Vous l’avez déjà entendu et vous le subissez peut-être déjà consciemment ou non, mais l’article « mon/ma » suivi d’un adjectif qualificatif, s’il n’est pas utilisé par un membre de sa famille ou un ami très proche, n’a rien d’affectueux. Son usage est effectivement très condescendant et intrusif lorsqu’il est utilisé par un collègue ou un inconnu, bref, quelqu’un que l’on ne connait pas ou peu.

Utilisé entre amis ou collègues, il induit souvent une fausse intimité. « Mon grand, Ma chérie, Ma poupée, ma petite, mon cher, etc. » s’utilisent dans un cadre privé, en particulier dans le cas de parents à enfants, de fratrie. Dans un couple, on ne compte plus les sobriqués parfois farfelus, de même chez des amis très proches. Dans tous ces cas là, il y a une notion factuelle (ma mère, mon oncle, mon petit/grand cousin, ma meilleure amie, mon chéri et j’en passe). Il n’est d’ailleurs pas rare qu’au sein même des familles et des premiers cercles d’intimité l’on s’appelle par son prénom plutôt que par « ma/mon quelque chose ».

Ainsi, je ne sais pas vous, mais moi, quand quelqu’un qui ne m’est pas spécialement proche me qualifie de « ma +adrectif » ça me met mal à l’aise. J’ai l’impression que, soit la personne tente de m’attirer à elle par une fausse intimité déplacée, soit que cela implique une notion de hierarchie implicite.

Je m’explique ; « mon grand ou ma grande, tout comme mon petit ou ma petite » est clairement rattaché à l’univers de l’enfance. Si cela peut sembler sympathique, cela ne l’est pas sorti du cercle familial. En effet, un adulte qui dit cela à un autre adulte implique de fait une notion de hierarchie en se plaçant comme l’adulte face à l’autre qui est l’enfant. Cette personne juge dont son interlocuteur inférieur.

Cet article et son adjectif, lorsqu’ils ne sont pas objectifs (vous êtes plus grand ou plus petit que la normale par exemple) est principalement utilisé pour qualifier des personnes jeunes, des femmes où des personnes différentes sur le plan mental. Ainsi, que ce soit de la part d’un collègue un peu lourd, d’un supérieur hierarchique ou d’un ami, il y a une forte conotation paternaliste donc une subordination. De même, quand un commerçant dit aux clients « elle veut quoi la petite dame ou le petit monsieur » il n’y a clairement aucune marque de respect voir une condescendance affichée. Ici, ce n’est pas la taille physique objective qui est exprimée, mais la taille sociale. Rappellez vous d’Audiard faisant dire à ses personnages « mon petit père » et les scènes qui s’ensuivaient.

Ainsi, une personne jeune, et plus encore quand il s’agit d’une fille, est perçue comme incapable, ou tout du moins partiellement inapte, quand elle est ainsi qualifiée. Elle est placée dans une minorité fictive à laquelle il faut tout de suite répondre.

Ainsi mon/ma quand il est objectif (ma mère, mon voisin, mon collègue, etc.) est ainsi socialement parfaitement acceptable et fort utile. Mon/ma, dans un autre contexte, renvoit à l’avilissement et à la négation de l’individu en tant que tel, qui est alors déterminé par rapport aux qualités ou aux défauts qu’on lui prête subjectivement. Certains « amis » ne se permettent t-ils pas de qualifier leur « pote » de « mon con » en s’adressant à lui (plus rare chez les femmes). Ce qui n’est pas très classe, vous en conviendrez.

Chez les femmes, on remarque assez souvent les collègues ou N+1 dire « mon/ma chéri(e) » à une personne plus jeune. Ce n’est pas spécialement affectueux, cela cache souvent un ordre ou une demande et c’est sensé, je dis bien sensé, apaiser les tensions. Sauf qu’en général, cela permet souvent à la collègue plus ancienne/cheffe de masquer un certain mépris. Dans les séries, quand une femme dit « ma chérie » à une autre, c’est rarement bienveillant. Soit elle lui prépare un sale coup, soit elle va lui faire la morale. Et ça se passe comment dans la vraie vie ? Le ton joue aussi pour beaucoup, tout comme la personnalité de la personne qui s’exprime. Il m’est déjà arrivé que des collègues sympathiques du même âge ou beaucoup plus agées me disent « ma chérie » sans que cela ne me choque, tout simplement parce qu’il n’y a pas de signe malveillant dans la voix ou la gestuelle. C’est quand même subtil, je vous l’accorde.

Ainsi, les personnes que l’on qualifie subjectivement suivant ces différents exemples peuvent ressentir un certain malaise manifesté par un petit rire nerveux, voire un raidissement qu’il faut reconnaitre et interpéter. Donc s’il vous plait, pensez-y la prochaine fois que vous entendrez ou emploirez cette tournure de phrase.

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