Un nouvel espace pour le Musée de la Libération de Paris - Musée du Général Leclerc - Musée Jean Moulin en plein cœur de Paris
16 sept. 2019Fin août ouvrait au public un tout nouvel espace consacré au Musée de la Libération de Paris - Musée du Général Leclerc - Musée Jean Moulin en plein cœur de Paris. Situé dans le XIVe arrondissement, juste en face des Catacombes de Paris, le tout nouvel espace a de quoi séduire avec une scénographie totalement repensée et la visite du centre de commandement du colonel Rol Tanguy.
Un bâtiment remarquable
Le choix du lieu n’est pas anodin. Le musée occupe en effet un ancien bâtiment du XVIIIe siècle conçu en 1787 par l’architecte Ledoux en tant que barrière d’octroie de la ville. La façade est impressionnante avec sa pierre de taille et ses colonnes à tambours alternant cylindres et cubes. Situé juste en face des Catacombes de Paris et géré par Paris Musées, le lieu remplace avantageusement l’ancien musée de la Libération de Paris, qui était situé sur le toit de la gare Montparnasse (que je n’ai pas visité moi-même car je ne le connaissais pas, c’est dire le manque de notoriété du lieu).
Autre avantage non négligeable quant au choix du lieu, la présence du poste de commandement souterrain du Colonel Rol Tanguy. Situé à 20 mètres sous le bâtiment se trouve en effet un bunker de défense passive entièrement équipé et anciennement relié aux réseaux des catacombes de la ville. Le lieu était équipé d’un système de recyclage de l’air, de commodités, d’un central téléphonique etc. Le plus surprenant, c’est que la commanderie allemande de Paris avait connaissance de l'existence du lieu et que chaque jour, un officier téléphonait au gardien de l’abri pour savoir si tout allait bien. Ce dernier, malgré la présence de nombreux résistants, répétait inlassablement que tout était calme. C’est notamment de ce lieu qu’ont été dirigées les opérations de la semaine insurrectionnelle précédent l’entrée dans la ville du Général Leclerc et de la Deuxième division blindée (dite 2nd DB).
Une scénographie repensée
Si le bâtiment Ledoux est classé, les scénographes ont pu tirer parti des petites salles très dégradées du lieu pour créer une scénographie nouvelle, à la fois chronologique et biographique. Après une première salle d’introduction au Paris d’avant guerre, l’on nous présente à l’aide de photographies et d’objets personnels, les deux chefs héroïques que sont Philippe Leclerc de Hauteclocque et Jean Moulin avant le début des hostilités. L’un est un brillant militaire issu de l’aristocratie et catholique convaincu, l’autre, un jeune préfet amateur d’art et de ski. Les deux sont confrontés à un choix difficile dès l'émergence du gouvernement de Vichy. Si De Gaulle va directement en Angleterre organiser la France libre, le Général Leclerc, blessé, parvient à échapper aux allemands. Jean Moulin, lui, résiste aux pressions et refuse de signer les déclarations que lui donnent les allemands, il est ainsi molesté puis démis de ses fonctions. Le choix de ces hommes est illustré par une présentation chronologique du mois de juin où sont comparées les actions de De Gaulle, Leclerc, Moulin et Pétin. La salle suivante présente l’occupation, la vie quotidienne des parisiens pendant cette période sombre, avec des tickets de rationnement, la propagande vichyste permanente, la présence de soldats d’occupation dans la capitale, les premières rafles, les lettres de dénonciations, mais aussi radio Londres. Chaque facette de cette vie quotidienne est illustrée par une sélection réduite d’objets, mais également par des portraits de résistants, connus ou non. Les espaces sont réduits et sombres, presque étouffants. L’on trouve aussi les premiers éléments de médiation numérique avec des écrans tactiles. Ils sont bien pensés, mais la séquence de lecture est un peu courte et il faut sans cesse appuyer sur l’écran pour pouvoir poursuivre sans retourner à l’écran principal, c’est un peu agaçant à la longue et finalement on ne termine pas les explications.
La scénographie nous plonge ensuite littéralement dans la résistance, balbutiante et fortement réprimée. Les portraits se multiplient, les salles sont labyrinthiques, à l’image de la résistance qui s’organise en cellules. Puis, retour sur Jean Moulin et sa double vie de chef de la résistance. Ses allers retours à Londres, les cartes postales envoyées de diverses villes du sud de la France, sa galerie d’art, son autre passion, puis sa fin tragique. Retour à la lumière avec le général Leclerc qui est arrivé au Tchad où affluent les militaires de toutes nationalités qui refusent la capitulation face aux nazis. Au début mal équipés, la donne change dès que le soutien allié leur parvient. Ils sont alors approvisionnés et peuvent remonter vers les côtes d’Afrique du Nord. La 2nd DB était née et allait pouvoir rallier l’Angleterre pour participer au débarquement.
Finalement arrive la semaine insurrectionnelle et la liesse de la libération. Les résistants prennent les armes, la 2nd DB entre dans Paris, la capitale est libérée par des français, c’est important de le souligner pour la suite. Tout ceci est très bien expliqué, d’autant que la visite se termine par le poste de commandement souterrain du colonel Rol Tanguy, vestige impressionnant de la période, habilement restauré.
Si je trouve l’ensemble de la scénographie et les choix muséographiques intéressants et bien pensés pour des publics variés et rarement familiers de cette période de l’histoire, je trouve tout de même dommage que la face sombre de la libération soit si vite évacuée. Les exactions commises à cette période ne sont pas anodines ou anecdotiques, et rarement le fait de résistants convaincus, mais plus d’opportunistes et de personnes qui voulaient se donner bonne conscience après des années de passivité. On sait d’ailleurs que certains résistants ont tenté de calmer les choses, mais en vain, face à la vindicte populaire. Je pense donc qu’une salle entière aurait dû être consacrée à cet épisode peu glorieux afin d’éviter l’effet “Légende dorée” de la résistance et de la libération de Paris.
Cette visite de ce nouveau lieu culturel et historique de la capitale m’a appris plein de choses, car bien qu’historienne, je ne suis pas du tout spécialisée dans cette période. J’ai trouvé la scénographie bien pensée et agréable, tout en gardant à l’esprit mes deux critiques. Il est aussi très intéressant de voir tous les portraits de résistants connus ou non, surement le point le plus émouvant de la visite. Juste avant la sortie, un mur montre ce que les survivants de la résistance authentique sont devenus, une manière de clore le chapitre et de tourner la page vers l’après-guerre.
Visuels : (C) Sandra B