Call of Cthulhu « La folie de H.P. Lovecraft vous attend !!! »
31 oct. 2018La folie et l’horreur embrument les réflexions humaines comme un brouillard épais qui empêche l’esprit de distinguer plus loin que son univers anthropocentrique. Inspiré du vénéré Howard Phillips Lovecraft, maître de l’horreur et du fantastique bien avant Stephen King, Call of Cthulhu tire sa mécanique de jeu du très célèbre jeu de plateau du même nom réalisé par Mark Morrison.
Call of Cthulhu est un jeu d’aventure/enquête/rpg terrifiant dans l’univers cauchemardesque du mythe de Cthulhu. Il propose au joueur de vivre l’expérience même de la folie hallucinatoire aux frontières de la réalité, afin d’apercevoir l’infondé. Un challenge oh combien prenant pour tous les amoureux d’Amnesia ou de Layers of Fear… Les développeurs français de Cyanide ont réalisé avec Call of Cthulhu le rêve de bien des passionnés de cet univers unique, en proposant une adaptation fidèle au code des nouvelles de Lovecratf et du jeu de rôle plateau.
Testé sur PS4 - Test garanti sans spoiler
Synopsis :
L’histoire de Call of Cthulhu se déroule dans une île nommée Darkwater (aucun lien avec le film japonais Darkwater…). Vous y incarnez Edward Pierce, un ancien soldat brisé par la Première guerre mondiale, reconverti en détective privé au bord de la déroute. Pour sauver sa licence, il doit accepter une enquête sur la mystérieuse mort de Sarah Hawkins, une peintre dont la renommée internationale n’a d’égale que la démence qu’elle illustre avec une étrange vivacité dans ses tableaux… Mais Edward est loin de se douter que son enquête va le mener bien plus loin que le manoir des richissimes Hawkins.
Gameplay :
Exploration
Dès les premiers instants dans le jeu, le joueur est immergé dans un cauchemar tortueux à souhait. C’est dans ces conditions très pesantes qu’il apprend les rudiments du gameplay tout en avançant dans ses méandres. Un très bon point qui évite les éternels dialogues de tutoriel sans action qui devrait être à proscrire dans tous les jeux de ce genre !!! Ainsi, le gameplay se compose de deux parties. La première consiste à faire de l’exploration, de la recherche d’indices, de dialogues interrogatoires très importants à maîtriser qui vous permettront d’améliorer votre aptitude d’enquêteur. L’autre partie du gameplay concerne le côté infiltration horrifique très proche d’un Amnésia, et la gestion de vos points de compétence, tout droit tirée du jeu de rôle papier.
Recherche d’indice
L’exploration en elle-même a été simplifiée au maximum comparée à un Layers of Fear. Ici, les points d’intérêt sont mis en évidence. Ce qui évite au joueur de perdre du temps à essayer de regarder dans les moindres recoins des pièces extrêmement bien fournies en mobiliers et autres objets de la vie courante… Que l’on aime ou non cette aide, Cyanide prend le parti de rendre l’exploration plus simple au profit de l’histoire et des dialogues.
Dialogue / interrogatoire
Les dialogues ont une importance capitale dans Call of Cthulhu. Il ne faut pas hésiter à prendre son temps pour parler à tous les PNJ. Plus Pierce a d’informations, plus il peut poser de questions pertinentes qui restent verrouillées s’il n’a pas parlé à un personnage précis. Pour corser le tout, le déroulement des dialogues est en étroite relation avec les aptitudes de Pierce en tant qu’enquêteur, orateur ou charmeur, afin de distiller les informations utiles à l’enquête. Des aptitudes à améliorer tout au long du jeu qui permettent de résoudre des dialogues à embranchements multiples. Vous l’aurez compris, l’intérêt de Call of Cthulhu repose essentiellement sur les dialogues et l’intrigue mélangeant fantastique et horreur cosmique, caractéristiques des œuvres de Lovecraft.
Pouvoir de reconstitution de scène
Pour l’aider, Pierce a un pouvoir inné très intéressant lorsqu’il arrive dans une pièce. En effet, le joueur peut passer en mode investigation afin de trouver des indices précis. Cela lui permet de remonter le temps et de revivre des événements passés aux côtés de personnages représentés sous forme de spectres. Un très bon point qui emporte un peu plus encore le joueur dans la peau de Pierce et de sa folie. Vit il réellement ce qu’il voit ou expérimente-t-il le vrai visage de sa folie ? Réussira-t-il à sortir indemne de cette plongée démentielle ? Là est la question.
