[Interview] Maeda Toshio dit Tentacle Master précurseur du hentai tentaculaire
28 févr. 2020En 2014, lors du salon Paris Manga, j’ai interviewé Maeda Toshio, célèbre mangaka plus connu comme Tentacle Master, auteur du hentai Urotsukidoji - La légende du Chôjin. Il a ouvert la voie aux récits érotiques, voire pornographiques, mettant en scène des jeunes femmes et des créatures tentaculaires. Une interview inédite car refusée par mon média de l’époque. L’homme est sympathique, débonnaire pour ne pas dire taquin et sans tabou, tout à fait heureux de rencontrer son public français. Même si on parle beaucoup de hentai, pas la peine de préparer vos mouchoirs !

Katatsumuri No Yume (KNY) : Pourquoi avoir choisi la voie du hentai ?
MAEDA Toshio (MT) : A l’époque où j’ai commencé, le manga pour adulte était en plein développement, alors je me suis dit que ce genre durerait bien 40 ans, du coup j’ai choisi cette carrière pour m’assurer un avenir professionnel.
KNY : D’où viennent vos inspirations pour vos modèles féminins et masculins ?
MT : Quand je me suis lancé dans le manga hentai, je ne connaissais rien du tout au corps féminin, et ça s’est ressenti. Les lecteurs ont dit “Maeda San, ça ne va pas du tout, le corps d’une femme ce n’est pas comme ça ! Ça ne ressemble à rien ! ” Du coup, quand j’ai commencé à gagner de l’argent, j’ai été dans des clubs rencontrer des personnes et voir des personnes, et c’est comme ça que j’ai appris à dessiner les femmes. Quand j’étais très jeune, j’étais vraiment un Otaku, je passais mon temps à acheter des mangas ou à faire du sport et je n’avais vraiment pas le temps de rencontrer des femmes, et je me suis dit que, quand je serai adulte, ce serait probablement un problème pour moi. Quand je voulais me déclarer à une fille, elle me rejetait tout le temps, aucune fille ne voulait de moi.
KNY : Comment pouvez-vous expliquer le succès de vos œuvres hentai auprès des publics du monde entier ?
MT : Je pense qu’à l’époque, les gens ne voyaient pas de tentacules, c’est ce qui a fait ma renommée. Les gens voyaient des films de Miyazaki avec la beauté de l’animation et la beauté des histoires, puis ils voyaient mes œuvres très violentes et ça les choquait, certains pouvaient avoir envie de vomir. Finalement, mes animés seraient peut-être bons pour suivre un régime (rires).
KNY : Vos œuvres justement sont très violentes envers les femmes qui y subissent de nombreux actes sexuels, en particulier des viols par tentacules. Mais y a-t-il une part de sentimental ?
MT : Comme je travaillais pour un magazine hentai, les éditeurs m’obligeaient à faire du hentai, même si je n’avais pas toujours envie de me focaliser là dessus. J’avais envie d’apporter des touches philosophiques, historiques ou religieuses à mes histoires, mais je devais le faire subtilement ou bien l’histoire était refusée au motif que ce n’est pas du hentai. Il faut donc lire mes œuvres avec une lecture profonde. J’ai essayé d’aborder plein de thèmes, mais je n’ai pas pu les mettre au premier plan car si ce n’était pas du hentai, ça ne paraissait pas.

