Greenhouse : un thriller dans les marges

Le cinéma coréen revient au plus haut avec Greenhouse de Lee Sol-hui qui, dans un thriller oppressant de 1h40, s’intéresse aux laissés pour compte de la société Sud Coréenne. En salle à partir du 29 mai.

Moon-jung, une femme volontaire, mère célibataire qui vit dans la précarité depuis son divorce, s’occupe avec bienveillance d’un couple de personnes âgées dont le mari est aveugle et l’épouse atteinte d’un stade déjà avancé de la maladie d’Alzheimer (méchant). En parallèle, Moon-jung prend en charge sa propre mère, également atteinte de démence liée à l’âge, et se prépare à la sortie de son fils d’un centre de détention pour mineur. Mais un jour, un banal accident remet toute sa vie et ses efforts en cause. Elle doit alors prendre des décisions radicales et les assumer coûte que coûte.

Les exclus de la société

Comme dans toute société développée, la Corée du Sud fait face à la mise à l’écart d’un certain nombre d’individus, cela concerne aussi-bien les personnes en situation de handicap ou âgées et dépendantes, que l'opprobre de la société sur les mères célibataires, d’autant plus si leur enfant est tombé dans la délinquance.

Le traitement réservé aux personnes âgées et dépendantes est différent selon qu’elles ont de l’argent ou pas. Moon-jung s’occupe d’un couple dépendant aisé en lieu et place de leur fils qui vit loin de chez eux. Si l’homme est aveugle, il a conservé toutes ses capacités intellectuelles, là où son épouse a perdu tout discernement et passe son temps à insulter et frapper son entourage, les accusant de tous les maux. A l’autre bout du spectre, la propre mère de Moon-jung, devenue mutique et dépendante, passe ses journées couchée dans une maison de retraite sans âme où sa fille peine à s'occuper d'elle. La question de la prise en charge des personnes âgées, si elle n’est pas explicitement présentée ainsi, est pourtant cruciale dans un pays vieillissant où les liens familiaux se sont distendus.

Depuis son divorce, Moon-jung vit aussi un déclassement social et son travail ne lui permet pas de vivre correctement. Pourtant, elle fait tout pour pouvoir accueillir décemment son fils tombé dans la petite délinquance. Ce qui lui ajoute une honte supplémentaire. D’autant plus que le père semble totalement absent.

Pour se changer les idées et trouver du soutien moral, Moon-jung s’inscrit à un groupe de parole. Elle y fait la rencontre d’une jeune fille perturbée qui commence à focaliser toute son attention sur elle jusqu’à devenir envahissante, au grand dam de Moon-jung qui a déjà ses propres problèmes à régler.

Un crime parfait ?

Suite à des circonstances dramatiques, Moon-jung doit prendre une décision irrévocable. Femme déterminée et pragmatique, elle fait preuve de patience et d’ingéniosité, si bien qu’en tant que spectateur, on tremble pour elle tout en espérant que tout se terminera bien. L’héroïne est une battante qui subit sa vie, ce qui la rend d’autant plus attachante. Et comme la vie n’est ni toute noire ni toute blanche, il n’est pas question de morale ici, mais peut-être de folie. De celle causée par une société prédatrice, un trop grand isolement et un sort qui s’acharne.

Greenhouse, premier film de sa réalisatrice, est un thriller saisissant et marquant qui gratte le vernis chatoyant et glamour de la Corée du Sud. Il s’attaque à plusieurs tabous autour des marginaux et des laissés pour compte et aborde la difficile question de la fin de vie dans une population vieillissante, et des maux qui y sont liés. Le scénario complexe, à la fois noir et désespéré, montre les vacillements de la vie. Le casting, parfaitement interprété, ne laisse pas de marbre. La Corée du Sud est décidément un vivier de films surprenants et marquants.

Sortie : 29 mai 2024

Genre : Thriller

Titre original : Binilhauseu

De Sol-hui Lee

Avec Kim Seo-hyeong, Yang Jaesung, Shin Yeunsook, Won Miwon, Ahn Soyo