Se cacher…
L’autre point intéressant du gameplay réside dans certaines phases de jeu où il faudra s’infiltrer sans se faire voir, ou alors se cacher à tout prix des personnages et des créatures imaginaires qui vous en veulent. Pierce ne sait pas se battre et cela se voit. De la même manière que dans Amnésia, le joueur ne peut que courir, se cacher derrière un meuble ou bien évidemment dans une armoire ! Mais attention, cette dernière cachette est certes sûre, mais Pierce a la fâcheuse tendance à être claustrophobe. Au bout d’un certain temps, il sombre dans la folie pure. Un dilemme tout bête, mais diablement efficace pour accroître davantage cette projection du joueur dans la peau de Pierce, avec ce sentiment d’impuissance qui renvoie forcément à la peur…
De plus, l’IA des personnages est assez bonne pour corser certains passages sans pour autant les rendre frustrants ou irréalisables. De toute manière, dans Call of Cthulhu, on ne peut pas mourir, on ne fait que revivre constamment l’amertume de nos échecs jusqu’à trouver la solution…
Les aptitudes
Pour éviter de sombrer trop vite dans la démence, Pierce peut se protéger en devenant un as dans différents domaines ! Tout droit inspirée du jeu de rôle papier, cette partie est la colonne vertébrale du gameplay. En effet, le joueur acquiert des points de compétences au fur et à mesure de son avancée et de la qualité de ses entretiens. Ces points peuvent être attribués à des capacités afin de les améliorer. De la sorte, le joueur est en mesure d’améliorer : la force brute, toujours utile pour forcer certains personnages à dire la vérité ou crocheter des portes ; l’éloquence, pour amadouer ses interlocuteurs ; la psychologie, très utile pour bien comprendre les soubassements psychologiques de ce qui se passe à Darkwater et garder une vision bien fondée du monde ; la furtivité, essentielle pour se cacher des sbires de Darkwater ; objets cachés et investigation, qui sont un atout idéal pour résoudre les énigmes ; médecine et savoir occulte, qui apparaît plus comme une malédiction tant la connaissance dans ces domaines conduit inébranlablement à la folie devant les événements de Darkwater…
La bonne gestion de ces aptitudes aux différents niveaux du jeu est la clé de voûte de la réussite de votre aventure. Car suivant vos aptitudes, vous ne pourrez pas atteindre certains endroits. Pire, vous n’aurez pas accès à certaines réponses des personnages que vous ne recroiserez plus dans les mêmes circonstances… Car pour de nombreux dialogues clés à embranchements multiples, il faudra choisir une bonne question, car le personnage ne répondra qu’à une seule de vos interrogations… De quoi augurer une frustration tout à fait en accord avec l’ambiance du jeu.
En somme, Pierce doit à tout prix comprendre ce qui s’est réellement passé avec Sarah Hawkins. Mais plus il en saura, plus il sera amené à perdre la raison. Au joueur de bien jauger l’attribution des points d’expérience et des choix des dialogues tout au long de son aventure pour ne pas sombrer avec Pierce dans la démence hallucinatoire et perdre complètement toute compréhension logique.
Graphisme :
Call of Cthulhu n’est certes pas le plus beau jeu de la PS4, mais les développeurs de Cyanide ont quand même réalisé une vision très intéressante de l’univers de Lovecraft sur l’unreal engine 4. En effet, proposer un jeu sur le fabuleux Cthulhu est un pari risqué au niveau de la direction artistique. Mais les artistes de Cyanide ont réussi cette épreuve avec bravoure. Les différents environnements (le port, le manoir, les grottes…) sont somptueux dans leur domaine (terrifiants et soporifiques à souhait). Grâce à un énorme travail sur les contrastes ombre et lumière, il plane cette atmosphère typique pesante et malsaine, mais tellement mystérieuse, fantastique et enivrante à la fois. Certes, le jeu aurait pu être plus beau graphiquement, mais du point de vue des environnements et de l’ambiance, l’hommage à Lovecraft est ici complètement prenant.
Par contre, le character design laisse un peu à désirer. Les PNJ se ressemblent tous, avec un design vraiment moche et des proportions bizarres. L’animation des personnages est elle aussi une catastrophe, les expressions faciales sont d’un autre temps. L’impression de voir des marionnettes animées comme sur des jeux PS2 vient tout de suite à l’esprit, dommage. Seuls les personnages principaux ont été un peu travaillés, de même que la réalisation des cutscenes qui sont plutôt réussis, avec des cadrages et une mise en scène angoissante à souhait.
Durée de vie :
Passés les deux premiers chapitres de tutoriels plutôt bien ficelés, l’entrée dans le manoir est le début d’une grande histoire entre Pierce, les mystères de Darkwater et sa folie intérieure. Le joueur aura de quoi faire entre 13 et 15 heures pour finir le jeu à bon escient. La rejouabilité est plutôt bonne afin de percer tous les secrets de l’intrigue dans les dialogues non dévoilés. Un bon point qui se déguste comme une bonne nouvelle de Lovecraft.
Environnement sonore :
L’environnement sonore est au même niveau que les images qu’il accompagne. Glaçant et angoissant à souhait, le joueur aura de quoi frémir une fois la lumière éteinte. La mécanique de cette ambiance ne se base pas sur des jumpscare à tire-larigot, mais plus sur l’imaginaire du joueur en lui proposant d’entendre ou de voir que des éléments aptes à provoquer en lui une réponse psychologique influant sur son jeu.
Pour accentuer cette réussite, les doublages anglais sont très bons. Ils apportent vraiment une personnalité profonde aux personnages. Mention spéciale à Pierce chez qui le doublage amplifie la projection du joueur dans la peau du détective privé.
Résumé :
Présenté comme un "narrative RPG", Call of Cthulhu est un jeu qui arrive à faire ressentir au joueur ce petit rien étrange qui pousse à constamment vouloir en savoir plus. Et ce, malgré un character design plus que banal et une réalisation graphique dépassée, mais grandement sauvée par une direction artistique aux petits oignons. En cela, Call of Cthulhu est un jeu qui a la particularité d’être à mi-chemin entre le film interactif avec des dialogues à embranchement multiples et le jeu d’exploration d’horreur qui franchit les méandres de l’aliénation humaine avec en toile de fond le puissant mythe de Cthulhu imaginé par H.P. Lovecraft. Call of Cthulhu tire son épingle du jeu grâce à ses solides bases horrifiques lovecraftiennes et un gameplay réussissant le pari d’intégrer un système provenant du jeu de rôle papier. Résultat, le joueur plonge littéralement dans le récit pour ne plus pouvoir en ressortir indemne. Une réussite de la part de Cyanide qui prouve avec ce jeu un savoir-faire démontrant que la beauté graphique n’est rien comparée à la confrontation avec nôtre folie intérieure. En somme, un très bon jeu pour fêter Halloween comme il se doit !!!
Furyo
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