Dessiné et imaginé par la mangaka Nagabe, L’enfant et le Maudit détonne dans l’univers des mangas par son dessin inhabituel. Cette tragédie moderne, à l’esthétique très cinématographique, nous plonge dans un univers mystérieux où le suspense est intenable et ne sera pas levé à l’issue de ce premier volume, paru aux éditions Komikku, le 9 mars dernier.

Dans ce premier tome, l’histoire nous est en effet à peine dévoilée. L’auteure n’a daigné nous révéler que quelques sommaires indices. Malgré cela, elle parvient à capter l’attention du lecteur et à le plonger dans l’univers si particulier qu’elle a dessiné.

L’esthétique du manga y est d’ailleurs pour beaucoup. Elle est extrêmement recherchée. Le travail sur les jeux d’ombre et de lumière a rarement été poussé aussi loin. En quelques coups de crayon et malgré la simplicité du dessin, Nagabe parvient à réaliser des décors au réalisme stupéfiant. Artistiquement parlant, on ne peut être que charmé.

On a l’impression de regarder un film muet en noir et blanc, non seulement visuellement, mais aussi dans la manière de ménager le suspens. Le mystère qui entoure les personnages et le monde dans lequel ils évoluent nous tient en haleine d’un bout à l’autre du manga et nous donne envie de découvrir les prochains tomes.

Dans ce premier volume, nous faisons la connaissance de la petite Sheeva. La fillette respire la pureté, l’innocence et la candeur. Elle est aussi blanche et mignonne que son professeur est monstrueux et noir.

Elle est vêtue d’une longue robe blanche qui pourrait aussi bien être une chemise de nuit. On ne sait quasiment rien de cette petite humaine, ni de ce qui l’a amenée à rencontrer son mystérieux protecteur. Alors qu’ils semblent aussi différents que le jour et la nuit, ce dernier l’a prise sous son aile, on ne sait pour quelles raisons. Attentionné, il tente de pourvoir à tous ses besoins, mais en aucun cas la petite ne doit le toucher, sous peine d’être maudite et de devenir à son tour monstrueuse. Afin d’éviter une telle catastrophe, il cherche à éviter tout contact direct avec elle et s’isole régulièrement dans son bureau.

 

La plupart du temps, Sheeva est donc seule. Elle ne peut espérer trouver un quelconque réconfort dans les bras du « Maudit ». Privée de câlins, de tendres baisers, de chaleur humaine, elle évolue dans un monde froid et solitaire. Heureusement, elle partage une belle complicité avec son élégant protecteur.

On ignore depuis combien de temps elle loge chez cet étrange individu, mi-homme, mi-bête. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle attend que sa tante vienne la chercher, bien sagement, nullement effrayée par la situation.

Le plus étrange n’est pas sa réaction, mais plutôt l’univers dans lequel elle évolue. On a l’étrange impression que « Le Maudit » et elle sont les seuls survivants d’un désastre qui ne veut pas dire son nom. La forêt qui entoure leur cabane ne semble abriter aucun animal. Quant au village voisin, il paraît désert. Cette désolation serait-elle propre au monde dans lequel ils vivent ?

Ce soupçon de vie, ardemment recherché, semble se trouver par-delà la forêt. De l’autre côté du bois se dessine en effet une ville fortifiée. Celle-ci est destinée aux gens de l’intérieur. Reclus, ces derniers vivent en autarcie, protégés par des chevaliers en armure, antipathiques au possible, froids, intransigeants, sans pitié et surtout, sans une once d’humanité. Leur peur d’être contaminés par des êtres de l’extérieur et d’être maudits à leur tour les pousse à prendre des mesures extrêmes. Ils sont prêts à tout pour se protéger de l’extérieur, y compris à s’en prendre à une fillette innocente.

Cette défiance vis-à-vis de l’extérieur remonte au conflit lointain opposant le dieu de la lumière à celui des ténèbres. À la suite de ce combat, le monde fut scindé en deux : celui de l’intérieur, baigné de lumière, réservé aux humains, et celui de l’extérieur, demeure maudite peuplée d’étranges créatures. Mais la soi-disant humanité des hommes est peut-être bien moindre que celle de ces prétendus monstres !

Brisant les codes traditionnels du manga, L’enfant et le Maudit est une belle surprise. La beauté et la qualité de son univers visuel permettent de contrebalancer la noirceur de son histoire et la peine que l’on ressent envers cette petite fille abandonnée qui semble condamnée à un monde de solitude. À suivre…

 

Auteur Magali Sautreuil

Informations techniques :

Titre : « L’enfant et le maudit » / « Siúil, a Rún » / « Totsukuni no Shōjo »

Tome n° : 1 / 3

Genre : Shonen - Fantastique

Dessin et scénario : Nagabe

Éditeur : Komikku Editions

Nombre de pages : 208 pages en noir et blanc

Format : 13.3 cm de large par 18.1 cm de haut

Sortie française : le 9 mars 2017

Prix : 7.90 €

EAN : 978-2372871976

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