Transparente tome 1 : Coupable
11 juin 2020Les éditions Kurokawa débutent la publication de Transparente, un manga de Jun Ogino traitant de sujets aussi sensibles que la violence familiale, le crime ou la culpabilité.
La petite Aya Kinomiya a grandi dans une famille où règne la violence. Son père, colérique et violent, n’hésite pas à frapper son épouse sous les yeux de leurs enfants. Aya, qui adore sa mère, ne supporte plus cette situation, d’autant que son grand frère, totalement apathique, assiste sans broncher aux différentes scènes de violences verbales et physiques. Blottie sous sa couette, la petite fille de 9 ans ne souhaite qu’une chose : disparaître. C’est alors qu’elle se découvre la capacité de devenir totalement transparente et inaudible quand elle le souhaite. Les années passent et la situation empire jusqu’à ce qu’elle prenne une décision qui va changer sa vie pour toujours.
Traumatisme d’enfance
Aya est dès son plus jeune âge traumatisée par la violence de son père. Elle assiste à ses brusques changements d’humeur et à la peur que cet individu provoque chez sa mère. Elle-même appréhende toujours de faire face à son père, car elle sait que sa mère va s’interposer et qu’une nouvelle dispute va éclater. Un nouveau palier est franchi le jour où elle voit son père frapper sa mère et l’indifférence de son frère. Peu à peu, la peur que lui inspire son père se transforme en haine et elle se dit que tous les problèmes de sa famille, et surtout de sa mère, sont causés par son père.
L’on observe bien comment le père tient sa famille. Il empêche son épouse de travailler, la rendant totalement dépendante financièrement et dans l’impossibilité de le quitter en prenant ses enfants avec elle. L’on constate comment ses sautes d’humeur terrifient la petite Aya qui finit par ne plus avoir de bons souvenirs de son père.
La violence domestique est relativement répandue au Japon, mais reste un sujet tabou. Lors de mon second séjour sur l’archipel nippon, j’ai été surprise (en bien) de voir des affichettes de prévention contre les violences domestiques dans les toilettes des femmes.
Son grand frère de trois ans plus âgé donne l’impression qu’il se fiche de la situation, ce qui écœure profondément Aya qui se dit qu’il pourrait intervenir pour aider sa mère au lieu de faire comme si de rien était et de continuer à lire ses mangas. Est-ce vraiment de l'indifférence ou bien est-ce sa manière de se protéger ? j’espère que les prochains tomes développeront ce point.
Cette situation malsaine entraîne des répercussions sociales sur Aya qui, toute son enfance, a envié ses camarades de classes et s’est fermée peu à peu au monde. Très solitaire, elle ne voyait que le monde teinté de noir et ne s’est fait aucun ami. Elle n’avait ainsi personne à qui se confier, ni même personne pour lui changer les idées.
La culpabilité
Voyant sa mère s'éteindre jour après jour, Aya décide de supprimer la cause du problème grâce à son pouvoir. Elle qui n’est encore qu’une adolescente sans véritables repères vit la situation comme un soulagement. D’autant que sa mère retrouve le sourire et oublie vite son deuil. Le temps passant, la conscience de la jeune fille commence à lui jouer des tours. Sa solitude et sa culpabilité s’accentuent davantage quand elle entre au lycée. Sa voisine tente de devenir son amie, mais Aya ne s’en sent pas digne et cherche à éloigner la jeune fille. Pourtant, celle-ci ne la laisse pas tomber. En s’ouvrant aux autres, Aya pourra-t-elle trouver la paix intérieure ?
Hantée par son acte, l’on pourrait croire qu’Aya souhaite, dans son fort intérieur, se faire arrêter, démontrant ainsi sa conscience morale. De même, dans sa volonté de ne pas se lier avec les autres, peut-on y voir des pulsions auto-destructrices liées à ses traumatismes ? Car bien qu’elle ne regrette pas son acte en tant que tel, elle sait que quelque chose a irrémédiablement changé en elle et que, même si elle ne risque pas véritablement d’être inquiétée par la police, sa conscience ne la laissera jamais vraiment libre. Peut-elle trouver le bonheur dans ces conditions ?
Graphiquement, le titre est relativement sobre et épuré, ce qui permet de se concentrer sur la tension à laquelle est soumise Aya. La personnalité introvertie et sérieuse de la jeune fille est parfaitement retranscrite dans son allure.
Ce premier tome de Transparente est particulièrement intéressant et subtil. Le pouvoir n’est pas le centre du propos mais un outil permettant à l’héroïne de faire ses choix, bons ou mauvais. Jun Ogino se concentre sur les drames qui secouent la jeunesse de l’héroïne et sur ses états d’âme, nous la rendant attachante malgré tout.
Titre VO: 透明人間の骨
Titre traduit: Tômei Ningen no Hone
Dessin :: OGINO Jun
Scénario :: OGINO Jun
Traducteur: DELESPAUL Julien
Editeur VF: Kurokawa
Type: Shonen
Genre: Suspense, Fantastique
Editeur VO: Shûeisha
Prépublication: Shônen Jump+
Illustration: n&b
Origine: Japon - 2017
Code prix: KUR05