KNY : On voit toujours dans vos personnages de belles jeunes femmes aux prises avec des personnages masculins plus ou moins monstrueux, mais pourquoi jamais le contraire, un beau jeune homme dans la même situation ?
MT : J’ai orienté mes mangas pour un public masculin, et comme les hommes aiment rêver, ce sont des représentations de femmes idéales, parfaites. D’autre part, j’aime vraiment dessiner des monstres et pas des beaux garçons. Je ne me trouve pas très beau, donc ça m’énerve et je me dis “il est joli garçon, ce n’est pas juste”. Il faut voir aussi que, dans mon manga, tous les personnages ont une mentalité “de merde”, ce ne sont pas vraiment de bonnes personnes.
KNY : Vous qui êtes également connu comme le Maître des tentacules, pouvez-vous nous parler un peu de votre inspiration pour mettre des pénis multiples ou des yeux sur vos tentacules ?
MT : Au départ, les tentacules, c’était pour déjouer la censure, car il est beaucoup question de censure au Japon pour ce type d’œuvres. La police était très attentive au fait que, si un garçon encercle une fille, il peut lui faire des choses, alors que si les personnages sont éloignés, le garçon ne peut pas étirer son “engin” pour entrer, contrairement aux tentacules. Donc, à la base, c’est vraiment pour déjouer la censure. D’autre part, les hommes rêvent souvent d’en avoir un plus long et plus gros quand bien même ce n’est pas forcément ce que recherchent les femmes. Mais du coup, je voulais dire aux hommes, en fait, c’est ça que vous voulez si c’est plus gros et plus long. C’est une manière de se moquer un peu. Pour les femmes, c’est un peu la même chose pour la poitrine, beaucoup rêvent d’avoir une poitrine plus opulente, c’est un peu le même cas de figure.
KNY : Pensez-vous que votre travail a influencé la perception de certains de vos lecteurs sur les rapports sexuels hommes-femmes, à l’image des jeux vidéo pornographiques ? (le traducteur est gêné)
MT : Je ne pense pas, car à l’époque de la publication de ces histoires (NB dans les années 80) les hommes étaient plus forts mentalement. S’ils invitaient une femme à un rendez-vous mais qu’elle refusait, ils acceptaient. Mais maintenant, ils ont une blessure d’orgueil, ils ont peur des femmes, ne veulent plus sortir avec alors qu’à l’époque, dans les années 1980, les hommes se sentaient forts et confiants. Aussi, je ne pense pas que j’ai pu, à l’époque, influencer les pensées des gens.
KNY : Maintenant que vous avez une belle carrière, quels sont vos projets ? Continuer dans le hentai, traiter de nouveaux sujets totalement différents, voyager, rencontrer vos fans ?
MT : Il n’y a pas longtemps, j’ai eu un petit accident au bras, mais dès que cela sera totalement soigné, je vais chercher de nouvelles perspectives. Pas forcément du hentai, ce n’est pas ce que je recherche, même si cela ne me dérangerait pas, mais il y a plein de types de mangas au Japon.

KNY : Avez-vous déjà rencontré des fans féminines ?
MT : J’ai été très surpris de voir un public féminin. Cela s’est surtout vu aux Etats Unis d’Amérique. Je reçois beaucoup de courrier, dont de la part de femmes lectrices et au Japon, il y a plusieurs fan-clubs entièrement féminins qui me sont consacrés.
KNY : Avez vous déjà été contacté par des féministes ? (traducteur surpris)
MT : J’ai déjà rencontré des féministes qui m’ont dit que ce “n’était pas top de représenter des viols de femmes”. Mais comme elles ont lu le manga en entier et qu’elles ont vu que ce n’était pas la finalité du message transmis, donc finalement ça s’est bien passé.
KNY : Quel est votre regard sur la production actuelle de hentai puisque vous en êtes une figure fondatrice ?
MT : Je ne sais pas vraiment car je ne lis pas ce type d’œuvres. Mais je pense qu’il doit y en avoir des semblables aux miennes, qui évitent la facilité.
KNY : Ce n’est pas la première fois que vous venez à Paris manga, qu’est-ce qui vous pousse à revenir ?
MT : Lors de ma première venue, j’ai rencontré un fan incroyable (NB : le fan est présent au bout du stand). Comme j’aime être proche de mon public, je suis revenu, même sans être invité par le salon. J’aime les salons car c’est là que l’on peut vraiment échanger avec le public.

KNY : Vous avez fait une apparition dans un film d’horreur, pouvez-vous nous parler de cette expérience ?
MT : Personnellement, les films d’horreur me font peur. Aussi j’ai été très surpris par ce projet, mais il s’agissait d’un film d’horreur musical. Je n’aurais jamais pensé participer à ce type de projet, mais finalement si.
KNY : Avez-vous un petit mot pour vos fans français ?
MT : Je trouve que les français ressemblent aux japonais au niveau de nos relations et de nos personnalités. Je n’ai pas ressenti la même chose chez les américains, pourtant blancs. Le peuple français ressemble beaucoup au peuple japonais. Les japonais apprécient beaucoup les œuvres françaises, en particulier anciennes, car ils y retrouvent quelque chose. Je trouve qu’il y a vraiment quelque chose entre les japonais et les français, un lien.
KNY : Avez-vous pu visiter une peu Paris pendant votre voyage ?
MT : Je suis déjà venu au début de l’année (2014) donc j’ai pu visiter la ville. Ce que j’aime le plus, c’est manger du fromage et boire du vin pendant que je visite. Si je vois des parisiennes à ce moment là, c’est encore mieux.

Merci beaucoup Monsieur Maeda pour le temps que vous nous avez consacré, et merci à Gaël d’avoir assuré la traduction pas toujours aisée de nos questions et des réponses de Monsieur Maeda.
Par la suite, hors micro, Monsieur Maeda m’a confié que son rêve d’enfance, quand il s’est lancé dans le manga, était de créer des shonen de sport, un peu comme Eyeshild 21.