des Etats. Une des copies d’atelier, il en existe une petite dizaine dans le monde, aurait peut-être pu être présentée ? Plusieurs autres tableaux de De Vinci ont pu rejoindre l’exposition en provenance de Russie, d’Italie, d’Ecosse, etc. Ainsi, sur les 17 à 19 peintures attribuées à De Vinci, 10 ont fait le déplacement. L’on trouve également 80 dessins du maître, soit près de la moitié des œuvres exposées et 12 de ses manuscrits confiés par l'Institut de France, ce qui peut décontenancer certains visiteurs espérant voir moult peintures du Florentin. Certains se plaignent du nombre de peintures d’autres peintres, voire de la présence des réflectographies infrarouges au format 1/1, pourtant très intéressantes pour comprendre certains détails des tableaux.   

Les dessins présentés, ainsi que les peintures, sont assurément d’une qualité remarquable et suscitent l’admiration de ceux qui les voient. Hélas, l’on touche là une des limites de l’exposition. Ces œuvres sont petites, très petites, et il faut s’armer de patience pour pouvoir les admirer tant la foule est nombreuse et intéressée et ne pas s'attarder.

La déception peut ainsi venir de la fréquentation de l’exposition, mais également de la difficulté à réserver des places. Il faut dire que 260 000 billets s’étaient écoulés avant même l’ouverture de l’exposition. Le musée du Louvre a proposé d’ouvrir des nocturnes supplémentaires jusqu’à la fin de l’exposition, mais pareillement, les places partent très vite. 

En ce qui me concerne, j’attendais l’exposition avec grand intérêt certes, mais aussi une certaine expectation, me souvenant du cas d’école de l'exposition Vermeer. Visiblement, les équipes en charge s’en souvenaient aussi,  et l’ensemble a été bien géré, même si l’accès à l’exposition se voit ainsi très restreint. De plus, bien que non spécialiste de la peinture de la Renaissance Italienne, je n’ignore pas que Léonard de Vinci a très peu peint mais beaucoup dessiné, aussi, n’ai-je pas été étonnée de voir autant de dessins présentés. Ce fut même un réel plaisir pour moi, malgré le temps d’attente pour les admirer un à un et le peu de temps qu’il était possible de passer devant. Je me demandais également comment l’exposition allait être “meublée” avec des œuvres d’autres artistes. Là aussi, bonne nouvelle, les choix étaient intéressants. 

J’ai apprécié le découpage scénographique majoritairement chronologique allant de ses débuts chez le sculpteur Andrea del Verrocchio à son décès au Clos Lucé, avec des focus thématiques sur sa passion pour la science en particulier. 

Ce qui ressort de l’exposition est l’inextinguible soif de savoir, la curiosité, et finalement la capacité d’observation de Léonard de Vinci. Je ne suis pas une fan inconditionnelle des expositions du Louvre, mais je reconnais la qualité quand je la vois. Après la très belle exposition sur les Hittites,  cette exposition, bien que non exempte de petits défauts et de contraintes, est effectivement un événement. Certaines œuvres ne seront plus visibles avant très longtemps et le parcours est bien pensé pour nous offrir les recherches du maître florentin. Félicitation aux équipes du Louvre qui ont su surmonter les difficultés et apprendre de leurs précédentes expériences, dont Vermeer. 

Totalité des visuels : (C) Sandra B