Le Napoléon du crime est de retour en manga ! William James Moriarty, ennemi juré de Sherlock, est le héros de la série Moriarty de Ryosuke Takeuchi et d’Hikaru Miyoshi aux éditions Kana. Une occasion de voir le personnage sous un nouveau jour, peut-être un peu plus flatteur. 


Dans la glorieuse Angleterre de la reine Victoria, les inégalités de classes sont criantes. Alors que l’Empire colonial est à son apogée, les classes populaires souffrent en silence et subissent le bon vouloir des nobles, toujours plus arrogants et avides. Albert Moriarty est un jeune noble écœuré par cette société. Sa rencontre avec William et Louis, deux orphelins, lui laisse entrevoir de nouvelles perspectives. William est d’une intelligence redoutable et d’un charisme déconcertant. Avec eux à ses côtés, Albert sent que tout est possible. Ainsi naît William James Moriarty. 

Remise en cause de l’ordre social

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les idées véhiculées par le jeune William sont proches du communisme, voire de l’anarchisme. Il rêve de combattre le système des classes qui gangrène son pays et fait souffrir ses amis, pour un monde plus juste où chacun serait l’égal de l’autre et pourrait s’épanouir. 

En exauçant les souhaits de ses clients, il se crée des alliés fidèles et dévoués. Par son charisme, il fascine et manœuvre en douceur, refermant ses pièges les uns après les autres sur les coupables .

La fin justifie les moyens

Enfant déjà William est un sociopathe de haut niveau, la fin justifie les moyens pour atteindre son objectif. Il est manipulateur et sincère à la fois. Très entier, il se démène pour ses clients et les causes qu’il juge justes. Il y a ici une vraie dualité, Moriarty est un consultant en crime comme il se définit lui-même. Il passe outre la justice des hommes qu’il juge (à juste titre à cette époque) corrompue et devient juge et bourreau. Là où il rentre véritablement dans le crime, c’est que son intelligence pourrait lui permettre de faire accuser les coupables et de laisser agir la justice. Cependant, dans l’Angleterre Victorienne, la justice faisait preuve d’une scandaleuse complaisance envers les nobles, il décide donc de faire justice lui-même.  

Ses crimes presque parfaits lui permettent de continuer d’agir en toute impunité tel un ange vengeur au service des prolétaires envers qui il affiche une réelle attention, voire de la compassion. 


Les graphismes sont tout à fait corrects sans êtres renversants et correspondent au style actuel. 


J’ai été agréablement surprise, mais également troublée à plus d’un titre par cette nouvelle série. Moriarty y trouve un visage plus humain mais également ambivalent, finalement assez éloigné du vieil homme froid et manipulateur vu dans Sherlock Holmes, dont l’empire criminel n’avait pour seul dessein que de l’enrichir. Si je comprends les motivations et le contexte de ses crimes, je reste dubitative sur la morale de l’histoire, y a-t-il d’ailleurs une morale ? Et en faut-il pour faire une bonne histoire. En tout cas, ce premier tome nous rend le professeur Moriarty bien plus sympathique que celui de Conan Doyle.

Je suis également troublée que ce soit des japonais qui nous gratifient de cette histoire. La société japonaise, régie par un ordre social très rigide, a longtemps été séparée en castes. Peut-être ce sentiment vient de là, j’ai une théorie un peu plus farfelue, mais je compte sur vous pour me donner votre avis. Le Kyôsan-tô (parti communiste japonais très différent de ses homologues du reste du monde tant sur le fond que sur la forme) est en phase ascendante au Japon. Je ne suis pas du tout spécialiste de la politique nippone (ni même du communisme de manière générale) mais le communisme japonais semble plus proche du ““socialisme scientifique” tel que l’ont défini Marx et Engels.“ et séduit de plus en plus la jeunesse japonaise qui ne se retrouve pas dans la classe politique. Je ne dis pas que ce manga est communiste ou socialiste, mais que les auteurs ont peut-être eu vent des idées sociales… 


Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé l’histoire de Moriarty bien menée et intéressante et je me suis posée plein de questions comme vous pouvez le voir. 

MORIARTY TOME 1
DESSIN : HIKARU MIYOSHI
TRADUCTEUR : PATRICK HONNORÉ

22 juin 2018

ISBN / EAN : 9782505070733
Format : 115 * 175
Nombre de pages : 212

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